Rubrique > impôts et taxes
Titre > « En avoir pour mes impôts » : une opération de communication malhonnête
Mme Charlotte Leduc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur l'utilité et la pertinence du site « En avoir pour mes impôts » lancé le 27 avril 2023. Si la volonté de fournir de l'information aux citoyennes et aux citoyens sur la manière dont leurs impôts sont utilisés peut paraître louable, le nombre et la gravité des erreurs et des biais que comporte le site pose sérieusement problème. Tout d'abord en mélangeant cotisations sociales et impôts, le site entretient une confusion non anodine en biaisant totalement la vision que l'usager peut avoir des grandes dépenses de l'État et de la sécurité sociale. Les cotisations sociales sont certes des prélèvements obligatoires mais elles ne sont pas la propriété de l'État, elles ouvrent des droits aux assurés sociaux, contrairement aux impôts. Ensuite, en masquant totalement la « dépense fiscale », le montant qu'elle représente et les multiples niches qui existent, le site dénature la réalité fiscale et budgétaire du pays. Quel est l'intérêt de communiquer sur le prix d'un accouchement ou d'une année de scolarité d'un collégien quand on oublie de mentionner que les aides aux entreprises sont le principal poste du budget de l'État avec près de 160 milliards d'euros qui se répartissent entre subventions directes et crédits d'impôts en tout genre ? Enfin, la consultation en ligne associée au site est également problématique. Outre la possibilité de remplir plusieurs fois le questionnaire qui rend, dès le départ, non-représentatifs les résultats qui sortiront de ce sondage, on peut relever un certain nombre de questions très orientées, voire totalement absurdes. Par exemple, quand on demande à l'usager s'il pense qu'il faut baisser ou augmenter les impôts, aucune distinction n'est faite entre le type d'impôts et entre les catégories de contribuables qui les paient. Aucune nuance n'est possible, il est par exemple impossible de plaider pour une meilleure redistribution via un impôt plus fort pour les grandes entreprises et les personnes à haut revenus ou le patrimoine ou encore de proposer une baisse de la TVA. Dès lors, personne ne répondra qu'il faut augmenter les impôts et le Gouvernement pourra continuer à mettre en avant sa politique de baisse des impôts alors que celle-ci se résume à toujours plus de cadeaux fiscaux pour les plus riches mais une pression fiscale qui reste très élevée pour les 99 % les plus pauvres de la population. Au final, que penser de cet exercice de communication gouvernementale ? Si la transparence fiscale et budgétaire a un réel intérêt démocratique pour les concitoyennes et les concitoyens, la sincérité de la démarche peut être sérieusement questionnée tant le site « En avoir pour mes impôts » regorge d'inexactitudes et de confusions qui ne peuvent relever d'incompétences. Une transparence réelle et rigoureuse nécessite une présentation exhaustive et détaillée des chiffres, des ordres de grandeurs, des phénomènes et des processus à l'œuvre qui pourrait être alimentée par un travail collectif associant des chercheurs spécialistes de la fiscalité dans tous les domaines de la connaissance (économie, sociologie, science politique, sciences comportementales, droit fiscal...). La présentation technocratique et opportunément lacunaire choisie par les services du ministère des finances n'est pas à la hauteur de l'enjeu, notamment celui du consentement à l'impôt, et semble bel et bien relever plus d'une opération de communication plutôt que d'un souci de transparence. Elle lui demande quelles mesures vont être mises en place pour assurer une réelle transparence sur la fiscalité et le budget et quelles réflexions vont être menées sur les réelles causes de l'effritement du consentement à l'impôt, à savoir l'injustice fiscale et l'évasion fiscale.