Question orale n° 751 :
Situation des MNA en attente d'évaluation dans la Métropole de Lyon

16e Législature

Question de : M. Hubert Julien-Laferrière
Rhône (2e circonscription) - Non inscrit

M. Hubert Julien-Laferrière alerte Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles, sur la situation des mineurs non accompagnés (MNA) en attente d'évaluation, ces jeunes étrangers isolés qui n'ont pas encore officiellement été reconnus mineurs. La ville de Lyon est tout particulièrement impactée par l'arrivée croissante de ces jeunes depuis un peu plus d'un an. Sur le seul dernier trimestre de 2023, près de 1 200 d'entre eux, principalement originaires de Guinée et de Côte d'Ivoire, sont arrivés dans la métropole lyonnaise, soit autant que durant toute l'année 2022. Cette augmentation constante des demandes de mise à l'abri pose des défis majeurs. À l'échelle nationale, de nombreux départements peuvent être dépassés par la situation et les centres d'accueil atteignent parfois leur capacité maximale. À Lyon, les services de la Métropole sont pleinement mobilisés aux côtés de Forum Réfugiés, organisme délégataire du service public pour l'accueil et l'hébergement de ces jeunes. Dans ce contexte, M. le député souhaite alerter sur une population spécifique, celle des MNA en attente d'évaluation, qui reste dans une situation juridique floue et qui est particulièrement vulnérable à la précarité et à l'itinérance. Selon une enquête récente de la Coordination nationale Jeunes exilés en danger, ils seraient actuellement près de 3 500 en France, dont 350 dans la seule Métropole de Lyon. Malgré l'existence de dispositifs comme La Station à Lyon, créée par la Métropole et soutenue par la préfecture du Rhône, qui ont permis d'accueillir certains de ces jeunes en attente, l'hiver 2023 a été particulièrement difficile. En plein cœur de Lyon pendant la saison froide, ces jeunes ont dû survivre dans des conditions glaciales et humides sous des tentes en attendant leur prise en charge, après des parcours migratoires bien souvent traumatisants faits de passeurs, de traversée du Sahara et de canots de fortune surpeuplés pour rallier l'autre rive de la Méditerranée. Il y a donc urgence à remédier à la saturation des structures d'accueil ainsi que des établissements hôteliers qui conduit de trop nombreux MNA à rester sans abri pendant leur période d'attente d'évaluation. L'implication concrète et volontariste des services de l'État aux côtés des départements les plus touchés est aujourd'hui une nécessité absolue. Cette prise en charge constitue non seulement une question d'humanité et de dignité, mais également une obligation légale, comme le souligne le Défenseur des droits depuis 2016. La précédente ministre chargée de l'enfance, Mme Charlotte Caubel, avait assuré à M. le député, par un courrier daté du 27 novembre 2023, que cette question était au cœur des préoccupations du Gouvernement, mais que l'importance des flux migratoires actuels mettait en difficulté les dispositifs de mise à l'abri et d'évaluation dans les départements les plus touchés. Mme Caubel avait également assuré de la pleine collaboration entre l'État et les conseils départementaux pour identifier les leviers mobilisables dans cette optique. Une réponse qui n'a malheureusement pas été suivie d'effets concrets durant l'hiver écoulé. M. le député souhaite donc connaître, plus de six mois après cette réponse, le niveau d'implication de l'État sur le sujet. Il souhaite également savoir s'il a été envisagé la mise en place d'un mécanisme de répartition géographique avant l'évaluation des MNA, à l'instar de ce qui se fait déjà pour leur affectation après reconnaissance de leur minorité. Il paraît en effet inacceptable que de jeunes exilés mineurs ou se présentant comme tels soient laissés à la rue pendant des mois après leur arrivée en France. L'État a les moyens de garantir une répartition équitable sur le territoire avant leur évolution de minorité et d'accueillir dignement ces jeunes en situation de détresse. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2024

MINEURS NON ACCOMPAGNÉS
Mme la présidente . La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour exposer sa question, no 751, relative aux mineurs non accompagnés.

M. Hubert Julien-Laferrière . Vingt-sept associations viennent de saisir le Conseil d'État pour contraindre la France à mettre son dispositif d'accueil et d'évaluation des mineurs isolés en conformité avec la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE).

Quant à moi, je souhaite vous interroger au sujet de l'évaluation de la minorité. Les mineurs non accompagnés (MNA) en attente d'évaluation sont actuellement 3 500 en France et 350 dans la métropole de Lyon, où j'ai été élu. Environ 80 % d'entre eux seront reconnus mineurs par la justice.

Dans de nombreux territoires, les demandes de mise à l'abri sont toujours plus nombreuses, et les départements font face à la saturation de leurs structures d'accueil. Lors du seul dernier trimestre 2023, près de 1 200 jeunes étrangers isolés sont arrivés sur le territoire de la métropole de Lyon. C'est autant que pendant toute l'année 2022 !

Malgré l'existence d'un dispositif unique en France – celui des stations, créées par la métropole de Lyon avec le soutien de la préfecture –, ces jeunes ont connu un hiver particulièrement difficile. À cet égard, je voudrais saluer les acteurs locaux – associations, élus, collectifs et riverains bénévoles – qui se sont remarquablement mobilisés pour venir en aide à ces jeunes.

Il y a urgence à remédier à la saturation des structures d'accueil, il y a urgence à ce que l'État réponde à ses obligations : il y va de la dignité des jeunes mais également du respect de la loi, comme l'ont rappelé le Défenseur des droits en 2016 et le Comité des droits de l'enfant des Nations unies en 2023. Votre prédécesseure, Charlotte Caubel, m'avait assuré, il y a six mois, de la pleine coopération de l'État avec les départements : qu'en est-il aujourd'hui ?

Alors que l'attente d'une évaluation renforce la vulnérabilité de ces jeunes, n'est-il pas possible d'envisager un mécanisme de répartition géographique ? Il est déjà en vigueur après l'évaluation de la minorité, mais pourrait aussi l'être avant, c'est la piste que nous suggèrent de nombreux acteurs locaux.

Il n'est pas acceptable que, dans notre pays, des jeunes isolés soient laissés à la rue pendant si longtemps, alors qu'ils ont déjà eu à souffrir beaucoup pendant leur parcours de migration.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées . Vous m'interpellez sur la situation des mineurs non accompagnés en attente d'évaluation et sur l'augmentation des demandes de mise à l'abri, laquelle met particulièrement en tension la métropole lyonnaise. En 2023, 19 370 décisions de placement ont été portées à la connaissance de la mission nationale mineurs non accompagnés (MMNA), leur nombre excédant de 31 % celui constaté en 2022.

Le traitement de la situation des enfants isolés – français ou étrangers – est une priorité et doit le rester. Chacun de ces enfants doit être protégé, et le conseil départemental est l'organe compétent pour accueillir, mettre à l'abri et évaluer la minorité et l'isolement des requérants, puis, le cas échéant, assurer leur prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Je le rappelle : cette mise à l'abri est obligatoire.

L'État intervient aux côtés des départements dans l'évaluation, dans la mise à l'abri et dans la prise en charge concrète des MNA, avec notamment la mise en place d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, le fichier d'aide à l'évaluation de la minorité (fichier AEM). Les départements bénéficient également de l'appui financier de l'État pour la réalisation de leurs actions de mise à l'abri et d'évaluation ; à ce sujet, la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles, Sarah El Haïry, a constitué des groupes de travail composés de représentants des deux parties. En 2018, l'État s'est engagé à verser aux départements une aide exceptionnelle à la prise en charge des MNA confiés à l'ASE par l'autorité judiciaire. Cette aide a été reconduite chaque année depuis et représente 18 millions d'euros.

Enfin, un projet d'instruction à l'attention des préfets de départements est en cours de rédaction. Il concerne l'accompagnement des présidents de conseils départementaux dans l'utilisation du fichier AEM, mais également l'identification de locaux permettant l'hébergement de personnes se déclarant MNA, notamment par la réquisition, tout à fait possible dans le cadre d'une mise à l'abri. Enfin, ce projet d'instruction porte sur le contrôle de la légalité des décisions prises par les conseils départementaux.

Vous le constatez, nous sommes pleinement mobilisés et devons le rester, dans l'intérêt de ces mineurs.

Données clés

Auteur : M. Hubert Julien-Laferrière

Type de question : Question orale

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Enfance, jeunesse et familles

Ministère répondant : Enfance, jeunesse et familles

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2024

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