Question orale n° 749 :
Santé mentale, état de la psychiatrie en milieu rural

16e Législature

Question de : M. Francis Dubois
Corrèze (1re circonscription) - Les Républicains

M. Francis Dubois appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'état de la psychiatrie en France et plus particulièrement en zones rurales. Sur le terrain, par les témoignages de praticiens, de patients ou de responsables d'associations, M. le député est régulièrement interpellé sur cette situation alarmante. Ceux-ci corroborent les conclusions de divers rapports. Par exemple, celui de la fédération hospitalière de France (FHF) relevait en 2023 que les délais moyens d'accès à des soins psychiatriques pouvaient aller d'un à quatre mois pour les consultations psychiatriques pour adulte et de cinq à douze mois pour l'accès à un suivi psychiatrique en ambulatoire pour enfant et adolescent. Quand on sait que ces consultations relèvent souvent de l'urgence absolue et peuvent sauver des vies de la prison, de la rechute et même parfois de la mort, cette situation est inadmissible. En milieu rural, la psychiatrie a toujours été le parent pauvre de la santé et depuis la crise de la covid-19, la situation s'est empirée. Sur la première circonscription de Corrèze, le centre hospitalier d'Eygurande propose certes une offre très étoffée de prise en charge des troubles psychiatriques mais les moyens et les effectifs manquent au vue des besoins grandissant notamment chez les jeunes. Les arbitrages au plus haut niveau tardent à être pris, par exemple s'agissant de la création d'une future unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) à destination de patients détenus. Devant ce constat édifiant, il lui demande quels moyens il compte engager spécifiquement pour la Corrèze en faveur de la psychiatrie pour répondre à l'urgence de la situation - en particulier à destination des plus jeunes - et quelles politiques de prévention des troubles et d'accompagnement des patients y seront déployées. Il l'interroge également sur ses intentions en matière de réduction des délais de prises en charge et de consultation afin qu'une réponse rapide soit apportée aux personnes en détresse.

Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2024

PSYCHIATRIE EN MILIEU RURAL
Mme la présidente . La parole est à M. Francis Dubois, pour exposer sa question, no 749, relative à la psychiatrie en milieu rural.

M. Francis Dubois . L'état de la santé mentale en milieu rural est préoccupant. Les maux sont pluriels, notamment en Corrèze, où praticiens, responsables d'association et patients, inquiets, m'interpellent à ce sujet. L'après-covid et les incertitudes sociales et climatiques anxiogènes engendrent une forte hausse de l'activité des hôpitaux psychiatriques, et les besoins de soins augmentent, tant pour les enfants et les adolescents que pour les adultes.

Le centre hospitalier du pays d'Eygurande, un établissement privé à but non lucratif spécialisé dans la prise en charge des patients adultes, est l'établissement psychiatrique le plus important de Corrèze. Sa fréquentation est en nette hausse depuis 2019 : les hospitalisations de jour ont augmenté de 16 %, les soins ambulatoires de 35 %. Prévention du suicide, notamment chez les jeunes adultes et dans le secteur agricole, prise en charge des addictions et continuité de soins pour les pathologies psychiatriques classiques : il faudrait désormais proposer une offre de soins plus large, susceptible de se substituer à l'hospitalisation complète, ce qui implique de développer de nouveaux types de consultation, au plus près du domicile des patients, au sein des maisons de santé pluridisciplinaires et à proximité des médecins généralistes.

Pour déployer cette offre, il faut disposer de moyens humains. Or le constat est terrible : les postes de professionnels non pourvus sont très nombreux. Ainsi, le centre hospitalier du pays d'Eygurande recherche actuellement trois psychiatres, un généraliste en CDI et dix infirmiers. Des efforts de 2,8 millions sur trois ans ont pourtant été accomplis pour la formation, sans aide particulière. Le financement des réformes en cours doit respecter le principe d'égalité de traitement entre les établissements psychiatriques publics et privés à but non lucratif. L'élaboration du budget doit prendre en compte les spécificités rurales, notamment les surcoûts de fonctionnement.

Prochainement, les agences régionales de santé (ARS) devront délivrer les autorisations administratives en psychiatrie : elles devront choisir les acteurs autorisés à intervenir dans les années à venir. Économies d'échelle et rationalisation de l'offre de soins au seul bénéfice des patients devront guider cette réflexion.

Les défis en matière de santé mentale sont donc nombreux en Corrèze ; on y attend avec impatience des réponses concrètes : la psychiatrie ne peut plus se satisfaire d'effets d'annonce du type « grande cause nationale » – il faut agir vite et bien. Quelles mesures comptez-vous prendre pour favoriser le recrutement de médecins et d'infirmiers en psychiatrie ? Un plan national d'aide à la formation est-il prévu ? Garantirez-vous une juste répartition des financements entre les établissements privés à but non lucratif et les établissements publics ? Comment envisagez-vous de prendre en compte les spécificités rurales, en donnant du pouvoir et des moyens supplémentaires aux instances départementales ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Vous l'avez dit, monsieur Dubois, la crise du covid-19 a accentué les problèmes de santé mentale des Français, en particulier ceux de la jeunesse. Les établissements de santé font face à une hausse des demandes de soin, et les délais de prise en charge se sont allongés.

Pour relever ces défis, le Gouvernement œuvre depuis plusieurs années à renforcer l'offre de soins en psychiatrie, en mobilisant des moyens financiers inédits. Nous avons augmenté de 32 % les dépenses d'assurance maladie finançant ces activités : elles sont passées de 9 milliards en 2020 à plus de 12 milliards en 2023. Nous appliquons la réforme du financement de la psychiatrie dans les établissements de santé – réforme que vous avez d'ailleurs votée, monsieur Dubois –, qui vise à mieux répartir l'offre de soins sur le territoire d'ici à 2026.

Concernant plus spécifiquement le financement de la santé mentale en Corrèze, les opérateurs du département ont reçu un peu plus de 1,5 milliard en 2023 par le biais du fonds d'intervention régional. Les trois établissements de santé corréziens ont quant à eux bénéficié de plus de 50 millions de crédits, un montant en augmentation continue depuis plusieurs années, précisément pour répondre à ces enjeux.

Par ailleurs, le territoire accueille des dispositifs spécifiques innovants, en coordination avec l'ARS. Ainsi, le centre hospitalier du pays d'Eygurande développe un projet d'hôpital de jour intensif en pédopsychiatrie, afin de répondre aux besoins des enfants, notamment de ceux relevant de l'aide sociale à l'enfance. Son ouverture est prévue en septembre 2024, et je suis certaine que vous assisterez à son inauguration. En outre, le département bénéficie d'un projet territorial de santé mentale et dispose d'un conseil local en santé mentale. Ces outils renforcent la coopération entre les acteurs à l'échelle du territoire.

Vous l'aurez compris, si beaucoup reste à faire, nous sommes pleinement mobilisés pour relever ces défis et répondre aux attentes de nos concitoyennes et de nos concitoyens en matière de santé mentale.

Données clés

Auteur : M. Francis Dubois

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2024

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