Question orale n°745 : Surpopulation carcérale

16ème Législature

Question de : Mme Martine Froger (Occitanie - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires)

Mme Martine Froger attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'urgence à agir en matière de surpopulation carcérale. En effet, le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record au 1er mars 2024, avec 76 766 personnes incarcérées, soit 4 415 de plus que l'année précédente, selon les chiffres publiés par le ministère de la justice. Face à cette surpopulation carcérale chronique, le Conseil de l'Europe a exprimé à la mi-mars 2024 sa « profonde préoccupation ». En juillet 2023, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait condamné la France pour ses conditions « indignes » de détention. Preuve que le problème est ancien, la CEDH avait déjà épinglé Paris en 2020 pour la surpopulation de ses prisons. En tout, 3 099 détenus sont contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol de leur cellule. La densité carcérale globale s'établit désormais à 124,6 %. Le département de l'Ariège n'échappe malheureusement pas à ce triste constat. Repérée depuis 2021 comme figurant parmi les établissements pénitentiaires les plus « surpeuplés » de France au regard de leur capacité, la maison d'arrêt de Foix, avec 140 détenus pour une capacité de 65 places, est à ce jour la quatrième prison de France la plus surpeuplée, juste derrière celles de Nîmes, Perpignan et Carcassonne. La direction de l'établissement ainsi que les syndicats ne cessent d'alerter sur une situation intenable et constatent que malgré les échanges hebdomadaires entre le tribunal de Foix et la direction de la prison pour tenter de désengorger les cellules, aucune amélioration n'est intervenue sur les six derniers mois. À cette surpopulation chronique viennent s'ajouter des départs à la retraite du personnel pénitentiaire qui peinent à être remplacés et qui reflètent de grandes difficultés de recrutement au regard du manque d'attractivité du métier et des conditions de rémunérations notamment. De fait, si les conditions de détention sont grandement impactées par cette surpopulation chronique, les conditions d'exercice de tous les personnels pénitentiaires s'en trouvent gravement dégradées. À Foix, avec 16 matelas au sol et un taux d'occupation de plus de 220 %, la situation n'est désormais plus viable, que ce soit pour le personnel, exposé à des risques plus grands chaque jour, que pour les détenus dont les conditions de détention exacerbent les tensions. Cette sur-occupation, conjuguée à la vétusté des bâtiments et au déficit de personnel, entraîne un fonctionnement en mode dégradé, porteur d'atteintes aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes détenues. Certes, le Gouvernement a annoncé la construction de 15 000 nouvelles places de prison d'ici à 2027 pour résorber le problème, mais pour beaucoup d'observateurs, la livraison globale des 15 000 places supplémentaires ne permettra pas à la direction de l'administration pénitentiaire de tenir son objectif de 80 % d'encellulement individuel. Aussi, Mme la députée demande à M. le ministre ce qu'il entend faire pour renforcer la mise en œuvre réelle d'alternatives à l'emprisonnement pour tenter de remédier à la surpopulation carcérale telles que l'interdiction des peines de prison de moins d'un mois, l'aménagement des peines, la détention à domicile sous surveillance électronique ou le développement du travail d'intérêt général par exemple. De même, elle souhaite savoir ce que le Gouvernement entend faire à la suite de la recommandation du Conseil de l'Europe qui a invité les autorités françaises à « examiner sérieusement et rapidement l'idée d'introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale ».

Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2024

SURPOPULATION CARCÉRALE
Mme la présidente . La parole est à Mme Martine Froger, pour exposer sa question, no 745, relative à la surpopulation carcérale.

Mme Martine Froger . Au 1er mars, le nombre de détenus a atteint un nouveau record : selon les chiffres publiés par le ministère de la justice, plus de 76 000 personnes sont incarcérées, soit 4 415 de plus que l'année précédente. Face à cette surpopulation carcérale chronique, le Conseil de l'Europe a exprimé, à la mi-mars, sa profonde préoccupation. Au mois de juillet, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait condamné la France en raison de l'indignité des conditions de détention. Preuve que le problème est ancien, en 2020, la CEDH avait déjà épinglé Paris pour la surpopulation de ses prisons. En tout, 3 099 détenus sont contraints de dormir sur un matelas au sol et la densité carcérale s'établit désormais à 124,6 %.

Le département de l'Ariège n'échappe pas à ce triste constat. Identifiée depuis 2021 comme l’un des établissements pénitentiaires les plus surpeuplés de France au regard de ses capacités, la maison d'arrêt de Foix, qui compte 140 détenus pour une capacité de 65 places, est la quatrième prison de France la plus surpeuplée après celles de Nîmes, Perpignan et Carcassonne. La direction de l'établissement et les syndicats ne cessent d'alerter au sujet de cette situation intenable. Malgré les échanges hebdomadaires entre le tribunal de Foix et la direction de la prison pour tenter de désengorger les cellules, aucune amélioration de la situation n'a été constatée au cours des six derniers mois. À cette surpopulation chronique viennent s'ajouter les départs à la retraite du personnel pénitentiaire, difficiles à compenser. Cela illustre les grandes difficultés de recrutement, qui s'expliquent notamment par le manque d'attractivité du métier et les conditions de rémunération.

De fait, la surpopulation chronique affecte grandement les conditions de détention et dégrade sévèrement les conditions de travail de l'ensemble des personnels pénitentiaires. À la maison d’arrêt de Foix, où le taux d'occupation dépasse 220 %, la situation n'est plus viable, que ce soit pour le personnel, qui se trouve exposé à des risques grandissants, ou pour les détenus – les conditions de détention exacerbent les tensions et portent atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur dignité.

Le Gouvernement a annoncé la création de 15 000 nouvelles places de prison d'ici à 2027. Pour beaucoup d'observateurs, la livraison globale ne permettra cependant pas d'atteindre l'objectif de 80 % d’encellulement individuel. Qu'entendez-vous entreprendre pour renforcer l’application de mesures alternatives à l'emprisonnement, telles que l'interdiction des peines de moins d'un mois, le placement à l'extérieur, le placement sous surveillance électronique (PSE) ou le développement des travaux d'intérêt général (TIG) ? Comment comptez-vous donner suite à la recommandation du Conseil de l'Europe, qui a invité les autorités françaises à « examiner sérieusement et rapidement l'idée d'introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale » ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées . Depuis 2017, nous avons pris plusieurs mesures fortes contre la surpopulation carcérale, qui est un véritable enjeu. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ont permis de favoriser les aménagements pour des peines inférieures ou égales à un an et de prohiber les peines inférieures à un mois.

La lutte contre la surpopulation carcérale passe notamment par la lutte contre la récidive. Notre majorité a voté la création d'une libération sous contrainte de plein droit, en vigueur depuis 2023, pour les incarcérations d'une durée inférieure ou égale à deux ans, lorsque le reliquat de peine est inférieur ou égal à trois mois et à condition de remplir certaines conditions. Cette mesure évite les sorties sèches, qui multiplient par deux le risque de récidive.

De plus, un travail de fond a été engagé pour favoriser le recours au travail d'intérêt général. Sa durée maximale a été accrue jusqu'à 400 heures pour les délits. Nous poursuivons cette démarche en donnant la possibilité de convertir des peines en TIG. Le nombre d'offres de TIG a doublé entre 2019 et 2024, passant de 18 000 à 38 000. L'instauration de réunions régulières avec les directions interrégionales des services pénitentiaires, au niveau de chaque cour d'appel, constitue un autre levier de régulation important – il importe en effet de s'adapter aux besoins des différentes régions. Toutefois, la création d'un mécanisme strict et généralisé de régulation carcérale, qui impliquerait de fait un numerus clausus, nous semble contraire à un certain nombre de nos principes fondamentaux, au premier rang desquels l'égalité devant la loi. En outre, il pourrait entraver l'effectivité de la réponse pénale. Vous pouvez constater que nous nous attachons à relever le défi de la surpopulation carcérale.

Mme la présidente . La parole est à Mme Martine Froger.

Mme Martine Froger . Dans mon département, beaucoup d'associations proposent d’accueillir dans le cadre de placements à l’extérieur des détenus qui pourraient travailler en entreprise. La justice ne va pas dans ce sens ; il est dommage qu'on n'utilise pas davantage ce dispositif.

Données clés

Auteur : Mme Martine Froger (Occitanie - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires)

Type de question : Question orale

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2024

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