Question orale n° 776 :
Réforme de la fonction publique

16e Législature

Question de : M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Ugo Bernalicis interroge M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur la série d'attaques d'envergures contre les services publics et les fonctionnaires contenues dans la réforme de la fonction publique. Alors que M. le ministre a entamé depuis le début du mois d'avril 2024 les concertations avec les collectivités, les hôpitaux et les syndicats autour du projet de réforme de la fonction publique, de nombreuses voix commencent à s'exprimer pour dénoncer le projet défendu par le Gouvernement. Très loin d'un « consensus » que prétend le ministre, les trois axes de négociation retenus (« le temps et l'organisation du travail, les collectifs de travail et relations professionnelles et l'impact des grandes transitions environnementale et numérique sur l'organisation du travail ») font craindre une poursuite du démantèlement des services publics et de la haine anti-fonctionnaire. En effet, M. le ministre démultiplie en ce sens des expressions qui ne cachent pas ses prétentions : lever le tabou du licenciement ou développer la rémunération au mérite, etc. Cette « nouvelle » réforme de la fonction publique, qui intervient après la mise en œuvre de la loi transformation de la fonction publique, ne propose aucune réponse aux besoins de services publics réclamés par les Françaises et les Français. Au contraire, la ligne d'attaque de M. ministre est de faire tomber le statut des fonctionnaires, pourtant consubstantiels à la notion de service public. Il souhaite avoir des précisions sur le projet de loi tant sur le calendrier que sur les hypothèses de travail.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024

RÉFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE
Mme la présidente . La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour exposer sa question, no 776, relative à la réforme de la fonction publique.

M. Ugo Bernalicis . Depuis quelques mois, vous avez annoncé une énième réforme de la fonction publique, alors que celle de 2019 n'est pas encore totalement évaluée.

Vous dites vouloir lever certains tabous. Je reconnais bien là les éléments de langage de tous les libéraux qui se sont succédé au Gouvernement ! Vous voyez dans la fonction publique une structure rigide et bloquant la mobilité, et un frein – nous commençons à connaître votre champ lexical.

Pourtant, il ne s'agit que d'effets d'annonce, sans contenu. C'est pourquoi quatre organisations syndicales, représentant plus de 50 % des voix aux élections professionnelles de la fonction publique, ont boycotté votre première réunion. En effet, on ne peut négocier que sur la base de propositions !

Selon vous, un de ces tabous serait le licenciement. C'est stupéfiant quand on sait que la plupart des députés pointent les difficultés de recrutement et d'attractivité de la fonction publique. Notre pays a du mal à embaucher des fonctionnaires et vous, vous proposez de les licencier plus facilement ! Je ne saisis pas la cohérence de tels propos…

Toutes les organisations syndicales de la fonction publique ont manifesté pour réclamer de meilleures rémunérations et vous n'avez pas donné suite. Quel est l'objectif ? S'agit-il de se mettre 100 % des fonctionnaires à dos ?

Vous parlez d'accélérer la numérisation des territoires et la dématérialisation des démarches. Mais plus de 20 % de nos concitoyens sont en difficulté pour réaliser ce type de démarches. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté notre proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics. Le texte doit être examiné par le Sénat. Il vise à garantir une alternative à la dématérialisation pour les usagers.

Vous cherchez des gains de productivité – suite logique du new public management, ou nouvelle gestion publique, que vous défendez ardemment. (Le ministre fait un signe de dénégation.)

Cela ne fonctionne pas ! Ce qui fait l'efficacité de la fonction publique, c'est sa stabilité, et son corollaire, le statut. Pourriez-vous nous en dire plus sur vos intentions ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques . Depuis que je suis ministre de la transformation et de la fonction publiques, je travaille chaque jour en faveur des agents de la fonction publique, que je soutiens et défends, qu'ils soient derrière un guichet administratif, soignants, enseignants ou policiers. C'est la différence avec votre famille politique, qui passe beaucoup de temps à attaquer ces derniers.

Je crois à la fonction publique, et à sa singularité par rapport au privé. C'est pourquoi je crois aussi au statut de la fonction publique. Je l'ai dit et répété, nos réflexions s'inscrivent dans le cadre statutaire.

Contrairement à ce que vous insinuez parfois, je plaide pour un renforcement des fondamentaux de la fonction publique : droits et devoirs des fonctionnaires, égalité d'accès aux emplois, protection contre l'arbitraire du politique, distinction entre les grades et les emplois, adaptabilité, neutralité – principes qui fondent le statut de la fonction publique.

Mais défendre ce statut, c'est aussi regarder la réalité telle qu'elle est, et non telle que vous vous la représentez, pure et parfaite. À cause d'une trop grande rigidité qui les prive de marge de manœuvre en matière de salaires, les maires sont parfois contraints de proposer à un technicien de démissionner pour être réembauché le lendemain comme contractuel – c'est du vécu ! Dans certaines collectivités, les employeurs rapportent que, parfois, la seule solution pour passer outre un blocage administratif, c'est de déclarer des heures supplémentaires qui n'ont pas réellement été effectuées par les agents publics. D'autres agents se plaignent de la disparité des conditions d'embauche à profession égale, disparité qui met les différents employeurs publics en concurrence. Ainsi, les aides-soignants qui travaillent dans les structures médico-sociales dépendant de la fonction publique territoriale sont recrutés par concours, tandis que ceux qui travaillent à l'hôpital sont recrutés sur titre. Des DRH racontent passer tous les jours à côté de recrutements d'agents publics dont on a pourtant besoin, par exemple d'infirmiers à l'hôpital, parce que l'on ne peut pas suffisamment valoriser l'expérience qu'ils ont acquises hors de la fonction publique – on parle d'agents qui ont parfois vingt ans d'expérience !

Je discute de tous ces sujets avec les organisations syndicales et les employeurs. Chaque semaine, j'échange avec des agents publics – j'en ai rencontré des milliers ces dernières semaines – et je vous invite à m'accompagner lors d'un de ces déplacements. Vous verrez qu'il est nécessaire de faire évoluer le statut de la fonction publique pour le conserver. Je mènerai ces discussions tout l'été, afin de pouvoir présenter une réforme à l'automne – ce qui correspond à ce nous avons annoncé dès le départ. Le fil rouge de ce texte sera la confiance : il faut redonner des marges de manœuvre à ceux qui sont au plus près du terrain. D'ici là, je vous invite à vous rapprocher de mes services.

Mme la présidente . La parole est à M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis . Si vous voulez vraiment régler le problème des agents publics contractuels, présentez une loi afin de les titulariser en masse ! Ce n'est pas ce que vous avez proposé, donc ne nous racontez pas d'histoires. Avec vous, le statut deviendra une coquille vide, parce que vous voulez aligner la fonction publique sur le privé – c'est votre dogme, et nous y sommes opposés !

M. Ugo Bernalicis . En revanche, c'est d'accord pour l'invitation ! (M. le ministre lève le pouce en signe d'approbation.)

Mme Christine Arrighi . Je viendrai aussi !

Données clés

Auteur : M. Ugo Bernalicis

Type de question : Question orale

Rubrique : Fonctionnaires et agents publics

Ministère interrogé : Transformation et de la fonction publiques

Ministère répondant : Transformation et de la fonction publiques

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024

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