Question orale n° 735 :
Quel projet gouvernemental pour l'enseignement public parisien ?

16e Législature

Question de : Mme Eva Sas
Paris (8e circonscription) - Écologiste - NUPES

Mme Eva Sas interroge Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les projets du Gouvernement à moyen et long termes pour l'école publique parisienne. Après les fermetures de classe massives, 175 classes supprimées à la rentrée 2023 pour seulement 24 ouvertures et 155 postes supprimés, et face aux projections de fermetures de classe dans des proportions similaires pour la rentrée 2024 - entre 174 et 183 suppressions de divisions prévues à ce jour -, Mme la députée s'inquiète d'une telle réorganisation à marche forcée de l'école publique à Paris. C'est bien l'abandon de l'école publique et de la promesse républicaine qu'elle porte qui est ici en jeu. Mme la députée souhaite ainsi que Mme la ministre l'éclaire sur sa vision de l'école publique et, en creux, de l'école privée à Paris. Des projections documentées d'un chercheur au CNRS démontrent que la baisse démographique est presque entièrement absorbée par les écoles publiques et que, d'ici quelques années, l'enseignement privé sous contrat pourrait devenir majoritaire à Paris si la croissance des effectifs du privé se poursuit au même rythme que celui observé entre 2013 et 2023. En plus du virage de l'autorité comme seul horizon et du tri social que le ministère promet au collège avec les groupes de niveau, c'est le renoncement à la mixité sociale que le Gouvernement accepte voire promeut en laissant l'enseignement privé devenir majoritaire à Paris. Les données sur la mixité sociale dans l'enseignement privé sont à cet égard révélatrices et devraient alarmer Mme la ministre. Ainsi, Mme la députée souhaite que Mme la ministre l'éclaire et lui précise les mesures concrètes qu'elle compte prendre pour garantir que la rentrée 2024 soit synonyme de regain de confiance et d'attractivité pour l'école publique à Paris pour tous les parents d'élèves. Mme la députée attend en particulier l'abandon des projets de fermeture de classe dans les écoles faisant l'objet d'une convention en priorité éducative puisque, l'année dernière, deux fermetures de classe ont eu lieu dans un groupe scolaire classé en CAPPE de sa circonscription, l'école de la Brèche aux Loups et la fermeture de deux classes supplémentaires à l'école élémentaire y est prévue pour la rentrée 2024 et ce, malgré les difficultés que parents et direction dénoncent et que l'académie connaît, mais choisit visiblement d'ignorer. Enfin, elle souhaite connaître les solutions concrètes qui seront apportées aux chefs d'établissement et enseignants qui rencontrent des difficultés, voire une situation de surmenage, tant ils et elles doivent compenser des absences non remplacées, des manques structurels d'effectifs face à des familles dont les difficultés sociales se renforcent.

Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2024

SITUATION DE L'ÉCOLE À PARIS
Mme la présidente . La parole est à Mme Eva Sas, pour exposer sa question, no 735, relative à la situation de l'école à Paris.

Mme Eva Sas . Ma question vise à connaître les moyens que vous comptez mobiliser pour défendre l'école publique à Paris. Depuis plus d'un an, nous vous alertons sur les fermetures de classe, accompagnés par les associations de parents d'élèves, les personnels de direction scolaire et des élus locaux – que je me permets d'associer à ma question.

À la rentrée 2023, 175 classes ont été supprimées, y compris dans des établissements de ma circonscription bénéficiant d'une convention académique pluriannuelle de priorité éducative (Cappe) – notamment l'école de la Brèche-aux-loups. En 2024, 183 fermetures de classes seraient programmées : c'est dire le choc pour l'école publique parisienne. Nous avons alerté le rectorat sur la nécessaire prise en compte des livraisons de logement à venir, du classement en Cappe de certains établissements et du niveau de leur indice de position sociale. Ces éléments, pourtant objectifs, ne semblent pas avoir été intégrés aux projections.

Nous sommes particulièrement inquiets d'une telle réorganisation à marche forcée de l'école publique parisienne et, avec elle, de l'abandon par le Gouvernement de la promesse républicaine que l'école défend. Ces fermetures constituent un véritable renoncement à la mixité sociale, que le Gouvernement accepte, voire promeut, en laissant l'enseignement privé devenir majoritaire à Paris. D'après les projections documentées du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ce sera le cas d'ici à quelques années. Personnellement, je ne m'y résous pas, non seulement en tant que députée écologiste parisienne, mais aussi en tant que mère dont les trois enfants n'ont connu et ne connaissent que l'école publique.

Comment le Gouvernement compte-t-il garantir que la rentrée 2024 soit synonyme d'un regain de confiance dans l'école publique à Paris ? Envisage-t-il des mesures concrètes qui s'appuieraient sur la baisse démographique pour réduire les effectifs par classe et rendraient son attractivité à l'école publique pour tous les parents d'élèves ?

Nous appelons également votre attention sur la situation des chefs d'établissement et des enseignants, qui sont confrontés à des difficultés quotidiennes et à une dégradation de leurs conditions de travail, tant ils doivent compenser les absences non remplacées et accompagner des familles dont les difficultés sociales s'accentuent. Il est impossible que l'académie ne connaisse pas ces difficultés, que vous choisissez visiblement d'ignorer.

Nous attendons de votre part les engagements suivants : poursuivre le dialogue avec les parents d'élèves et les élus parisiens ; renoncer à certaines fermetures de classes ; prendre en considération les profils sociaux des élèves parisiens ; en définitive, redonner des perspectives de développement et d'attractivité à l'école publique à Paris.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. L'académie de Paris est pleinement mobilisée, afin que tous les élèves et tous les personnels puissent envisager la prochaine rentrée scolaire le plus sereinement possible.

Il faut bien le reconnaître : dans l'académie de Paris, le déclin démographique s'accélère depuis à peu près dix ans et affecte tous les niveaux d'enseignement, du premier degré jusqu'au post-bac. Structurel et non conjoncturel, il perdurera, ce que nous ne pouvons que déplorer.

Les chiffres sont parlants : en dix ans, les classes du premier degré de l'enseignement public de l'académie de Paris ont perdu 30 000 élèves, ce qui correspond à une baisse de 22 % des effectifs. Après une baisse de 2 690 élèves à la rentrée 2023, on prévoit une nouvelle baisse de 2 031 élèves à la prochaine rentrée scolaire. Pour autant – et j'y insiste –, nous devons rappeler que l'académie de Paris présente, avec celle de Corse, le meilleur taux d'encadrement de France métropolitaine, soit 6,6 postes pour 100 élèves en 2023 : ce taux est bien supérieur à la moyenne nationale de 6 postes pour 100 élèves et dépasse celui de 5,1 professeurs pour 100 élèves constaté en 2013. Malgré la baisse des moyens, ce taux d'encadrement devrait poursuivre sa progression et garantir ainsi de bonnes conditions d'enseignement.

Par ailleurs, le nombre moyen d'élèves par classe atteint à Paris le niveau très favorable de 19,9 élèves par classe, contre 24,6 en 2013. Les classes comptent donc moins d'élèves, et les moyens sont bien là.

Ce sont également trente-neuf ouvertures de classe qui sont prévues dans la capitale, dont vingt et une sont liées à la poursuite du dédoublement des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 des établissements des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et seize sont la conséquence du plafonnement de l'effectif de ces classes à vingt-quatre élèves, dans les établissements hors REP. Au nom de l'égalité républicaine, à laquelle vous êtes sensible, nous mettons donc les moyens là où s'expriment les besoins.

S'agissant à présent des remplacements, nous prévoyons la création de dix postes de professeur remplaçant à Paris à la rentrée 2024. Comme à la rentrée 2023, chaque établissement disposera d'une dotation, dans le cadre du pacte enseignant : elle permettra ainsi la création de dispositifs d'accompagnement et de soutien au profit des élèves et plus particulièrement des élèves en difficulté.

J'ajouterai également que cinq postes de formateur-conseiller pédagogique seront créés, ainsi que cinq dispositifs dédiés à l'école inclusive. Nous devons en effet faire en sorte de mieux accueillir les enfants en situation de handicap.

Mme la présidente . La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas . Vous ne tenez pas compte de la ségrégation sociale qui s'installe actuellement à Paris : la part des élèves désormais scolarisés dans des établissements privés y atteint désormais 29 %, pour un taux de 17 % à l'échelle nationale. L'enseignement privé pourrait, à terme, devenir majoritaire, et cette tendance concentre les difficultés sociales dans l'école publique. Or vos propos ne témoignent pas de la prise en considération de cet état de fait.

Données clés

Auteur : Mme Eva Sas

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation et jeunesse

Ministère répondant : Éducation et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2024

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