16ème législature

Question N° 7645
de Mme Claudia Rouaux (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Ille-et-Vilaine )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition énergétique
Ministère attributaire > Transition énergétique

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Avenir des chaudières à gaz dans le secteur du logement ancien

Question publiée au JO le : 02/05/2023 page : 3974
Réponse publiée au JO le : 16/05/2023 page : 4494

Texte de la question

Mme Claudia Rouaux appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les limites d'une éventuelle interdiction des chaudières à gaz dans le secteur du logement ancien dans le cadre du plan d'action « France nation verte » pour accélérer la transition écologique et atteindre l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon 2050. Concernant le chauffage et l'eau chaude sanitaire, la réglementation environnementale RE 2020 interdit les chaudières à gaz dans les bâtiments neufs depuis le 1er janvier 2022, dans les logements collectifs et maisons individuelles à partir de 2025. Mais l'hypothèse d'un élargissement d'une interdiction progressive dans le logement ancien soulève de légitimes inquiétudes auprès de la filière et des consommateurs auxquelles il est nécessaire de répondre. Selon l'édition 2022 des chiffres clés du logement, 41 % du parc de logements est chauffé au gaz naturel en France. Le chauffage au gaz naturel concerne 52 % des 12,7 millions d'appartements et 32 % des 16 millions de maisons. Face à cette éventuelle extension de l'interdiction des chaudières à gaz dans le logement ancien, des arguments plaident pour faire preuve d'une grande vigilance. Tout d'abord, cela risque de peser sur le pouvoir d'achat des ménages se chauffant au gaz dans un contexte de forte inflation. Malgré la mise en place d'aides à la rénovation énergétique, notamment pour les ménages modestes ou en situation de précarité énergétique, le coût de remplacement d'une chaudière à gaz constitue un investissement conséquent avec un reste à charge important. Ensuite, le remplacement des chaudières à gaz par des systèmes de chauffage électrique entraînerait un surplus de consommation d'électricité que la France et l'Europe ne sont pas en mesure de produire actuellement et dans un avenir proche, nécessitant un recours à des énergies carbonées. De plus, la France doit relever le défi du renouvellement de ses moyens de production électrique et accélérer la production de gaz vert renouvelable, via la méthanisation. Les réseaux de transport et de stockage du gaz constituent un patrimoine déjà amorti avec la possibilité d'une montée en puissance de la valorisation des gisements de biomasse. Enfin, la production de chaudières à gaz est un enjeu industriel avec des emplois à la clé qui nécessiterait, le cas échéant, un accompagnement de la filière. Dans une démarche d'efficacité et de sobriété énergétique, le développement de chaudières très haute performance environnementale (THPE) permet de réaliser des économies d'énergie et de CO2. C'est pourquoi elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur les perspectives d'interdiction des chaudières à gaz pour les logements déjà existants, ainsi que les garanties qu'il entend apporter pour que cette éventuelle mesure soit d'une part concertée avec les acteurs concernés et d'autre part à caractère incitatif et non pas obligatoire.

Texte de la réponse

Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux fixés en matière climatique, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En dépit des efforts réalisés sur la dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. A cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18 % des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Dans ce cadre, nous devons interroger tous les leviers disponibles : accentuation de la dynamique d'isolation, accélération du rythme de sortie des énergies fossiles ainsi que pérennisation des efforts de sobriété. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières gaz dans les logements existants. Cet enjeu renvoie à la problématique de sortie progressive des énergies fossiles, pour laquelle un certain nombre de jalons a déjà été posé. En effet, depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. L'objectif poursuivi par cette réglementation est l'amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone. Par ailleurs, certaines aides tirent déjà les conséquences de cet impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz. Comme toutes les actions engagées en vue d'accélérer la transition énergétique dans notre pays, des évolutions sont nécessaires pour proposer aux Français des alternatives moins carbonées et plus efficaces en termes énergétiques. Les solutions existent : il s'agit par exemple de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires ou biomasse). Ces solutions sont compétitives, et peuvent induire une plus faible consommation d'énergie du bâtiment construit, en particulier en étant associées à des travaux de rénovation. Au vu de cette plus faible consommation d'énergie des bâtiments neufs, les rapports « Futurs énergétiques 2050 » de RTE et les « Eléments de prospective du réseau public de distribution d'électricité à l'horizon 2050 » d'Enedis, qui prennent en compte une fin du gaz progressive dans les bâtiments neufs, estiment qu'une telle transition est possible tout en assurant la viabilité du réseau électrique. C'est un point auquel le gouvernement est particulièrement attentif. Cette transition est aussi un enjeu de souveraineté, dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée comme le gaz. Ces changements structurels s'engagent progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à l'ensemble des acteurs. En tout état de cause, je suis convaincue que le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir. Le Gouvernement est engagé pour accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l'Etat y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le Fonds chaleur et le Plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l'industrie française des pompes à chaleur, qui font l'objet d'échanges avec les filières, y contribuent également. Les énergies décarbonées sont ainsi de plus en plus matures et deviendront très prochainement le standard pour la rénovation des maisons individuelles et des chaufferies collectives. S'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son développement doit être encouragé. Je rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 TWh de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10 TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Les tarifs d'achat du biogaz injecté dans les réseaux seront bientôt revalorisés et accompagnés de plusieurs mesures de simplification et de flexibilisation (inflation deux fois par an du tarif, possibilité de cumul avec une aide à l'investissement, incitation à l'autoconsommation…). Le dispositif des Certificats de Production de Biométhane introduit par la loi Climat & Résilience de 2021 pour obliger progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane incorporé sera également prochainement mis en œuvre. Ces dispositions permettront d'accélérer le développement de la filière et assurer la poursuite de notre trajectoire définie dans la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique. Enfin concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large et documentée avec les parties prenantes et dimensionnée précisément en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés, afin de ne laisser aucun ménage dans l'impasse et de donner suffisamment de visibilité aux professionnels.