16ème législature

Question N° 7214
de M. Didier Le Gac (Renaissance - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > accidents du travail et maladies professionne

Titre > Suivi post-professionnel des salariés exposés à l'amiante

Question publiée au JO le : 18/04/2023 page : 3513
Réponse publiée au JO le : 29/08/2023 page : 7798
Date de changement d'attribution: 25/04/2023

Texte de la question

M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur le suivi post-professionnel des salariés exposés à l'amiante. Dans un rapport de 2010 intitulé « Suivi post-professionnel après exposition à l'amiante », la Haute Autorité de santé (HAS) relevait que le suivi post-professionnel (SPP) des personnes ayant été exposées à l'amiante durant leur vie professionnelle, mis en place en 1993 suite à la directive européenne de 1989, faisait l'objet de nombreux dysfonctionnements multifactoriels. Ce rapport notait que le suivi post-professionnel « n'avait que peu été appliqué sur l'ensemble du territoire national, y compris pour l'amiante et ce malgré les recommandations de la HAS ». Selon les auteurs de ce rapport, les principaux éléments avancés pour expliquer le faible suivi post-professionnel des salariés exposés à l'amiante étaient « d'une part, une non-application de la réglementation, avec un très faible nombre d'attestations d'exposition délivrées (du fait en particulier des difficultés de repérage des expositions anciennes, souvent incertaines ou d'une réticence de la part de certains employeurs) et une absence de traçabilité effective des expositions antérieures dans l'organisation actuelle du dispositif de surveillance médicale du travail (difficulté majorée en particulier pour les très petites entreprises [TPE] et entreprises sous-traitantes ou les salariés en situation précaire), d'autre part, une procédure jugée complexe conduisant le salarié à formuler des demandes réitérées pour chaque examen de suivi ». À l'époque (2010), la commission d'audition avait retenu les objectifs suivants pour le SPP « amiante » : « informer les personnes concernées sur leurs expositions professionnelles passées, les conséquences possibles de celles-ci sur leur état de santé et le dispositif de surveillance qui leur est proposé ; leur proposer un suivi médical adapté leur permettant de connaître leur état de santé; faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles et l'accès aux dispositifs de réparation existants ; contribuer à l'amélioration des connaissances épidémiologiques sur les expositions à l'amiante et leurs conséquences sanitaires ». Treize ans après ce rapport de la HAS et après l'audition en 2023 d'associations de défense de salariés ayant été exposés à l'amiante, il ressort que la situation de 2010 n'a guère évolué depuis 13 ans, avec un faible suivi post-professionnel. Seuls 800 salariés environ, selon la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), sembleraient bénéficier annuellement de ce SPP, ce qui semble extrêmement faible au regard du nombre de salariés ayant été exposé à l'amiante durant leur carrière professionnelle. Il convient ici de rappeler que l'exposition à l'amiante peut causer des maladies du poumon et de la plèvre bénignes mais également des affections cancéreuses (mésothéliome pleural, cancer broncho-pulmonaire). Il convient également de rappeler que certaines affections bénignes, faute de dépistage et de suivi, peuvent se muer en affection maligne. Alors que le droit au suivi médical pris par l'arrêté du 28 juillet 1995 a été simplifié par le décret n° 2022-696 du 26 avril 2022, qui rappelle que « toute personne inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, qui a cessé d'être exposée à l'un des risques professionnels listés à l'article D. 461-23 du code de la sécurité sociale peut, à sa demande, bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la branche accidents du travail - maladies professionnelles du régime général », M. le député demande à M. le ministre s'il entend mener en direction des personnes ayant été exposées à l'amiante des campagnes de promotion du SPP de même nature que les campagnes de santé publique en faveur du dépistage du cancer du sein pour les femmes de plus de 40 ans et du dépistage du cancer colo-rectal pour les hommes de plus de 50 ans. Il lui demande comment il entend faciliter les demandes des SPP pour tous les salariés ayant été exposés à l'amiante et, naturellement, comment il entend agir pour que la directive européenne sur le SPP soit appliquée beaucoup plus largement qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Texte de la réponse

Le décret n° 2022-696 du 26 avril 2022 relatif à la surveillance médicale post-professionnelle des salariés ayant été exposés à certains facteurs de risques professionnels précise que cette surveillance post-professionnelle est accordée par l'organisme concerné sur production par l'intéressé de l'état des lieux des expositions mentionné, selon le cas, à l'article R. 4624-28-3 du code du travail ou à l'article R. 717-16-3 du code rural et de la pêche maritime ou, à défaut, d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail ou d'un document du dossier médical de santé au travail mentionné à l'article L. 4624-8 du code du travail, communiqué par le médecin du travail, comportant les mêmes éléments. Ainsi, il est possible de bénéficier de la surveillance post professionnelle en présentant d'autres documents que l'attestation d'exposition à l'amiante. Par ailleurs, la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 renforçant la prévention et la santé au travail prévoit la mise en œuvre d'une meilleure traçabilité des risques au cours de la carrière à travers plusieurs dispositions. La traçabilité des expositions, dont celle aux fibres d'amiante, passe en particulier par le renforcement du dossier médical en santé au travail qui retrace les informations permettant de connaître les risques actuels ou passés auxquels le travailleur est ou a été exposé, notamment les informations relatives aux caractéristiques du ou des postes de travail et au secteur d'activité dans lequel il exerce, les données d'exposition aux risques professionnels de nature à affecter l'état de santé du travailleur, ainsi que les mesures de prévention mises en place : ce dossier est transmis sur demande et en l'absence d'opposition du travailleur, aux nouveaux services de prévention et de santé au travail chargés du suivi de l'état de santé tout au long de la carrière, permettant ainsi de conserver la trace des expositions passées. En outre, la mise en place d'une visite avant le départ à la retraite du travailleur ou après la cessation de leur exposition aux risques permet au médecin du travail d'établir un état des lieux des expositions aux facteurs de risques professionnels. Cet état des lieux est versé au dossier médical en santé au travail, afin d'assurer un meilleur suivi de la santé du travailleur. C'est au cours de cette visite que le médecin du travail peut mettre en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil des organismes de sécurité sociale.  En amont de ces différentes mesures participant à retracer l'exposition des travailleurs aux fibres d'amiante, il convient de souligner que la réglementation française s'est considérablement renforcée sur ces dix dernières années tant en matière d'évaluation que de prévention du risque professionnel d'exposition aux fibres d'amiante : la première étape de ce renforcement correspond au décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d'exposition à l'amiante, codifié aux articles R. 4412-94 à R. 4412-148 du code du travail. Ainsi, tout en abaissant la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) en matière d'amiante à 10 fibres par litres sur 8 heures et en imposant dans le même temps d'avoir recours à une méthode d'analyse pour les mesurages en milieu professionnel permettant le décompte de toutes les fibres d'amiante identifiées comme cancérigènes, ce décret a prévu une élévation conséquente du niveau de prévention du risque amiante dans toutes ses composantes (mesures de protections collectives et individuelles à mettre en œuvre, information et formation des travailleurs à la prévention, etc.), de manière à garantir toute son efficacité à cette mesure d'abaissement de la VLEP ; la seconde étape découle de l'introduction à l'article L. 4412-2 du code du travail (complété par les dispositions du décret n° 2017-899 du 9 mai 2017 relatif au repérage de l'amiante avant certaines opérations) de l'obligation faite aux donneurs d'ordre, maîtres d'ouvrage d'un chantier du BTP et propriétaires de faire procéder à un repérage amiante avant travaux avant toute opération comportant un risque d'exposition des travailleurs aux fibres d'amiante. Effectivement, une protection efficace des travailleurs passe au premier chef par une identification en amont de la présence éventuelle d'amiante dans le périmètre des travaux projetés, aux fins de permettre au commanditaire de ces derniers de choisir l'entreprise compétente pour les réaliser en sécurité, lui communiquer les informations utiles à ce sujet et garantir ce faisant la mise en œuvre des protections permettant de prévenir ou, à défaut, de réduire autant que techniquement possible l'exposition des travailleurs. Enfin, il faut souligner que l'un des objectifs majeurs de l'action du système d'inspection du travail est de contribuer à prévenir les risques de maladies professionnelles et, à ce titre, le contrôle du respect de la réglementation relative aux risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante, dont le suivi de l'exposition des travailleurs, fait l'objet d'une attention particulière avec près de 11 000 interventions en 2022.