Interception en mer des migrants dans le Pas-de-Calais
Question de :
M. Jean-Pierre Pont
Pas-de-Calais (5e circonscription) - Renaissance
M. Jean-Pierre Pont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les traversées de migrants dans le détroit du Pas-de-Calais n'ont jamais été aussi nombreuses : pour la journée du 20 mars 2024, 514 migrants (syriens, albanais, erythréens) ont rejoint le Royaume-Uni, 4 600 depuis janvier 2024, un record. Les migrants ne cherchent plus à emprunter le tunnel sous la Manche ni le port de Calais mais préfèrent partir en plein jour des plages de Wimereux, Boulogne-sur-Mer ou encore Le Portel avec des small boats. Une fois en mer, il est légalement impossible d'intercepter les embarcations. Cette impossibilité d'empêcher les migrants de traverser la Manche exaspère les autorités britanniques au regard des crédits alloués par leur Gouvernement - 543 millions d'euros sur trois ans - mettant une pression énorme sur les forces de l'ordre françaises. M. le député a interpellé M. le ministre à ce sujet en juin 2023 en commission des Lois. Il avait alors annoncé l'envoi de forces de l'ordre supplémentaires. Elles sont bien arrivées et leur stratégie consiste en une forte présence sur les plages. Malheureusement, les réseaux de passeurs s'adaptent et désormais des taxis-boats attendent en mer aux abords des plages pour embarquer les migrants. Pour mettre fin à cette situation et éviter d'avoir des drames humains en permanence, il serait indispensable de modifier les textes légaux interdisant l'intervention en mer pour les forces de l'ordre. Il lui serait fort reconnaissant de lui indiquer s'il est dans ses intentions d'agir en ce sens.
Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2024
MIGRANTS DANS LE PAS-DE-CALAIS
Mme la présidente . La parole est à M. Jean-Pierre Pont, pour exposer sa question, no 754, relative aux migrants dans le Pas-de-Calais.
M. Jean-Pierre Pont . Les traversées de migrants dans le détroit du Pas-de-Calais n'ont jamais été aussi nombreuses : pour la seule journée du 20 mars 2024, 514 migrants syriens, albanais ou encore érythréens ont rejoint le Royaume-Uni, ce qui porte à 4 600 le nombre de migrants depuis janvier dernier – un record !
Les migrants ne cherchent plus à emprunter le tunnel sous la Manche ni le port de Calais, mais préfèrent partir en plein jour depuis les plages de Wimereux, de Boulogne-sur-Mer ou encore du Portel, embarqués sur des small boats. Une fois qu'ils sont en mer, il est légalement impossible d'intercepter leurs embarcations.
Cette impossibilité d'empêcher les migrants de traverser la Manche exaspère les autorités britanniques, compte tenu des crédits alloués par leur gouvernement – 543 millions d'euros sur trois ans. Cette situation exerce donc une pression énorme sur les forces de l'ordre françaises.
J'ai interpellé M. le ministre Darmanin à ce sujet en juin dernier, lors d'une réunion de la commission des lois. Il a alors annoncé l'envoi de forces de l'ordre supplémentaires. Elles sont bien arrivées et leur stratégie consiste en une forte présence sur les plages. Malheureusement, les réseaux de passeurs s'adaptent et les taxi boats attendent désormais en pleine mer, aux abords des plages, pour embarquer les migrants. Je rappelle qu'un passeur se met 250 000 euros dans la poche à chaque passage de bateau !
Afin de mettre un terme à cette situation et d'éviter de nouveaux drames humains – cinq personnes sont mortes le 23 avril dernier, dont une fillette de 7 ans, ce qui porte à dix le nombre de décès depuis le début de l'année –, il est indispensable de modifier les textes légaux qui interdisent l'intervention en mer des forces de l'ordre terrestres. C'est pourquoi je vous serais reconnaissant de nous indiquer si le Gouvernement entend agir en ce sens.
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement . Vous avez rappelé le mode opératoire des taxi boats, qui consiste à faire partir discrètement et rapidement une embarcation depuis les eaux fluviales ou une plage éloignée du point de rassemblement, puis à longer la côte afin de faire embarquer à proximité du rivage les candidats à la traversée. Ce procédé a émergé en 2022 et a été depuis très utilisé par les passeurs. Il limite les phases les plus favorables à l'intervention des forces de l'ordre, notamment celles de la mise à l'eau et de l'embarquement avant le départ en mer.
Dès le 10 mars 2023, une directive du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, relative au contrôle de ce type de transport illégal, rappelait le cadre juridique des contrôles en mer. Parallèlement, des moyens de lutte spécifiques contre ce procédé ont été déployés par la préfecture de zone et les forces de sécurité intérieure, tels que des barrages flottants installés notamment sur les embouchures des fleuves côtiers.
Le dispositif de la gendarmerie nationale sur la Côte d'Opale n'a eu de cesse de se renforcer au fil des ans, afin d'assurer une surveillance toujours plus adaptée aux flux migratoires observés sur le littoral. Financé en partie par des fonds britanniques, à la suite des accords de Sandhurst, il comporte à la fois des gendarmes mobiles, des réservistes et des gendarmes départementaux, soutenus par des moyens spéciaux de surveillance – hélicoptères, postes à cheval, drones – et des matériels adaptés à leur zone d'emploi et à leurs missions – embarcations nautiques, buggies ou encore jumelles à vision nocturne.
La bande littorale située dans la zone de compétence de la gendarmerie représente plus de 140 kilomètres pour ce qui concerne la région des Hauts-de-France. Pour couvrir ce trait côtier, ainsi que l'intérieur des terres, plus de 630 militaires de la gendarmerie, dont 411 réservistes, sont déployés chaque jour. Pour mémoire, le volume quotidien des réservistes employés était de 141 personnels en juillet 2022 ; il s'élève désormais à 411 depuis avril 2024 et atteindra 493 dès le 1er avril 2025 – ce qui traduit bien une progression des moyens.
La priorité est donnée aux contrôles en amont du littoral ou avant que les migrants n'embarquent. Ceux qui mettent en danger la vie des migrants sont les passeurs et les personnes qui les aident. S'agissant des modalités d'intervention, la nécessité de sauvegarder la vie humaine l'emporte sur toute autre considération.
Mme la présidente . La parole est à M. Jean-Pierre Pont.
M. Jean-Pierre Pont . Je vous remercie et je vous invite à venir sur la Côte d'Opale rencontrer notamment les maires, qui gèrent ces problèmes, afin de mesurer leur désarroi face à un tel afflux. Nous venons d'ailleurs de découvrir un nouveau phénomène : des Vietnamiens arrivent en grand nombre sur les côtes afin de rejoindre la Grande-Bretagne.
Auteur : M. Jean-Pierre Pont
Type de question : Question orale
Rubrique : Immigration
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2024