16ème législature

Question N° 761
de M. Philippe Ballard (Rassemblement National - Oise )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > Loi « zéro artificialisation nette »

Question publiée au JO le : 07/05/2024
Réponse publiée au JO le : 15/05/2024 page : 3520

Texte de la question

M. Philippe Ballard rappelle à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sa question écrite, transmise également par courrier, qui est restée sans réponse à ce jour, malgré une relance en mars 2024. La question portait sur la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux. Dans l'Oise, un projet d'extension d'une installation de stockage des déchets non dangereux par Suez, provenant majoritairement de la région parisienne, soulève des interrogations quant à son implantation sur une emprise de 28 hectares, impliquant les communes de Liancourt Saint Pierre, Lavilletertre et Lierville. Les deux premières communes s'opposent au projet, tandis que la commune de Lierville y est favorable et envisage de modifier son PLU pour le rendre réalisable. Précision importante : le projet actuel ne respecte pas la législation en vigueur. La MRAe a souligné des lacunes importantes en matière d'environnement, d'urbanisme et de risques. Par ailleurs, l'artificialisation des sols dans la Communauté de communes du Vexin Thelle a déjà atteint 128 hectares entre 2011 et 2021. Or les objectifs du SRADDET en cours de consultation et après application du % de taux d'effort relatif à ce territoire ne lui laisseraient qu'une surface de 45 hectares ! Ce projet représenterait ainsi 62 % de l'enveloppe ZAN dédiée à la Communauté de communes pour les 10 prochaines années. Si ce projet d'enfouissement devait être décompté de cette enveloppe, beaucoup de projets et enjeux territoriaux, nécessaires au développement de ce territoire et actuellement discutés, devraient être annulés. Il est crucial que la région Hauts-de-France puisse inclure ce projet dans l'enveloppe nationale, son impact dépassant les frontières locales. Cette emprise n'a donc, en aucune façon, vocation à être décomptée du quota du territoire local puisqu'il est interrégional, donc national. On peut également et très légitimement s'interroger sur les projets d'enfouissement des déchets : est-ce que les ISDND seront comptabilisés dans les objectifs retenus au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ? Quelle surface sera ensuite restituée aux territoires ? M. le député en appelle à un arrêté ministériel pour que l'artificialisation induite par ce projet soit comptabilisée au niveau national et non local, compte tenu de sa portée interrégionale et que la région puisse l'exclure de son quota. Il attend depuis trop longtemps une réponse claire et précise sur ce dossier. Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Texte de la réponse

ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE


Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Ballard, pour exposer sa question, no 761, relative à la loi « zéro artificialisation nette ».

M. Philippe Ballard . Le 24 octobre 2023, j'ai déposé et transmis par courrier une question écrite à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, restée sans réponse à ce jour malgré une relance en mars 2024. Elle portait sur la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux.

Dans l'Oise, un projet piloté par Suez soulève des interrogations : l'extension, sur une emprise de 28 hectares, d'une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) provenant majoritairement de la région parisienne. Ce projet implique trois communes : Liancourt-Saint-Pierre et Lavilletertre, qui s'y opposent ; Lierville, qui y est favorable et envisage, pour le rendre réalisable, de modifier son plan local d'urbanisme (PLU). Précision importante : selon les autorités, le projet actuel ne respecterait pas la législation en vigueur.

L'artificialisation des sols dans la communauté de communes du Vexin-Thelle a déjà atteint 128 hectares entre 2011 et 2021. Or selon les objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), en cours de consultation, et après application du taux d'effort qui lui est imparti, elle ne disposerait plus que d'une enveloppe de 45 hectares pour assurer le respect de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN). Le projet d'enfouissement de Suez représente 62 % de cette enveloppe pour les dix prochaines années. S'il devait en être décompté, nombre de projets actuellement en discussion, qui répondent à des enjeux nécessaires au développement du territoire, devraient être annulés. Il est donc crucial que la région Hauts-de-France puisse inclure ce projet dans l'enveloppe ZAN nationale, car son impact dépasse les frontières locales.

Les ISDND seront-elles comptabilisées dans les objectifs retenus par les schémas de cohérence territoriale (Scot) ? Quelle surface sera restituée aux territoires ? Pouvez-vous prendre un arrêté ministériel afin que l'artificialisation induite par le projet d'ISDND soit comptabilisée au niveau national et non local ? Nous attendons depuis trop longtemps une réponse claire et précise à ce sujet.

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . La loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a fixé l'objectif zéro artificialisation nette des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire : la réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) durant la décennie 2021-2031 par rapport à la précédente décennie. La loi du 20 juillet 2023 permet que la consommation d'Enaf résultant des projets d'envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur soit comptabilisée au niveau national – dans le cadre d'un forfait déterminé à cet effet – et non au niveau régional ou local. La liste de ces projets est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme, soumis à une consultation des régions et du public, qui doit être publié d'ici à fin mai. Les ISDND ne figurent pas dans cette liste.

La loi permet en revanche de les considérer comme des projets d'envergure régionale, ce qui permet de mutualiser la consommation d'Enaf en les comptabilisant dans l'enveloppe régionale plutôt que dans l'enveloppe locale. Mutualiser la consommation d'espaces et l'artificialisation est également possible au niveau local, dans le cadre des Scot, pour des projets d'intérêt intercommunal. Dans le schéma d'aménagement régional, puis les documents d'urbanisme, la déclinaison de la trajectoire de sobriété foncière peut aussi tenir compte des projets lancés sur tel ou tel territoire, en minorant le taux d'effort pour l'un et en le majorant pour d'autres.

Enfin, depuis 2003, le code de l'urbanisme comporte une procédure de mise en compatibilité du plan local d'urbanisme, à la suite d'une déclaration de projet portant sur l'intérêt général d'une action, d'une opération d'aménagement ou d'un programme de construction.

Pour résumer, l'intérêt général du projet que vous évoquez devrait plutôt être pris en compte aux échelles régionale ou intercommunale.

Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard . Je vous remercie pour cette réponse, même si ce n'est pas celle que nous attendions.

Alors que le logement et la filière du bâtiment et travaux publics sont en crise, le ZAN est perçu comme une menace. Il rend l'accès au foncier de plus en plus ardu et fait grimper les prix. Je vous invite à venir expliquer aux élus locaux de ma circonscription de l'Oise – où dans une très grande partie du territoire, les champs succèdent aux forêts, qui elles-mêmes succèdent à des espaces verts – que nous sommes saturés de béton. Cela ne passe pas ! Il ne fait aucun doute qu'il est temps de revoir le dispositif. Il y a quelques mois, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a d'ailleurs effectué une petite marche arrière. Il est fort regrettable que les groupes qui composent la majorité présidentielle aient rejeté la proposition du groupe Rassemblement national de permettre aux communes de moins de 5 000 habitants de déroger à l'objectif ZAN.