Question orale n° 730 :
Situation de l'école publique de premier degré en Haute-Vienne

16e Législature

Question de : M. Stéphane Delautrette
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Stéphane Delautrette interroge Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la situation de l'école publique du premier degré en Haute-Vienne. Le 4 mars 2024 était actée la carte scolaire pour l'année 2024-2025. Une carte scolaire adoptée dans la douleur, qui demeure insatisfaisante et préoccupante pour l'avenir. Mme la ministre connaît bien le département de M. le député, la Haute-Vienne, pour y avoir exercé. Elle connaît ses forces comme ses fragilités. En Haute-Vienne, le taux d'encadrement est inférieur à la moyenne nationale et à la moyenne académique. En Haute-Vienne, depuis le début de l'année scolaire, on compte 1 000 jours non remplacés, 300 élèves sont chaque jour sans enseignant, les moyens de l'enseignement adapté ont disparu, les moyens nécessaires à la mission d'inclusivité de l'école, pourtant annoncée comme prioritaire, sont toujours insuffisants. M. le député échange régulièrement avec les représentants de la communauté éducative, avec les parents d'élèves et les maires. Tous lui font part d'une situation très dégradée que les 18 suppressions annoncées fragilisent un peu plus, avec un très mauvais signal envoyé aux RPI jusqu'alors épargnés. « La baisse démographique a bon dos », me disent-ils. « Nos enfants ne sont pas des chiffres. Il faut sortir de cette vision arithmétique ». Cette baisse démographique aurait pu, à moyens constants, permettre de donner plus de marges de manœuvre, plus de souffle, aux RASED ou aux brigades de remplacement. Elle aurait aussi pu éviter d'avoir à compenser la non-fermeture d'une classe (à Arnac-la-poste) par la non-ouverture d'une unité externalisée au collège Donzelot. Ce jeu de chaises musicales est insupportable. Et puis, une nouvelle inquiétude pointe aujourd'hui avec le coup de rabot annoncé par Bruno Lemaire, qui risque d'entamer plus encore les moyens de réserve. Une autre inquiétude encore porte sur la suppression du fonds de soutien qui met à mal les projets éducatifs territoriaux, comme cela est relaté à M. le député par la maire de Javerdat pour le RPI de Javerdat-Cieux ou le maire de Nexon. Ce sont là des exemples supplémentaires qui illustrent le malaise profond dont souffre l'école publique laïque et républicaine. Face à cette situation alarmante, M. le député demande à Mme la ministre quelles réponses elle apporte à ses demandes : pour un moratoire sur les fermetures de classes tant qu'il n'y a pas de vision de plus long terme de l'organisation de l'enseignement sur le territoire français dans sa diversité ; pour une carte scolaire pluriannuelle, non définie par l'unique critère démographique ; pour une revalorisation significative de l'ensemble des métiers de la communauté éducative ; pour une appréhension globale et un travail transversal avec l'ensemble des ministères concernés (culture, collectivités territoriales et ruralités, fonction publique, etc.) ; pour une coopération accrue avec les collectivités locales en responsabilité. C'est l'avenir de la société qui se joue ici. Il lui demande comment elle compte agir pour faire de l'école, selon ses mots, « un lieu d'apaisement et d'égalité », pour que chacun soit doté des mêmes chances d'exercer sa citoyenneté.

Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024

ÉCOLE PUBLIQUE DU PREMIER DEGRÉ DANS LA HAUTE-VIENNE
M. le président . La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour exposer sa question, no 730, relative à l'école publique du premier degré dans la Haute-Vienne.

M. Stéphane Delautrette . Le 4 mars était actée en Haute-Vienne la carte scolaire pour l'année 2024-2025. Adoptée dans la douleur et source de préoccupation pour l'avenir, elle demeure insatisfaisante.

En Haute-Vienne, le taux d'encadrement est inférieur aux moyennes nationale et académique. Depuis le début de l'année scolaire, on y dénombre mille jours non remplacés et, chaque jour, 300 élèves sans enseignant. Les moyens de l'enseignement adapté diminuent ; ceux nécessaires à la mission d'inclusivité de l'école, pourtant annoncée comme prioritaire, sont insuffisants.

J'échange régulièrement avec les représentants de la communauté éducative, les parents d'élèves et les maires. Tous me font part d'une situation très dégradée, que les dix-huit suppressions de poste annoncées fragilisent encore. Le signal envoyé aux regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), jusqu'alors épargnés, est très négatif. Mes contacts me disent que la baisse démographique a bon dos, que nos enfants ne sont pas des chiffres et qu'il faut sortir de cette vision arithmétique.

La baisse démographique aurait pu, à moyens constants, permettre de laisser une plus grande marge de manœuvre aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) ou aux brigades de remplacement. Nous aurions aussi pu éviter de devoir renoncer à ouvrir une unité externalisée au collège Donzelot à Limoges pour maintenir une classe ouverte à Arnac-la-Poste – ce jeu de chaises musicales est insupportable.

Une nouvelle inquiétude point avec les mesures d'économies annoncées par le Premier ministre Gabriel Attal, qui risquent de réduire encore davantage les moyens de réserve. Plusieurs maires de ma circonscription ont attiré mon attention sur la suppression du fonds de soutien, qui met à mal les projets éducatifs territoriaux. Ces exemples illustrent le malaise profond dont souffre notre école publique, laïque et républicaine.

Face à cette situation alarmante, quelles réponses Mme la ministre de l'éducation nationale apportera-t-elle à nos demandes ? Il faut décréter un moratoire sur les fermetures de classes tant que nous n'avons pas une vision de plus long terme de l'organisation de l'enseignement sur le territoire français, dans sa diversité. La carte scolaire doit être pluriannuelle et ne pas se fonder exclusivement sur la démographie. Les métiers de la communauté éducative doivent être revalorisés significativement. Un travail transversal doit être mené avec l'ensemble des ministères concernés – notamment ceux de la culture, des collectivités territoriales et des ruralités et de la fonction publique – pour aboutir à une vision d'ensemble. La coopération avec les collectivités locales doit être approfondie.

C'est l'avenir de notre société qui est en jeu : comment la ministre de l'éducation nationale compte-t-elle procéder pour faire de l'école, je la cite, « un lieu d'apaisement et d'égalité », pour que chacun soit doté des mêmes chances d'exercer sa citoyenneté ?

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sait combien les modifications de la carte scolaire sont sensibles, en particulier dans les territoires ruraux – notamment dans le département de la Haute-Vienne, qu'elle connaît bien pour avoir occupé quelques années le poste de rectrice de l'académie de Limoges.

Au-delà des éléments que j'ai donnés au député Martineau sur l'appréciation de la dimension rurale de l'enseignement, le Gouvernement se montre très attentif à ce que les forces vives de chaque territoire, notamment les élus, soient associées le plus en amont possible à l'élaboration de la carte scolaire.

Une instance de concertation doit voir le jour dans tous les territoires ruraux pour garantir une visibilité sur trois ans dans le premier degré et répondre aux préoccupations de pluriannualité que vous évoquez. Nous suivons de très près le déploiement de cette instance dans chaque département depuis le printemps dernier, afin que cette promesse soit tenue partout, dans les meilleurs délais.

Des réponses adaptées aux territoires ruraux ont en outre été élaborées au cours des dernières années : je pense notamment à l'allocation progressive des moyens qui tient compte de l'indice d'éloignement, ou encore au dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER), au bénéfice des écoliers et des collégiens.

La carte scolaire est avant tout un instrument de politique publique que l’éducation nationale mobilise pour s’adapter à la réalité de territoires en constante évolution. Ce travail continu, mené en lien étroit avec les forces vives des territoires, doit permettre à chaque élève d'apprendre dans les meilleures conditions possibles.

La Haute-Vienne est affectée par la baisse démographique que vous avez rappelée : entre les rentrées 2017 et 2023, ses écoles publiques du premier degré ont perdu 2 525 élèves, ce qui représente une baisse de 8,5 % des effectifs.

Malgré les évolutions récentes de la carte scolaire, nous pouvons nous réjouir que le taux d'encadrement du département s'améliore. Ce taux, qui correspond au nombre de postes équivalents temps plein (ETP) pour 100 élèves, est passé de 5,24 à la rentrée 2017 à 5,80 à la rentrée 2023 ; il devrait encore progresser pour s'établir à 5,82 à la prochaine rentrée. Le nombre d’élèves par classe – 21,7 élèves par classe à la rentrée 2023 contre 23,4 en 2017 – permet aux enseignements d'assurer un suivi de qualité des élèves. Ce qui importe, c'est qu'il y ait moins d'élèves par classe, et plus de professeurs par élève.

Nous veillons à ce que tous les élèves, quel que soit leur territoire, bénéficient toujours du meilleur accompagnement, en nous adaptant le plus possible aux réalités.

M. le président . La parole est à M. Stéphane Delautrette.

M. Stéphane Delautrette . Vous faites état de la progression du taux d'encadrement ; il reste néanmoins bien inférieur aux moyennes académique et nationale.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Delautrette

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation et jeunesse

Ministère répondant : Éducation et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2024

partager