Licenciement des salariés de Prysmian Draka
Question de :
M. Pierre-Henri Dumont
Pas-de-Calais (7e circonscription) - Les Républicains
M. Pierre-Henri Dumont attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la crise de désindustrialisation qui touche actuellement sa circonscription, à savoir Calais et le Calaisis, et plus particulièrement sur les négociations qui accompagnent le licenciement des 82 salariés du groupe Prysmian Draka, une usine spécialisée dans la production de câbles de fibre optique à Calais. Le 12 mars 2024, un accord a été signé par les syndicats avec le groupe. Cependant, ces derniers ne sont pas satisfaits, à juste titre, de la prime supra-légale. En effet, les derniers chiffrent évoquaient une prime supa-légale de 25 000 euros plus 650 euros par année d'ancienneté pour les salariés et 25 000 euros pour les bénéficiaires de la pré-retraite. Cette prime est dérisoire face au montant de celle reçue par les salariés licenciés de Meccano, environ 60 000 euros, une entreprise en difficulté, alors que Prysmian affichait un bénéfice de 6 millions d'euros pour la fin d'année dernière pour le site de Calais. Le groupe, réparti dans 50 pays, a dégagé un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros en 2022 et 1,6 milliard d'euros en 2023 sur le territoire français. Ce sont 82 foyers qui se retrouvent aujourd'hui dans une profonde détresse avec notamment une charge conséquente sur les épouses et compagnes des salariés licenciés qui vont devoir assumer seules les besoins du ménage. Aussi, il lui demande, au nom des salariés de Prysmian Draka, que les fonds versés par Prysmian dans le cadre de la convention de revitalisation du territoire soient réattribués à la prime supra-légale que touchent les salariés de l'entreprise. Il l'interroge aussi sur la nature de l'accompagnement des sous-traitants.
Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024
LICENCIEMENTS CHEZ PRYSMIAN DRAKA
M. le président . La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour exposer sa question, no 715, relative aux licenciements chez Prysmian Draka.
M. Pierre-Henri Dumont . Il y a trois mois, j'ai notifié au Gouvernement que 500 emplois industriels avaient été perdus dans le Calaisis en 2023 et l'ai alerté sur la situation des sous-traitants et des 82 salariés du site calaisien de Prysmian Draka, dont la fermeture soudaine venait d'être annoncée. Depuis, malgré la lutte des salariés, la dignité de leurs conjoints et la supplique des élus locaux, le Gouvernement n'a rien fait. Il nous a même laissés tomber !
Dunkerque a connu une dizaine de visites ministérielles en un an ; aucun ministre ne s'est déplacé à Calais, à 30 kilomètres de là. La semaine dernière, Bruno Le Maire, sûrement pris par l'écriture d'un nouveau roman, a annulé son rendez-vous avec la maire de Calais. Vous êtes membre d'un gouvernement qui travaille pour ceux qui vont bien et qui abandonne ceux qui vont mal. Vous vivez, monsieur le ministre, dans une France Potemkine !
Pour les salariés de Prysmian Draka, l'heure n'est plus au sauvetage, mais à la négociation de conditions de départ, aussi dignes que possible : l'État ne peut pas négliger ce dossier plus longtemps !
Alors que le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est en cours d'homologation par la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets), les salariés et les élus locaux s'inquiètent de voir Prysmian, dont les bénéfices en 2023 ont atteint 600 millions d'euros à Calais et 1,5 milliard dans le monde, s'en tirer sans que l'État lui impose de prendre ses responsabilités. En effet, le budget que le groupe prévoit de consacrer à la revitalisation du territoire ne semble à la hauteur ni de ses bénéfices ni de la casse sociale.
Je poserai donc quatre questions. L'État exigera-t-il de l'entreprise un fond de revitalisation plus important que celui prévu ? Dans le cadre de la convention passée avec l'entreprise et les collectivités, l'État fera-t-il flécher une partie des fonds vers l'augmentation de l'indemnité supralégale de licenciement ? Octroiera-t-il aux salariés de Prysmian – dont la moyenne d'âge est de 53 ans – une priorité d'emploi dans les nouvelles industries dunkerquoises, subventionnées par des fonds publics ? Le ministre Roland Lescure utilisera-t-il un jour son GPS pour venir constater, à Calais, l'ampleur des conséquences de l'inaction gouvernementale ?
M. Alexandre Portier . Excellente question !
M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . Comptant deux établissements en France, l'un à Calais, l'autre à Douvrin, la société Draka, filiale du groupe Prysmian, est spécialisée dans la fabrication et la vente de fibres optiques et de câbles à fibres optiques. Le marché français du câble à fibre optique ne cesse de se réduire, et cette tendance devrait se poursuivre jusqu'en 2025, notamment suite au parachèvement du plan France très haut débit.
Dans ce contexte, la société a effectivement prévu la fermeture de l’établissement de Calais, ce qui concerne tous les salariés, et en a informé les instances représentatives lors d’une réunion, le 4 décembre 2023. Elle a souhaité privilégier le dialogue social et négocier, avec les organisations syndicales, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, avec l'objectif d’aboutir à la conclusion d’un accord collectif majoritaire.
Les services du ministère du travail ont été mobilisés et ont facilité le dialogue et la négociation. La Dreets a également adressé une lettre d’observations à l’entreprise le 23 janvier, visant à améliorer les mesures du PSE.
La direction de la société et les organisations syndicales représentatives se sont réunies à plusieurs reprises. Ces dernières ont formulé plusieurs propositions, et la direction a consenti à amender certains points du PSE. Cela a notamment conduit à une augmentation significative de la durée du congé de reclassement – jusqu’à vingt-quatre mois –, ainsi qu'à une hausse de l’aide à la création d’entreprise – jusqu’à 15 000 euros – et de l’aide à la formation – jusqu’à 22 000 euros. Les indemnités supralégales de licenciement ont également été augmentées. Ces avancées ont permis la signature unanime, par les organisations syndicales, d’un accord, le 12 mars.
Vous demandez que les fonds de la future convention de revitalisation soient réattribués aux salariés, sous la forme d'une prime supralégale. Or l'obligation de revitalisation du territoire, qui s'applique aux grandes entreprises procédant à des licenciements, est à distinguer de leurs obligations sociales à l’égard des salariés.
Ainsi, les mesures du PSE visent un accompagnement des salariés, notamment dans leur reclassement, alors que l’obligation de revitalisation vise à favoriser la création d’emplois sur un territoire, lorsque l'entreprise en a supprimé. Cette obligation entend donc responsabiliser les entreprises qui, en conduisant des restructurations, peuvent porter atteinte à l’équilibre des bassins d’emploi où elles sont implantées. La revitalisation contribue à créer de nouvelles opportunités dans le bassin d’emploi, en finançant des projets de développement économique et en soutenant la création de nouveaux emplois durables sur le territoire.
Cette obligation est donc indépendante des négociations entre l’entreprise et ses organisations, notamment concernant les indemnités supralégales versées dans le cadre d’un PSE, sur lesquelles l’administration n’a aucun droit de regard. Pour cette raison, le Gouvernement souhaite que la revitalisation contribue à créer des emplois sur le territoire, conformément à ce que prévoient les textes.
M. le président . La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
M. Pierre-Henri Dumont . La signature d'un PSE par les organisations représentatives ne signifie pas que ces dernières en approuvent le contenu ; simplement, elles n'ont pas le choix, et sont bien obligées de le signer au bout d'un certain temps.
L'État a également un rôle à jouer, et vous ne pouvez pas vous défausser de la sorte. L'État accompagne la réindustrialisation du Dunkerquois en y subventionnant les entreprises : vous pouvez instaurer des clauses exigeant que ces entreprises subventionnées embauchent prioritairement les salariés qui viennent d'être licenciés à 20 ou 30 kilomètres de là. C'est du ressort de l'État ; il faut prendre ses responsabilités !
Auteur : M. Pierre-Henri Dumont
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités
Ministère répondant : Travail, santé et solidarités
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2024