Agricultures ultramarines - répartition des aides publiques
Question de :
M. Davy Rimane
Guyane (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES
M. Davy Rimane attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'agriculture française, qui traverse une crise profonde aux symptômes multiples et divers. Cette crise n'épargne en rien les territoires ultramarins, les difficultés des agriculteurs y étant aggravées par l'éloignement et par un contexte agricole marqué par l'héritage de l'histoire et de la géographie. La question des soutiens publics est donc primordiale. Deux filières exportatrices captent l'essentiel des aides publiques : la banane et la canne à sucre. À l'échelle de la France, en moyenne, chaque année entre 2016 et 2021, les aides spécifiquement dédiées aux filières banane et canne-sucre-rhum représentaient 58 % de l'ensemble des soutiens à l'agriculture outre-mer. Il y a donc une répartition inégale entre les territoires du fait d'une logique de filière et la répartition des aides par territoire selon les programmes fait apparaître de grandes disparités. En Guyane et à Mayotte par exemple, les professionnels bénéficient beaucoup moins des dispositifs d'aide car l'agriculture ne s'y caractérise pas par ce qu'on appelle des « grandes cultures », ce qui les exclut structurellement de certains dispositifs. Ces aides bénéficient donc à un nombre restreint d'exploitations agricoles. Pourtant, l'agriculture de petite échelle représente, outre-mer, entre 65 % et 99 % des exploitations. C'est donc cette petite agriculture, bien souvent familiale, qui est la composante la plus représentative du tissu agricole de ces territoires. Mais elle est aussi la plus exposée aux conséquences de l'épuisement des ressources naturelles et aux effets du changement climatique. Et paradoxalement, c'est elle qui est victime d'une marginalisation des politiques publiques. À l'approche des élections européennes, il aimerait ainsi l'interroger sur la répartition des aides publiques nationales et européennes aux agriculteurs.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024
SOUTIEN À L'AGRICULTURE ULTRAMARINE
Mme la présidente . La parole est à M. Davy Rimane, pour exposer sa question, no 772, relative au soutien à l'agriculture ultramarine.
M. Davy Rimane . L'agriculture française traverse une crise profonde, aux symptômes multiples et divers. Cette crise n'épargne pas les territoires ultramarins, les difficultés des agriculteurs y étant aggravées par l'éloignement et un contexte agricole marqué par l'héritage de l'histoire et de la géographie.
Les soutiens publics sont donc primordiaux. Il ne vous aura pas échappé que deux filières exportatrices captent l'essentiel des aides publiques : la banane et la canne à sucre.
La répartition inégale entre les territoires est issue d'une logique de filière et la répartition des aides par territoire selon les programmes fait apparaître de grandes disparités.
Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes pointe du doigt cette répartition inégale des subventions. En Guyane et à Mayotte par exemple, les professionnels bénéficient beaucoup moins des dispositifs d'aides car l'agriculture ne s'y caractérise pas par ce qu'on appelle les grandes cultures, ce qui les exclut structurellement de certains dispositifs.
À titre d'illustration, le montant des aides versées en 2020 en Guyane et à Mayotte ne représente respectivement que 9 % et 8 % de la valeur de la production, contre 73 % en Guadeloupe, 96 % en Martinique et 72 % à La Réunion la même année.
Les termes utilisés par l'institution sont forts, la Cour estimant que les dispositifs de soutien publics à l'agriculture et la pêche se caractérisent par leur « complexité », leur « inefficience » et leur « manque de cohérence ».
Chaque année entre 2016 et 2021, les aides spécifiquement dédiées aux filières banane et canne-sucre-rhum ont représenté en moyenne 58 % de l'ensemble des soutiens à l'agriculture outre-mer.
Ces aides bénéficient donc à un nombre restreint d'exploitations agricoles. Pourtant, outre-mer, l'agriculture de petite échelle représente entre 65 et 99 % des exploitations, dotées de 2 à 5 hectares, loin des des 19 hectares de surface moyenne à l'échelle nationale.
Cette petite agriculture, bien souvent familiale, est la composante la plus représentative du tissu agricole de ces territoires, mais elle est aussi la plus exposée aux conséquences de l'épuisement des ressources naturelles et aux effets du changement climatique. Pourtant, paradoxalement, c'est elle qui est victime d'une marginalisation des politiques publiques.
Le projet de loi d’orientation agricole place la souveraineté alimentaire au cœur des préoccupations des politiques publiques. Or – c'est prouvé – la petite agriculture joue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire des territoires, en hexagone comme outre-mer, grâce à l'autoconsommation, aux circuits courts ou aux dons.
À l'approche des élections européennes, j'ai alerté et relancé encore et encore le ministère sur la répartition des aides publiques nationales et européennes pour l'agriculture.
Quelle stratégie le Gouvernement compte-t-il adopter pour enrayer le déclin progressif de l'agriculture familiale ? Qu'avez-vous à dire au sujet de cette iniquité flagrante en matière de répartition des soutiens publics ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire . Vous posez la question légitime de la bonne répartition des aides publiques entre les filières, qui recoupe en réalité deux sujets : la répartition cohérente des aides publiques en fonction des objectifs de politiques publiques que nous nous sommes fixés ; la répartition équitable des aides publiques entre filières et au sein des filières.
Au terme de sa mission 2023, La Cour des comptes a considéré que les soutiens devaient être rééquilibrés en faveur des filières de diversification. Elle a émis deux recommandations : introduire une dégressivité des aides à l’agriculture ultramarine par exploitation, et les subordonner à un effort de diversification et au respect d’une démarche agroécologique ; favoriser l’organisation des producteurs engagés dans une démarche de diversification en vue d’accroître l’autonomie alimentaire des régions et départements d’outre-mer, notre objectif de souveraineté alimentaire devant également être déployé dans ces territoires.
La deuxième recommandation de la Cour a été suivie en juillet 2023, notamment par l’introduction d’une aide nouvelle de 1 million d'euros visant à attirer de nouveaux entrants dans les filières de diversification végétale, dans le cadre du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei) dédié aux actions en faveur des productions végétales de diversification.
Lors de son intervention devant les acteurs de l’agriculture ultramarine au Salon de l'agriculture 2024, le Président de la République a réaffirmé la nécessité de mener à bien les plans de souveraineté alimentaire élaborés en 2023. Pour accélérer leur déploiement, l'État a augmenté les crédits alloués à cet objectif de 45 à 60 millions d'euros dans la loi de finances pour 2024.
Cet effort de financement, réparti entre les filières et l’État, sera poursuivi grâce à une réforme en profondeur des dispositifs de financement.
Marc Fesneau a entamé la première étape de la réforme du Posei par le lancement d'un cycle de concertations des professionnels, avec l’appui de l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer (Odeadom). Ces concertations seront l’occasion de partager un diagnostic commun sur la bonne répartition des aides publiques et d’opérer, le cas échéant, les ajustements appropriés.
Mme la présidente . La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane . J'y insiste : dans nos territoires, l'agriculture est principalement le fait de petites structures, et surtout de structures familiales. C'est pourquoi il faut impérativement revoir le fléchage des aides. J'espère que les réponses que vous apporterez iront dans le bon sens ; nous y veillerons.
Auteur : M. Davy Rimane
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024