16ème législature

Question N° 7794
de M. Karl Olive (Renaissance - Yvelines )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Usage de l'intelligence artificielle générative dans les écoles

Question publiée au JO le : 09/05/2023 page : 4102
Réponse publiée au JO le : 05/12/2023 page : 10907
Date de changement d'attribution: 21/07/2023
Date de renouvellement: 05/09/2023

Texte de la question

M. Karl Olive interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'utilisation et l'apprentissage par les élèves de l'intelligence artificielle générative à l'école. Alors qu'une nouvelle révolution technologique se profile depuis plusieurs mois par le biais notamment des IA dites génératives, l'école se doit de s'emparer du sujet. Si d'ores et déjà de nombreux élèves peuvent utiliser des applications telles que Chat GPT pour se perfectionner à domicile notamment, ou des professeurs pour compléter leurs cours, des problématiques autour de la triche ou de la perte de capacité d'apprentissage peuvent voir le jour. Au-delà de cet aspect, ces applications appellent à une évolution structurelle de l'éducation nationale autour des enjeux de ces intelligences artificielles génératives. En premier lieu, autour de l'orientation des élèves vers des filières qui pourraient être menacées par celle-ci. Selon un rapport de la banque Goldman Sachs publié en mars 2023, jusqu'à 18 % des emplois dans le monde seraient menacés mais de nombreux nouveaux métiers verraient également le jour. Ainsi, d'après le forum économique mondiale, l'IA remplacera quelque 85 millions d'emplois, tandis que 97 millions de nouveaux emplois seraient créés sur la même période grâce à l'IA. Au-delà, les possibilités données par ces intelligences artificielles génératives appellent aussi à savoir utiliser ces applications, mais également les développer ou développer un esprit critique permettant d'identifier les leurres produits par ces applications. Alors que l'éducation nationale est confrontée à une absence de réglementation claire et définie, la stratégie numérique pour l'éducation 2023 - 2027 prévoit de permettre à tous les élèves de comprendre le fonctionnement des outils numériques, dont l'intelligence artificielle, mais aussi de les sensibiliser aux manques de fiabilité des résultats. Aussi, M. le député souhaite connaître l'ambition et les réponses que souhaitent porter le ministère autour de cette problématique précise de l'intelligence artificielle générative. Il souhaite savoir si le ministère compte intégrer ces outils spécifiques dans les écoles et former les enseignants, mais aussi les élèves. Il souhaite enfin connaître si des filières spécifiques notamment dans les lycées professionnels seront créées autour de ces enjeux.

Texte de la réponse

Pour contribuer au développement de la citoyenneté, de la souveraineté et de la compétitivité numérique, l'IA doit être mise au service des acteurs de la communauté éducative afin d'accompagner la transformation numérique de l'école. Pour cela, il est nécessaire de construire un cadre qui donne des repères éthiques, juridiques et pédagogiques aux enseignants comme aux élèves. C'est le sens de plusieurs actions engagées par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (MENJ), de propositions issues des états généraux du numérique pour l'éducation, du plan digital européen pour l'éducation (DEAP) et de la stratégie du numérique pour l'éducation 2023-2027. L'IA dans l'éducation permet de proposer des services d'assistance aux enseignants (préparation des cours, mise en œuvre, évaluation), d'aider à l'apprentissage avec une meilleure différenciation, de proposer à l'enseignant des recommandations et des décisions. Seul l'enseignant est l'expert pédagogique et que cette expertise est renforcée par une utilisation des outils numériques. Le MENJ accompagne et poursuit sa réflexion sur les bons usages et la vigilance nécessaire à partager avec les enseignants, les formateurs, les personnels chargés d'encadrement et les élèves en lien avec les questions disciplinaires, celles d'éducation aux médias et à l'information (sujets de biais et de désinformation tels que les "fake news"), celles de la conformité légale (RGPD) et celles de l'éthique. L'IA en éducation vise avant tout à acculturer et former à un usage raisonné de l'IA les élèves, et indirectement leurs professeurs, les enseignants et les cadres. Il s'agit de sensibiliser le plus grand nombre aux potentialités mais aussi de démystifier l'IA et de construire une culture partagée de la donnée, tout en formant progressivement à cette matière une partie des élèves. Des formations à l'IA ainsi que des projets et des partenariats autour de l'IA et des données existent déjà, et peuvent être rappelés (MOOC IAI Class'Code-INRIA, plus de 23 000 inscrits depuis avril 2020, 95 % de satisfaction des utilisateurs ; modules IA pour les enseignants de SNT et de NSI en ligne ; MOOC en préparation en coopération européenne via le dispositif “AI for and by Teachers”, Partenariats Innovation et Intelligence artificielle…).  Chacun sait que la facilité d'utilisation de l'IA générative ne signifie pas la pertinence des réalisations. Tout formateur et responsable doit savoir que les IA génératives ne signifient pas nécessairement des réalisations sans intérêt pédagogique. Les enseignants peuvent utiliser l'IA pour les assister dans les tâches de préparation et pour la réalisation d'activités pédagogiques à leur initiative et sous leur supervision. Les agents conversationnels appuyés sur des modèles de langages génératifs peuvent avoir des usages pédagogiques : initier ou soutenir la créativité comme première base pour la rédaction d'un texte ou d'un code, optimiser une tâche rédactionnelle, proposer une argumentation neutre à déconstruire et à critiquer, faire reformuler des consignes ou encore demander aux élèves de vérifier le contenu et la pertinence des réponses fournies. Cependant, l'utilisation des agents conversationnels - l'application ChatGPT en particulier - posent un certain nombre de difficultés à prendre en considération. Si le service ChatGPT (société OpenAI, GPT = Generative Pre-trained Transformer) est un précurseur grand public de ce type d'IA générative, de nombreuses alternatives sont et seront disponibles. Le cadre d'utilisation des applications d'IA génératives comme ChatGPT, conformément au RGPD, ne permet pas actuellement un usage avec des élèves dans un environnement scolaire (création de compte obligatoire et connexion à une application hébergée hors UE dont la politique de confidentialité indique que les données peuvent être partagées avec des fournisseurs tiers). Les réponses fournies peuvent contenir des biais en raison de la nature des données traitées, même si des filtres sont appliqués pour limiter les biais les plus flagrants. Les erreurs factuelles nécessitent quasi-systématiquement une vérification des contenus par l'utilisateur. Enfin l'absence d'indication des sources, à la différence d'autres applications IA existantes, constitue aussi une véritable difficulté pour une utilisation dans un cadre académique (éducation, recherche, documentation). L'école permet de construire et de veiller à un juste équilibre pour un usage raisonné des IA. Cela en cherchant systématiquement à renforcer l'esprit critique des élèves en participant à la formation d'une culture scientifique, de valeurs citoyennes et d'une capacité à se projeter vers des métiers émergents à forts potentiels pour les jeunes filles et jeunes garçons. Enfin, il n'y a pas de filière professionnelle dans l'enseignement secondaire envisagée spécifiquement autour des enjeux de l'intelligence artificielle. La compréhension de la notion d'intelligence artificielle et de ses implications est cependant présente dans les programmes du lycée. Au collège, l'IA sera appréhendée dans le futur programme de technologie du cycle 4, mettant l'accent sur les enjeux sociétaux et la réflexion sur les biais (programme en cours de consultation via le CSP). Une nouvelle procédure de P2IA sera lancée prochainement pour étendre le dispositif actuel au cycle 3 pour le français, les mathématiques et les langues vivantes, dans le cadre des financements France 2030, afin de développer des ressources pédagogiques numériques utilisant l'IA, co-construites avec des laboratoires de recherche. De plus, le ministère va contribuer aux appels à projets France 2030 dans le domaine des IA et IA génératives comme « Commun pour les IA génératives » et « Cluster IA », en incitant à développer des modèles et des outils portant notamment pour l'aide à la création de ressources pédagogiques adaptées aux situations d'apprentissage. Le Ministère de l'éducation nationale a bénéficié d'investissements d'avenir du SGPI dès 2018 pour investir dans des services d'assistance basés sur l'IA, de sorte qu'aujourd'hui, tous les professeurs des écoles qui le souhaitent peuvent concrètement enseigner les fondamentaux grâce à des outils d'excellence pédagogique. Pour les autres niveaux d'enseignement, nos marchés publics ou nos soutiens financiers permettent de faire évoluer les outils proposés par les Edtechs françaises et de les mettre largement à disposition. Nos enjeux éducatifs tournent autour de l'évaluation et de la correction des copies, l'amélioration de la détection des difficultés et la remédiation, l'implication des enseignants pour concevoir les outils, la détermination d'un cadre pour l'utilisation de l'IA en classe et le renforcement de la confiance dans ces systèmes, et enfin l'acculturation et la formation aux données et à l'IA.  Quelques projets significatifs : 1,5M€ pour la banque de ressources numériques pour l'école dédiée aux langues et cultures de l'antiquité. Cette banque très innovante permet aux élèves qui apprennent le latin et le grec du CM1 à la Terminale (partie IA: INRIA Flowers et Evidence B / titulaire MasKott) de bénéficier de parcours différenciés d'apprentissage. 1M€pour Captain Kelly, un assistant proposé aux professeurs des écoles pour l'enseignement de l'anglais tout à l'oral, avec une mise à disposition pérenne Humensis – Belin. 5M€ pour le service de remédiation seconde qui ouvrira d'ici cette fin d'année et qui permettra aux élèves de toutes les voies y compris professionnelle de s'entrainer en maths et en français avec une application disponible sur leur smartphone (partie IA: INRIA Flowers, titulaires Evidence B et Docaposte) 17M€ en 2018 pour le marché innovant, Partenariat d'innovation IA (P2IA), pour les classes de CP, CE1 et CE2 en français et en maths.5 solutions sont mises à disposition (voir encadré infra) Dans les TNE (Territoires Numériques Éducatifs) financés par les crédits de France 2030, l'État investit 25M€ dans un marché de ressources qui comprend de nombreux services basés sur l'IA comme Lalilo - Plume, qui permet lors de l'apprentissage de différencier l'enseignement de la lecture et détecter les difficultés de chaque élève (edtechs Lalilo et Plume); Tactimalin qui propose des parcours enrichis en français, mathématiques et EMC pour les cycle 2, cycle 3 et les élèves de SEGPA (edtechs Maskott et Edumalin). Le Ministère soutient aussi des projets de Edtechs à travers le dispositif national « edu-up », à hauteur de 280 K€ / an pour 4 projets, et ce depuis 5 ans, soit 1,4M€ investis au total. Exemples de services numériques soutenus récemment : -  Vittascience IA : accompagner l'enseignement de l'algorithmique avec un système innovant de traduction entre programmation visuelle et textuelle de services IA. L'élève peut tester, modifier et programmer des services classiques reposant sur l'IA, comme la reconnaissance d'images ou de sons.-  Cartoon mini bridge (à partir du cycle 2) par Nukk.ai : assistant pédagogique qui permet à l'enseignant d'utiliser en classe avec ses élèves des jeux de ma-thématiques fondés sur les principes du bridge, dont le niveau s'adapte automatiquement aux élèves en fonction de leur progression. Le Ministère soutient aussi la recherche appliquée impliquant des enseignants sur quatre programmes pour un total de 300K€ : Deux programmes actuels liés aux IA génératives et grands modèles de langage conversationnels : - avec l'université de Nantes Chaire UNESCO Relia et IMSIC UTLN-AMU, Class'Code, Canopé, Lalilo, Vittascience et les équipes académiques DANE Versailles, DRANE PACA, DANE Nantes.- avec l'université de Strasbourg LISEC et 4 autres universités et 3 Inspé du Grand Est, SATT Conectus, Lalilo, LearnEnjoy, Evidence B et les équipes aca-démiques DAN, DRAN, ERUN, IAN Grand-Est. Deux autres programmes lancés en 2019 rendent en ce moment leurs travaux : - avec l'université de Nantes Chaire UNESCO Relia sur « IA et éducation »- avec l'université Côte d'Azur sur le renouvellement des pratiques numériques et usages créatifs avec l'IA