Question orale n° 780 :
Particularité du comité de massif de la Corse

16e Législature

Question de : M. Jean-Félix Acquaviva
Haute-Corse (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. Jean-Félix Acquaviva appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur la particularité du comité de massif de la Corse. En effet, contrairement aux autres comités de massif hexagonaux qui sont bien souvent interrégionaux, l'article 25 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, modifiant la loi « montagne » de 1985, a transféré, à juste titre, le pilotage plein et entier du comité de massif à la collectivité de Corse (CdC). Par conséquent, il n'existe donc pas en Corse de commissariat de massif, ni de « convention interrégionale de massif ». Il est important de souligner que ni l'État, avant le transfert de 2002, ni même les majorités politiques territoriales, élues à l'Assemblée de Corse, qui se sont succédées, n'ont activé de comité de massif en Corse. Ces choix passés sont regrettables : l'île a perdu de nombreuses années de politiques publiques et de financement en faveur du développement de l'intérieur de l'île, pourtant indispensables, eu égard à la désertification de l'intérieur, au déséquilibre avec le littoral ou encore à la pauvreté que l'on connaît en milieu rural et de montagne. Au niveau institutionnel, la Corse a été absente durant toutes ces années des discussions dans le cadre du Conseil national de la montagne ou encore au sein de l'ancien Commissariat général à l'égalité des territoires, désormais Agence nationale de la cohésion des territoires. En décembre 2015, l'arrivée d'une nouvelle majorité territoriale a enfin pris la décision de créer un comité de massif. L'Assemblée de Corse a adopté le tout premier schéma de développement de la montagne en février 2017. Parallèlement, la Corse a été reconnue comme « île-montagne », c'est-à-dire faisant l'objet d'un cumul de contraintes, par l'article 5 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dite « Montagne II ». Depuis huit ans à présent, malgré un budget très contraint, plusieurs dizaines de projets à hauteur de 100 millions d'euros ont été financés pour les territoires de l'intérieur de l'île (réseau d'eau et d'assainissement, projet d'hébergement touristique, filière bois, adressage pour le numérique, maisons de santé, équipements de déneigement, itinéraires touristiques, rénovation du patrimoine...). Compte tenu du rattrapage important de ses infrastructures, notamment de base, que la Corse doit mener, il s'avère que le niveau de financement du massif corse n'est pas suffisant et doit totalement être révisé, en le revoyant clairement à la hausse. Les reliquats de la dotation de continuité territoriale peuvent être utilisés depuis 2016 par la collectivité de Corse pour financer des projets de développement de l'intérieur de l'île. Néanmoins, le contexte inflationniste de ces dernières années, notamment en matière de coût du carburant, raréfie ces reliquats. D'autre part, il faut noter que l'alinéa 10 de l'article 7 de la loi « montagne » de 1985 dispose qu'« en Corse, les crédits relatifs à la montagne [...], dans des conditions déterminées en loi de finances, d'une subvention globale à la collectivité territoriale de Corse. Cette subvention est répartie par l'Assemblée de Corse, sur proposition du conseil exécutif et après avis du représentant de l'État, entre les différents projets à réaliser en zone de montagne ». Ce montant s'est élevé ces dernières années à la modique somme de 150 000 euros et n'est, de toute évidence, aucunement à la hauteur des enjeux de développement de l'intérieur insulaire. À titre de comparaison, le massif du Jura d'une superficie équivalente à celle de la Corse dispose de 29 millions d'euros dont 13,5 millions d'euros de l'État. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement est prêt à travailler à la recherche d'un financement pérenne de la montagne corse qui soit respectueux de l'esprit de la loi de 2002.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024

MONTAGNE CORSE
Mme la présidente . La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour exposer sa question, no 780, relative à la montagne corse.

M. Jean-Félix Acquaviva . Le comité de massif de Corse est piloté entièrement par la collectivité de Corse. La loi sur le statut de la Corse de janvier 2002 a transféré cette compétence de l’État au niveau territorial, à la différence des comités de massif continentaux, souvent interrégionaux. Logiquement, il n’y a donc pas, en Corse, de commissariat de massif ni même de convention interrégionale.

Ni l'État avant 2002 ni les exécutifs territoriaux qui se sont succédé depuis n'ont activé de comité de massif en Corse. Sans s’appesantir sur le passé, on peut regretter amèrement le temps perdu, tout au long de ces décennies, en matière de financement et de politiques publiques ciblées en faveur du développement de l'intérieur de l'île, alors même que celle-ci est confrontée à un déséquilibre important avec le littoral, à la désertification des villages, à l'exclusion et la pauvreté des populations.

En décembre 2015, la majorité politique territoriale, dont j’ai l’honneur et la fierté d’être issu, a créé le premier comité de massif de Corse. S’est ensuivie la reconnaissance de la Corse comme « île-montagne » par la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dite loi montagne 2. En 2017, malgré un budget limité, l'Assemblée de Corse a adopté le premier schéma de développement de la montagne qui a permis de concrétiser, sur sept ans, plusieurs dizaines de projets à hauteur de 100 millions dans différents domaines : réseau d'eau et d'assainissement, filière bois, adressage pour le numérique, maisons de santé, équipements de déneigement, itinéraires touristiques ou encore rénovation du patrimoine.

Toutefois, compte tenu des enjeux, ce n’est évidemment pas suffisant. Les besoins en infrastructures de base, dans l’intérieur de l’île, demeurent importants. À défaut d’autonomie fiscale de la Corse, il s’avère que nous sommes arrivés à un tournant s'agissant du financement du massif corse – toutes les collectivités qui disposent actuellement de très peu de ressources fiscales propres se trouvent dans une situation similaire.

Selon nous, ce financement doit être revu clairement à la hausse, d’autant plus que la subvention globale du massif corse visée à l’alinéa 10 de l'article 7 de la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi montagne, n'existe pas, pour ainsi dire, puisqu'elle se limite à la modique somme de 150 000 euros par an. À titre de comparaison, le massif du Jura, d'une superficie équivalente à celle de la Corse, dispose de 29 millions par an, dont 13,5 millions de l'État dans le cadre de la convention interrégionale.

Ma question est simple : le Gouvernement est-il prêt à réfléchir à un système de financement du comité de massif de la Corse respectant l'esprit et la lettre de la loi de 2002 ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté . Monsieur le député, je vous sais particulièrement attentif à la spécificité de votre île, la Corse, notre île-montagne. Je vais donc m'efforcer de vous donner la réponse la plus précise possible, telle qu'elle m'a été transmise par ma très chère collègue Dominique Faure.

Nous sommes d'accord : la Corse a besoin d'une « attention particulière », au même titre que les autres territoires spécifiques – insulaires, montagneux, transfrontaliers, ruraux et à très faible densité de population –, ce qui a d'ailleurs été reconnu par l'article 174 du traité de fonctionnement de l'Union européenne. Comme vous le rappelez, cela a été confirmé, s'agissant du volet montagne, par la deuxième version de la loi dite montagne de 2016 ; la création du comité de massif de Corse, que vous présidez, en est la preuve éclatante.

En Corse, l'État et la collectivité territoriale de Corse accompagnent cinq territoires grâce au programme Avenir montagnes ingénierie, pour construire leur stratégie en vue d'un développement touristique plus durable.

Pour l'essentiel, il s'agit de territoires bénéficiant de sites touristiques très fréquentés en été compte tenu de leurs richesses naturelles et environnementales. Ces collectivités s'engagent dans la conduite d'actions visant à maîtriser ces flux et à mieux les répartir dans le temps et sur le territoire, notamment en valorisant des sites naturels, patrimoniaux et culturels moins connus et qui ont ainsi vocation à bénéficier de retombées économiques.

Des projets pour améliorer la mobilité des habitants, mais aussi des touristes, doivent également être engagés avec le soutien de l'État et de ses partenaires, au premier rang desquels la collectivité territoriale de Corse. L'État a, de surcroît, consacré 8,8 millions de crédits dans le cadre du programme Avenir montagnes investissement.

Plus globalement, pour répondre à votre question – pertinente et légitime – l'ambition partagée entre l'État et la collectivité territoriale de Corse en faveur de la montagne corse doit pleinement s'intégrer dans le processus en cours sur l'autonomie de la Corse, dont la triple spécificité – insulaire, montagneuse, éloignée – justifie une approche d'ensemble la plus intégrée possible.

Monsieur le député, vous connaissez mon attachement pour ce territoire et pourrez donc toujours compter sur moi pour faire passer les messages importants.

Mme la présidente . La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva . Je remercie Mme la ministre pour son investissement vis-à-vis de la Corse et pour sa réponse. J'ai bien entendu que la discussion serait intégrée au processus au cours. Nous en discuterons donc bien volontiers afin de parvenir à l'équilibre recherché.

Données clés

Auteur : M. Jean-Félix Acquaviva

Type de question : Question orale

Rubrique : Montagne

Ministère interrogé : Collectivités territoriales et ruralité

Ministère répondant : Collectivités territoriales et ruralité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024

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