16ème législature

Question N° 786
de M. Didier Martin (Renaissance - Côte-d'Or )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > professions de santé

Titre > Dispositifs fiscaux pour lutter contre la désertification médicale

Question publiée au JO le : 21/05/2024
Réponse publiée au JO le : 29/05/2024 page : 4406

Texte de la question

M. Didier Martin attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, sur la situation de désertification médicale à Fontaine d'Ouche, un quartier de Dijon. Compte tenu de la diversité des dispositifs d'exonération fiscale existants tels que les zones franches urbaines (ZFU), les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et d'autres dispositifs spécifiques à certaines régions ou contextes économiques, la question se pose de leur efficacité et pertinence pour attirer des professionnels de santé dans ces zones en manque crucial de soins médicaux. Les mécanismes actuels, incluant les ZFU qui sont en voie d'extinction et dont l'applicabilité à des activités non commerciales comme les cabinets médicaux semble limitée, ainsi que les QPV, ne semblent pas suffisamment incitatifs pour répondre à cette problématique. Dans ce contexte, il lui demande si l'on pourrait envisager la mise en place de dispositifs fiscaux adaptés ou la modification des dispositifs existants afin de soutenir l'installation et l'activité des professionnels de santé dans les quartiers urbains délaissés comme Fontaine d'Ouche, contribuant ainsi à lutter efficacement contre la désertification médicale.

Texte de la réponse

DÉSERTIFICATION MÉDICALE


Mme la présidente . La parole est à M. Didier Martin, pour exposer sa question, no 786, relative à la désertification médicale.

M. Didier Martin . Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la désertification médicale en zone urbaine. Je veux pour cela prendre l'exemple d'un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) situé à Dijon, ma ville : celui de la Fontaine d'Ouche. C'est un beau quartier, qui a fait l'objet d'une politique de rénovation urbaine très ambitieuse, marquée notamment par la requalification et la restructuration du centre commercial, la requalification de l'espace urbain et un effort considérable concentré sur les bâtiments – isolation thermique, production d'énergie photovoltaïque en vue d'une autoconsommation et chauffage urbain grâce à un réseau de chaleur.

On compte 14 000 habitants dans ce quartier de la Fontaine d'Ouche, qui se caractérise par une proportion importante – 30 à 50 % – de logements sociaux. Il est doté de cinq médecins libéraux, dont trois vont partir à la retraite avant l'été. Resteront donc deux médecins libéraux, auxquels s'ajoutent six à sept infirmières libérales diplômées d'État, ainsi qu'un centre de soins infirmiers et trois pharmacies. Il y a urgence ! Dans une grande ville comme Dijon, mais aussi dans d'autres zones urbaines, il nous faut trouver des voies pour renforcer l'attractivité professionnelle de ces quartiers.

À Dijon, une solution se dessine grâce à la CPTS – communauté professionnelle territoriale de santé – Centre 21, à un bailleur social, à la Ville de Dijon et à l'ARS – agence régionale de santé – Bourgogne-Franche-Comté, pour faire en sorte que de jeunes médecins s'installent en zone urbaine sous-dotée. Quelles mesures le Gouvernement est-il prêt à appliquer ? Certains évoquent des incitations fiscales : quel est votre avis sur le sujet ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles . Il est beaucoup question de la désertification médicale touchant les zones rurales, mais nos territoires urbains et périurbains comptent eux aussi de véritables déserts médicaux, où l'accès aux soins est beaucoup plus difficile qu'ailleurs, du fait d'un éloignement des services de soins. Cela affecte souvent, malheureusement, les populations les plus vulnérables et les plus fragiles. Le ministre de la santé et de la prévention est particulièrement attentif à chaque territoire, bien sûr – cela ne vous étonnera pas –, et vous savez que l'accès à des soins de qualité, réalisés en toute sécurité, fait partie de ses priorités.

La question du zonage fiscal, que vous avez mentionnée à la fin de votre question, ne relève pas de la compétence des ARS. Néanmoins, l'objectif est bien de favoriser les installations ; pour cela, les agences bénéficient d'un levier très important fondé sur ce que l'on appelle le zonage médecins, qui permet de moduler les incitations financières comme le contrat d'aide à l'installation des médecins (CAIM), en fonction des besoins de chaque territoire.

C'est dans cette optique que depuis 2023, le QPV de la Fontaine d'Ouche est classé en zone d'intervention prioritaire (ZIP), afin de favoriser et de pérenniser les installations. Parallèlement, l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté soutient un projet de maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), en cours d'instruction – vous l'avez mentionné, monsieur le député –, afin de permettre aux futurs professionnels de santé qui rejoindraient ce territoire d'intégrer une dynamique d'exercice coordonné, fédérée autour de professionnels du quartier – c'est souvent ce que recherchent les jeunes médecins, qui souhaitent exercer au sein d'un collectif leur garantissant entraide et sécurité. De plus, l'ARS a récemment rencontré les acteurs du quartier ; elle a relayé auprès des autorités compétentes la demande fiscale qui s'est exprimée.

Mme la présidente . La parole est à M. Didier Martin.

M. Didier Martin . Je remercie le Gouvernement et Mme la ministre pour l'attention qu'ils portent à ce quartier de la Fontaine d'Ouche. Il nous faut étendre l'expérimentation des cabinets médicaux éphémères, afin de garantir une offre de soins suffisante et d'éviter une situation de crise qui survient quelquefois dans des quartiers où les difficultés sociales sont nombreuses – on y trouve des personnes seules et des logements insalubres, malgré tous les efforts fournis par les bailleurs sociaux qui ont parfois du mal à ouvrir les portes de certaines cages d'escalier, et donc à y maintenir une hygiène correcte. La médecine et l'offre de soins constituent un aspect tout à fait fondamental du soutien que nous pouvons apporter à ces quartiers, pour qu'ils ne subissent pas des pathologies qui devraient disparaître de nos villes.

Les cabinets éphémères que j'évoquais ont besoin d'un coup de pouce, et les interventions de l'ARS peuvent jouer un rôle en la matière. Il nous faut favoriser la solidarité en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, car à Dijon comme ailleurs, on observe un contraste entre des quartiers très bien dotés, où l'accès à des spécialistes est relativement aisé, et d'autres où les soins de base – infirmiers, soins médicaux – ne sont pas garantis. Les praticiens renoncent parfois à se déplacer au domicile des patients, car en restant à leur cabinet, ils peuvent dans le même temps pratiquer quatre ou cinq actes, donc rendre quatre ou cinq fois service. Le déplacement pose des contraintes de temps et nous devons aussi réfléchir à l'attractivité du soin à domicile, pour les infirmiers comme pour les médecins, en revoyant leurs indemnités de déplacement.