16ème législature

Question N° 734
de Mme Delphine Lingemann (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Puy-de-Dôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > environnement

Titre > Acceptabilité des nouvelles infrastructures de transition énergétique

Question publiée au JO le : 07/05/2024
Réponse publiée au JO le : 15/05/2024 page : 3521

Texte de la question

Mme Delphine Lingemann appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'incontournable travail préalable d'acceptabilité sociale des projets d'environnement d'envergure ainsi que sur l'accompagnement de ces projets et la protection des porteurs de projets. Par « projets d'envergure » s'entendent tous les projets qui visent à développer la souveraineté énergétique, à développer les infrastructures routières ou ferroviaires pour un meilleur maillage du territoire ou le développement du frêt ferroviaire, ou encore ceux qui visent à permettre la construction de retenues d'eau ou d'ouvrages d'art. La nécessité de la transition écologique semble aujourd'hui consensuelle mais la mise en œuvre des projets est lente et s'accompagne très souvent de contestations. En vue d'apaiser le débat, il apparaît comme impossible de passer outre l'acceptabilité locale des nouveaux projets destinés à concrétiser la nouvelle politique climatique de la France au risque d'intensifier les oppositions locales, voire de devenir un enjeu politique et politisé. L'urgence de certains projets sur les territoires doit conduire à leur mise en place rapide. De nombreux projets de retenues d'eau sont bloqués alors que tous les recours juridiques sont épuisés. La construction de « retenues de substitution » pour irriguer des terres cultivées, appelées par leurs détracteurs « mégabassines », est devenue en France l'un des sujets les plus sensibles et qui tourne très souvent à une guerre de l'eau totalement irrationnelle. À titre d'exemple, le 11 mai 2024, dans le Puy-de-Dôme, il est prévu une manifestation contre un projet de retenues d'eau porté par 36 agriculteurs. Un projet qui n'est même pas encore déposé auprès des services de l'État. L'appel à manifester contre ce projet est porté par le collectif « Bassines non merci 63 » auquel se sont associés les Soulèvements de la Terre, la Confédération Paysanne 63, XR 63 et les Faucheurs. Leur phrase d'appel du 11 mai est « une rando festive et déterminée pour la défense de l'eau ». Derrière des mots pacifistes se cache un projet de blocage clairement politique, soutenu par La France insoumise. Or ce projet n'a rien à voir avec celui de Sainte-Soline. On n'est pas sur le même type d'exploitation, ici ce sont des exploitations de taille modeste. Techniquement, c'est aussi bien différent. Ce ne sera pas un pompage dans les nappes phréatiques mais bien un pompage dans la rivière durant 3 mois dans l'année, seulement si un débit suffisant le permet. Devant cette situation alarmante qui pourrait même devenir dramatique pour la sécurité des biens et des personnes, elle souhaiterait connaître les mesures qu'il entend prendre pour favoriser l'acceptabilité sociale des projets essentiels pour les territoires.

Texte de la réponse

ACCEPTABILITÉ DES GRANDS PROJETS ENVIRONNEMENTAUX


Mme la présidente . La parole est à Mme Delphine Lingemann, pour exposer sa question, no 734, relative à l'acceptabilité des grands projets environnementaux.

Mme Delphine Lingemann . Si la transition écologique bénéficie d'une image positive auprès de l'opinion publique et fait l'objet d'une vraie prise de conscience, un nombre croissant de projets d'envergure à vocation environnementale font l'objet de réticences, voire d'une opposition de plus en plus structurée et politisée. De ce fait, de nombreux projets sont ralentis, voire annulés, malgré la plus-value sociétale ou économique qu'ils représentent pour le territoire concerné et en dépit des garanties environnementales apportées au gré des étapes obligatoires pour leur mise en œuvre.

Aux critères de faisabilité technique, de viabilité économique et de préservation de l'environnement, s'ajoute en effet celui de l'acceptabilité sociale. Pourquoi ces résistances aux changements, ces difficultés croissantes à mettre en œuvre de grands projets d'infrastructure ? Les raisons de s'y opposer sont souvent liées aux répercussions directes sur la santé ou sur le confort des riverains – bruit, ondes, odeurs –, à la perturbation de la flore, de la faune et de la biodiversité qu'ils entraînent, à l'altération des paysages naturels et patrimoniaux, ou encore à la dépréciation des biens immobiliers situés à proximité.

Si de nombreuses disciplines scientifiques, médicales et sociales se penchent sur la question, une réponse politique doit être apportée en parallèle pour que ces projets puissent être menés à bien. Alors que l'acceptabilité est la pierre angulaire de la difficile mise en œuvre des projets d'envergure, passer de l'acceptabilité à l'acceptation est un processus souvent long, compliqué, et parfois douloureux, avec des oppositions plus ou moins violentes.

Des changements importants dans les modes de vie peuvent être acceptables, à condition d'être ressentis comme justes ; d'où l'importance d'associer les acteurs concernés. « Dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre », disait Marie Curie avec beaucoup de justesse. Dans ce type de projets d'envergure, la compréhension passe par de longues phases d'explication et de pédagogie. La réponse politique passe aussi par l'accompagnement des porteurs de projets, afin de sécuriser le déploiement de ceux-ci dans une démarche de coconstruction et d'éviter les retards, voire les annulations.

Je pourrais vous parler de l'autoroute A69 ou de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, deux dossiers qui vous concernent directement. Je m'arrêterai plutôt sur un projet de retenue d'eau – je parle bien de projet – dans ma circonscription du Puy-de-Dôme.

Le week-end dernier, une marche contre ce projet – j'insiste encore sur ce mot – a mobilisé de nombreux manifestants. Or ce projet n'a rien à voir avec celui de Sainte-Soline. Il ne s'agit pas du même type d’exploitation : ici, trente-six exploitations, souvent familiales, sont réunies dans un collectif. La différence est aussi technique : le pompage ne se fera pas dans les nappes phréatiques, mais dans l'Allier, trois mois par an, sur arrêté préfectoral, et seulement si un débit suffisant le permet. Si ce projet devait aboutir à l'issue du processus d'instruction, comment l'accompagner jusqu'au bout ?

Je l'ai dit, des pistes existent, comme l'association du public à la conception et à la mise en œuvre du projet, la participation financière des riverains à son capital ou la redistribution directe sur le territoire de ses retombées.

Comment instaurer un dialogue constructif avec les parties prenantes ? Comment passer de l'opposition à l'adhésion ? Comment enrichir le projet avec les propositions de ceux qui y étaient opposés ? Comment protéger les porteurs de projets, qui sont souvent inquiets ? Comment faire aboutir ces projets dans des délais respectables ? En bref, quels sont les leviers politiques pour assurer les conditions d'acceptabilité de ces projets, tout en apportant l'ensemble des garanties nécessaires aux porteurs de projets comme aux opposants ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . Vous l'avez parfaitement souligné, il est impératif de veiller à ce que les projets d’envergure qui nous permettront de réussir la transition écologique soient acceptés par la population des territoires. Accompagner la transition écologique en embarquant la population, voilà l'essence et la fierté de notre démocratie.

Pour assurer une gestion équilibrée de la ressource en eau et répondre aux enjeux du changement climatique, le Gouvernement a défini en 2019 la méthode pour lancer les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Cette démarche repose sur une approche globale et coconstruite avec l'ensemble des usagers de la ressource, à l’échelle d'un territoire cohérent du point de vue hydrologique. Elle peut aboutir à la création d'ouvrages de stockage d'eau, notamment à destination agricole.

Une mission d'appui pour l'aboutissement des PTGE a opéré durant l'année 2021 des retours d'expérience. Elle a rappelé que l’agriculture doit pouvoir sécuriser son accès à la ressource en eau et en améliorer la gestion. Répondre à cet enjeu implique de prendre en compte les attentes de l'ensemble des usagers et de garantir une gestion économe de cette ressource essentielle. Par ailleurs, le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole, en cours d'examen, prévoit une accélération du traitement des contentieux sur l'eau.

S'agissant du département du Puy-de-Dôme, un PTGE sur le bassin Allier aval est en cours d'élaboration. Le document final regroupant l'ensemble des volets du diagnostic sera bientôt prêt. Viendra ensuite la phase de construction des scénarios, déterminés à partir des volumes potentiellement prélevables définis dans les études. Pour choisir le programme d'actions à retenir, la gouvernance partagée de ce projet s'appuiera sur une analyse économique et financière. C'est par cette méthode de planification écologique, en mobilisant les territoires eux-mêmes, les acteurs et les outils objectifs, que nous parviendrons à dépasser les oppositions. J'ajouterai à cela l'importance d'éclairer nos populations, l'éducation populaire, comme je l'appelle dans le territoire qui m'est cher : mieux expliquer et faire comprendre à la population, au quotidien, les enjeux de la transition écologique.