Question orale n° 733 :
Protection juridique des sauveteurs de la SNSM

16e Législature

Question de : M. Christophe Blanchet
Calvados (4e circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)

M. Christophe Blanchet attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité, sur la protection juridique des sauveteurs en mer de la SNSM. Suite à un drame survenu le 14 janvier 2021 lors d'un remorquage par gros temps, un équipage de la SNSM a été mis en examen. En effet, les sauveteurs de la SNSM sont aujourd'hui exonérés de responsabilité en cas de sortie d'urgence pour sauver une vie mais peuvent voir leur responsabilité engagée si un accident survient lors d'une sortie qui ne revêt pas ce caractère de sauvetage, comme ce fut le cas le 14 janvier 2021. Cette mise en examen est terrible en ce qu'elle semble jeter l'opprobre sur l'engagement de tous les sauveteurs en mer, engagement qui plus est bénévole. De plus, à l'avenir, les sauveteurs pourraient y penser à deux fois avant d'intervenir, ce qui se ferait au détriment de tous les marins. Ainsi, il lui demande comment le Gouvernement entend renforcer la protection juridique des sauveteurs en mer afin que ceux-ci puissent intervenir sans arrière-pensée et s'engagent pleinement pour le sauvetage des navigateurs.

Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2024

SAUVETEURS EN MER
Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Blanchet, pour exposer sa question, no 733, relative aux sauveteurs en mer.

M. Christophe Blanchet . Le 14 janvier 2021 à vingt-trois heures trente-cinq, le chalutier Breiz coulait au large de Ouistreham, avec à son bord trois marins-pêcheurs : Quentin Varin, 26 ans, et les frères Steven et Jimmy Gibert, 27 et 19 ans. J'ai évidemment une pensée pour leurs familles endeuillées et tout le monde de la pêche.

De nuit, par un temps dantesque, sous des rafales de 30 nœuds et avec une houle de plus de 2 mètres, les sauveteurs bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de Ouistreham ont essayé de sauver ce chalutier et ses pêcheurs. Mais rien n'y a fait et, en quelques secondes, après un début de remorquage, le navire disparaissait sous leurs yeux consternés et choqués. L'échec d'une mission, chaque sauveteur de la SNSM le vit toujours comme un échec personnel, d'autant plus lorsqu'une vie a été perdue.

Le capitaine Philippe Capdeville, dit Philibert, marin de profession ayant à son actif 900 missions opérationnelles pour la SNSM, était à la manœuvre cette nuit-là. Prix de son engagement : il a été requis contre lui un an de prison avec sursis et une interdiction de navigation de deux ans pour négligence et faux d'un document de bord. En effet, lorsque l'équipage de Ouistreham sort, c'est pour un remorquage, et non pour un sauvetage. Lorsqu'un sauvetage tourne mal, les équipiers ne sont pas inquiétés, mais si c'est un remorquage, ils peuvent l'être, et c'est bien pour cela que la justice a été saisie. La SNSM compte 11 000 bénévoles, que je tiens à saluer et remercier ici. Ils ont effectué plus de 9 000 sorties en 2023, et en 150 ans d'existence, c'est la première fois que l'un d'eux est poursuivi pour de tels faits.

Par respect pour la séparation des pouvoirs, je ne conteste pas ici cette action en justice, qui jette néanmoins un doute sur le devenir du bénévolat dans notre modèle de sécurité civile, toute la stratégie de sécurité en mer étant remise en cause. Les bénévoles de la SNSM sont prêts à risquer leur vie pour sauver un marin en danger, quel qu'il soit, parce qu'ils savent que d'autres le feraient aussi pour eux – c'est ce qu'on appelle la solidarité des gens de mer. Il n'y a qu'une chose qu'ils ne peuvent pas supporter au motif de porter secours : risquer la prison. Si l'on suit cette pente glissante, demain, lorsque des vies humaines ne seront pas en danger immédiat, les sauveteurs évalueront au cas par cas le risque judiciaire couru par l'équipe et refuseront d'intervenir s'il leur paraît disproportionné. Le jugement qui sera rendu le 4 juin nous mettra devant notre responsabilité de législateurs : ces bénévoles ont-ils une obligation de moyens ou une obligation de résultat ? Monsieur le ministre, comment comptez-vous protéger tous les bénévoles de notre modèle de sécurité civile contre les risques extérieurs à leur mission, qui est de sauver des vies ? Comment mieux protéger les bénévoles de la SNSM quand ils assurent une mission d'intérêt général à la demande des services de l'État ?

Mme la présidente . La parole est à M. le secrétaire d'Etat chargé de la mer et de la biodiversité.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité . Je vous remercie de poser cette question fondamentale pour la dizaine de milliers de bénévoles de la SNSM, qui s’engagent au quotidien pour sauver des vies en mer. Plus de 11 000 bénévoles, partout sur nos façades maritimes, matin, midi et soir, jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, sont sur le pont pour sauver des navires, des pêcheurs ou des plaisanciers, au péril de leur propre vie. Ils le font dans un contexte difficile, marqué par l’augmentation du nombre de navires en mer, avec cette solidarité des gens de mer, que vous avez évoquée, et avec l’intérêt général chevillé au corps.

Je pense également à tous ceux qui, dans les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross), coordonnent ce sauvetage en mer. La France a la chance d’avoir en la matière un système efficace, que nous avons soutenu et continuerons à soutenir par des investissements financiers, mais aussi par un soutien à la formation.

Je tenais à remercier tous les bénévoles de la SNSM et à leur exprimer tout le soutien du Gouvernement dans les actions essentielles qu’ils mènent.

Il ne m’appartient pas non plus de commenter l’affaire judiciaire en cours à la suite du drame du Breiz. Je souhaite néanmoins redire notre soutien aux sauveteurs en mer : nous comprenons l’émoi que cet événement a pu provoquer parmi eux ; notre responsabilité, la mienne, est d’adapter les dispositifs à cette réalité, compte tenu de ce qui s’est passé. Des députés sont également engagés à leurs côtés, comme vous, monsieur Blanchet – nous étions, il y a quelques mois, dans votre magnifique département, auprès des sauveteurs de la SNSM pour travailler sur leurs conditions de travail et d’engagement.

Je vous annonce avoir demandé que le Parlement se saisisse de cette question : je lancerai une mission parlementaire pour réfléchir à l’adaptation du régime de protection juridique des bénévoles, qui sont engagés jour et nuit pour protéger les gens de mer, afin de leur éviter de se retrouver sur le banc des accusés lorsqu'ils sauvent des vies. Comptez sur moi pour mener à bien cette mission sur l’évolution du statut des bénévoles de la SNSM.

Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet . Merci, monsieur le ministre. Il y a urgence car beaucoup de stations de la SNSM ne comptent pas que des retraités et des étudiants, mais aussi des professionnels de la mer. Ces personnes-là se désengagent en nombre, car elles craignent, non pas une sanction pénale, mais qu'on leur retire leur droit de naviguer, ce qui leur ferait perdre leur boulot. Il est donc urgent d'acter cette mission et de trouver des solutions pour sécuriser tous les bénévoles sauveteurs de la SNSM.

Données clés

Auteur : M. Christophe Blanchet

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Mer et biodiversité

Ministère répondant : Mer et biodiversité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2024

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