16ème législature

Question N° 7442
de M. Julien Rancoule (Rassemblement National - Aude )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Port de caméras individuelles par les agents de sécurité privés

Question publiée au JO le : 18/04/2023 page : 3502
Réponse publiée au JO le : 03/10/2023 page : 8815
Date de renouvellement: 29/08/2023

Texte de la question

M. Julien Rancoule appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'impossibilité des agents de sécurité de faire usage de caméras individuelles. Elles ont pourtant prouvé leur utilité en ce qui concerne les forces de l'ordre et les sapeurs-pompiers, d'abord par une phase d'expérimentation, puis une pérennisation de ces dispositifs en 2021 au travers des articles L. 241-1, L. 241-2 et L. 241-3 du code de la sécurité intérieure. Ces caméras dites « piétons », qui ne capturent l'image qu'au déclenchement volontaire du porteur, permettent bien souvent de désamorcer des situations conflictuelles et, si besoin, apportent de précieuses preuves tant aux enquêteurs qu'aux juges. Cet outil est sécurisant à la fois pour l'agent utilisateur que pour le tiers filmé. Les agents de sécurité privés, les convoyeurs de fonds, les agents de protection rapprochée, ne peuvent actuellement pas faire usage de ce matériel. Pourtant, ces salariés, détenteurs d'une formation et d'une carte professionnelle, sont de toute évidence fortement exposés aux risques d'agressions. À l'inverse, ils subissent la pression de certains individus qui filment, elles, à leurs dépens et de façon tronquée, les agents de sécurité dans leur travail. De ce fait, il lui demande s'il envisage d'autoriser les agents de sécurité privés à faire usage de caméras individuelles pour contribuer à leur propre sécurité et celle des tiers.

Texte de la réponse

Comme tout dispositif de captation d'images, les caméras individuelles portent atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes filmées, en raison de l'enregistrement de sons et d'images sur la voie publique ou dans des lieux privés. Leur usage doit, à ce titre, être particulièrement encadré et strictement proportionné aux finalités poursuivies et aux missions exercées. L'application du droit de la protection des données à caractère personnel conduit ainsi à en limiter l'attribution à des catégories de personnels et pour des situations strictement délimitées. En effet, si l'usage des caméras individuelles a été autorisé pour certaines catégories d'agents, tels que ceux de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des services d'incendie et de secours, de la police municipale ou encore des garde-champêtres en ce moment à titre expérimental, c'est en raison du caractère nécessaire et proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit au respect de la vie privée, eu égard au but poursuivi et aux fonctions exercées. Au cas d'espèce, une extension du dispositif des caméras mobiles aux agents de sécurité privée ne paraît pas répondre à un besoin impérieux, ni reposer sur des motifs pertinents et suffisants car, contrairement aux policiers municipaux et aux garde-champêtres, les agents de sécurité privés ne disposent d'aucune prérogative de police judiciaire et disposent d'un champ d'intervention particulièrement restreint. En outre, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2021-940 du 15 octobre 2021 s'inspirant d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat (CE, 7 /10 SSR, 1er avr. 1994, n° 144152, n° 144241 ; CE, 5/3 SSR, 29 déc. 1997, n° 170606), a considéré qu'il résulte de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen « l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la “force publique“ nécessaire à la garantie des droits. Cette exigence constitue un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. » Il n'est donc pas possible de déléguer des compétences générales de police administrative ou de surveillance de la voie publique à des personnes privées tels que les agents de sécurité privée. Dans ces conditions, et à ce stade, ces agents ne peuvent être regardés comme exerçant des missions de nature à justifier qu'ils soient autorisés à filmer leurs interventions au moyen de caméras individuelles.