Question orale n° 773 :
Difficultés du monde économique guyanais

16e Législature

Question de : M. Jean-Victor Castor
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

M. Jean-Victor Castor interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les freins structurels que doivent affronter les entreprises en Guyane.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024

DIFFICULTÉS DU MONDE ÉCONOMIQUE GUYANAIS
Mme la présidente . La parole est à M. Jean-Victor Castor, pour exposer sa question, no 773, relative aux difficultés du monde économique guyanais.

M. Jean-Victor Castor . Le décalage entre l’activité économique de la Guyane et celle de l’Hexagone, historiquement très fort, se trouve encore exacerbé, au détriment de la première.

Les entreprises guyanaises ont à maintes reprises signalé les difficultés auxquelles elles sont confrontées : nécessité de prolongation des échéanciers de remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) ; besoins de trésorerie structurellement importants, en raison de l’éloignement des centres historiques d’approvisionnement, qui nécessite de constituer de grandes quantités de stocks ; délais de paiement anormalement longs ; crédits fournisseurs difficilement accordés ; coût élevé des transports, à l’import comme à l’export ; obligation de faire l’avance de l’octroi de mer ; difficultés pour s’approvisionner dans les pays proches ; absence de foncier disponible, aménagé et à prix raisonnable, ce qui freine les possibilités de développement ; normes contraignantes et souvent absurdes ; difficultés d’accès au financement bancaire, notamment pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME).

Plus de 53 % de la population guyanaise vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui favorise le développement de l’économie informelle. Les réponses apportées ne sont pas à la hauteur des dommages ni des enjeux !

À nos portes, sur le plateau des Guyanes, une révolution économique sans précédent est en cours, mais les entreprises guyanaises en sont exclues. Le Guyana est le pays qui, depuis trois ans, a la plus forte croissance économique du monde. Au Suriname et au Brésil, TotalEnergies est en train de signer des accords dans les secteurs du pétrole et du gaz. Une économie guyanaise endogène et pérenne nécessite un regard décentré de Paris.

J'avais interpellé le ministre Le Maire à ce sujet le 8 juin 2023, devant la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Il avait alors indiqué être conscient de la situation et s'était engagé à venir en Guyane. C'était il y a un an. Pouvez-vous nous dire pour quand ce déplacement nécessaire et attendu est programmé ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation . Monsieur le député, vous souhaitez appeler l'attention du Gouvernement sur les difficultés auxquelles se heurtent les entreprises en Guyane. De fait, malgré leur relative vitalité – j'y reviendrai –, leur développement rencontre plusieurs freins structurels.

En premier lieu, en Guyane, la population est très jeune et le taux de chômage est élevé – 14,6 % –, particulièrement chez les jeunes, puisqu'il atteint 27,6 % chez les 15-29 ans. De plus, le travail informel est courant ; cela est en partie dû aux difficultés de recrutement et au manque de formation.

À cela s'ajoute le déficit d'infrastructures, en raison de la croissance démographique et des enjeux de préservation de la biodiversité. Le réseau routier, limité, ne peut faire face à la hausse du trafic. Les besoins en infrastructures éducatives et sanitaires sont importants.

Les aménagements relatifs aux activités d'import-export sont eux aussi limités. Le port de Dégrad des Cannes, principal port du territoire, se heurte à d'importantes contraintes structurelles. La desserte aérienne est limitée aux liaisons avec les Antilles françaises et avec la France métropolitaine.

Cette situation se répercute sur la balance commerciale de la Guyane : en 2021, les importations représentaient 2,946 milliards d'euros et les exportations, 1,143 milliard.

Enfin, les problèmes posés par l'octroi de mer sont dénoncés par les entreprises, qui déplorent notamment qu'il s'applique non seulement aux marchandises, mais également au fret.

Une mission du ministère de l'intérieur et des outre-mer visant à préparer une réforme de l'octroi de mer dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) est en cours. Des représentants du ministère se trouvaient d'ailleurs en Guyane dans ce cadre le jeudi 16 et le vendredi 17 mai derniers – mais vous le savez, puisque vous avez participé à une réunion en préfecture sur le sujet le 10 avril, ce dont je vous remercie.

Malgré ces freins structurels – que nous ne nions pas –, les entreprises guyanaises résistent : durant la crise sanitaire, l'activité des entreprises s'est maintenue, et les créations d'entreprises sont aujourd'hui en augmentation. Au premier trimestre 2023, le nombre de créations d'entreprises a ainsi augmenté de 5,3 %.

Pour ce qui est du déplacement de mon ministre de tutelle, vous imaginez bien que je ne gère pas son agenda en direct. Comptez néanmoins sur moi pour lui transmettre votre question. M. Bruno Le Maire est homme à honorer ses promesses. Je ne doute pas qu'il le fera dans les prochains mois.

Mme la présidente . La parole est à M. Jean-Victor Castor.

M. Jean-Victor Castor . Vous n'avez pas abordé la question du développement économique des territoires voisins ; c'est à ce propos que j'avais interpellé M. Le Maire. Nombre de jeunes quittent le pays pour aller travailler au Brésil ou au Guyana ; d'autres partiront bientôt pour le Suriname. La France devrait quand même prendre ce fait en considération.

Je ne suis pas là pour quémander. J'explique juste la situation. Une mission de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est rendue en Guyane ; elle a constaté les difficultés que vous avez soulignées, notamment le retard pris en matière d'aménagement du territoire. On ne peut pas connaître une telle croissance démographique tout en se contentant de la situation actuelle. En 500 ans de présence, la France n'a construit que 440 kilomètres de routes en Guyane ! La protection de l'environnement, d'accord, mais notre population a aussi des besoins. De grâce, investissons ! L'intervention du Président de la République lors de son dernier passage a laissé un goût amer à la population guyanaise – mais j'y reviendrai à l'occasion d'une prochaine question au Gouvernement.

Données clés

Auteur : M. Jean-Victor Castor

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024

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