Situation d'urgence à la maison d'arrêt de Brest
Question de :
M. Didier Le Gac
Finistère (3e circonscription) - Renaissance
M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la maison d'arrêt de Brest. La maison d'arrêt de Brest est actuellement dans une situation critique puisqu'elle accueille 471 détenus pour 254 places et que le taux d'occupation dans le quartier homme est de 190 %. Cette surpopulation carcérale suscite l'inquiétude du personnel de la maison d'arrêt mais également celle des familles de certains détenus. En effet, alors qu'à l'origine cette maison d'arrêt ne devait recevoir que des prévenus en détention provisoire, elle reçoit aujourd'hui toutes sortes de détenus. De cette surpopulation et de la détention de prévenus plus dangereux, il résulte une multiplication des agressions à l'égard du personnel et de certains détenus. Face à cette situation, la direction a demandé des moyens pour protéger l'établissement, d'autant que désormais, la maison d'arrêt fait l'objet d'une forte recrudescence, quasi-quotidienne, d'introduction de produits illicites et d'objets dangereux, par jets provenant de l'extérieur par des individus extérieurs tentant de faire passer aux détenus toutes sortes de matériel (couteaux, téléphone...) et substances (drogues). L'introduction de stupéfiants est naturellement à la base d'un trafic intense organisé entre détenus. À ceci s'ajoutent des attaques contre l'enceinte de l'établissement, comme les grillages qui sont découpés à la disqueuse, ou contre le parking où des pneus sont crevés, des véhicules dégradés et où ont lieu des rodéos. Alors que la situation s'aggrave dangereusement, il lui demande s'il va débloquer en urgence des fonds pour pouvoir réaliser les travaux de protection et d'empêchement de jets d'objets dans l'enceinte de la maison d'arrêt de Brest.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024
MAISON D'ARRÊT DE BREST
Mme la présidente . La parole est à M. Didier Le Gac, pour exposer sa question, no 789, relative à la maison d'arrêt de Brest.
M. Didier Le Gac . Comme de nombreux établissements pénitentiaires de notre pays, la maison d’arrêt de Brest souffre d’une très forte surpopulation carcérale. Je m’y suis rendu à trois reprises depuis le début de l’année pour échanger avec la direction, avec les équipes du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) et, bien évidemment, avec les surveillants pénitentiaires. Lors de ma dernière visite, effectuée en avril, cet établissement – qui n’est pas, je le souligne, un établissement pour peine – comptait 485 détenus pour 254 places, et il y avait 87 matelas au sol. Dans le quartier des hommes, le taux d’occupation dépasse désormais les 200 %.
Cette surpopulation entraîne des conditions de vie dégradées pour les détenus, mais aussi des conditions de travail extrêmement difficiles pour le personnel pénitentiaire, qui doit faire face à des agressions à répétition. En février dernier, c'est la médecin de la maison d'arrêt qui a été agressée lors d'une consultation.
Qui plus est, la sécurité même de l’établissement est en cause du fait de l’introduction régulière de stupéfiants, d’armes blanches ou de téléphones portables, à l’aide de drones – il y a eu, encore ce mois-ci, une tentative de cette nature – ou directement par le jet de colis, depuis l’extérieur, sur le terrain de sport. Les trafics illicites continuent donc à l’intérieur même de l’établissement.
Dans ce contexte, je tiens à rendre hommage ici au travail remarquable de la direction et de l’ensemble des surveillants pénitentiaires de la maison d’arrêt de Brest. Sans leur engagement, sans leur sens des responsabilités et sans – il faut le dire – leur fierté de servir, la situation, déjà explosive, serait ingérable.
Comment les aider ? Bien sûr, il faut encourager les mesures alternatives à la détention, comme les aménagements de peine et le port du bracelet électronique. Néanmoins, pour agir vite, il faut aussi engager des travaux de sécurisation des abords immédiats de la maison d’arrêt de Brest. Ainsi, il faut impérativement limiter l’accès aux murs d’enceinte en clôturant une partie du terrain de sport – le montant du devis qui a été établi est de 25 000 euros – et installer des filins antiprojections, qui sont réellement efficaces – la somme est ici plus importante, de l'ordre de 1 million d’euros, selon une estimation réalisée en 2020.
Le Gouvernement peut-il me confirmer que de tels travaux, essentiels pour la sécurité de tous, pourront être engagés dans un avenir proche ? Peut-il en préciser le calendrier ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Je tiens à rappeler notre soutien sans faille aux agents de l'administration pénitentiaire. Nous n'oublions pas le drame qui les a frappés, il y a quelques jours à peine, et qu'ils ont vécu dans leur chair. C'est toute la nation qui a partagé leur deuil. À la suite de ce drame, nous nous sommes mobilisés. Le garde des sceaux et moi-même tenons à saluer la qualité du dialogue et de nos échanges avec l'intersyndicale des agents de l'administration pénitentiaire. Leur priorité est la sécurité, et de nouvelles mesures ont été arrêtées en la matière : des moyens supplémentaires seront alloués, des armements plus lourds seront attribués aux agents, les véhicules seront banalisés.
Votre question porte sur la sécurisation de la maison d'arrêt de Brest, qui a trait à deux enjeux liés : l'accueil des détenus et la sécurité des agents pénitentiaires. Ce travail de sécurisation est mené par l'administration pénitentiaire et la direction de la prison, dont vous avez salué l'action. À cet égard, le garde des sceaux m'a chargée de rappeler les points suivants.
Depuis 2016, environ 11 millions d'euros ont été engagés dans la rénovation et la sécurisation de la maison d'arrêt de Brest. Concrètement, ces fonds ont été consacrés à l'extension du réseau de vidéosurveillance, à l'installation de nouveaux éclairages sur le chemin de ronde – c'est un point essentiel –, à la pose de caillebotis sur les fenêtres et à des opérations de sécurisation périmétrique, comme l'électrification des clôtures. Le travail se poursuit : le remplacement partiel des filins antihélicoptère est prévu en 2024, pour un montant total de 100 000 euros ; la réfection du système de vidéosurveillance est en cours de programmation.
Vous évoquez un problème plus grave, celui du trafic de stupéfiants, lié aux projections de boulettes ou de colis depuis l'extérieur, qui peuvent contenir de la drogue, des armes ou des téléphones portables. Un diagnostic de faisabilité portant sur l'installation de filets antiprojections a été établi. La demande correspondante – le coût s'élève à 2,2 millions d'euros – fera l'objet d'une attention toute particulière dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, afin d'être priorisée et de permettre, le cas échéant, les engagements budgétaires nécessaires. La configuration même de la maison d'arrêt de Brest a été conçue pour protéger des projections les cours de promenade, puisque celles-ci se trouvent à l'arrière d'autres bâtiments, qui constituent une première protection.
La lutte contre les trafics et toutes les formes de violence en détention est permanente. Le ministre de la justice en a toujours fait une priorité ; un plan pluriannuel y est spécifiquement dédié. C'est essentiel pour assurer la sécurité des personnels et améliorer leurs conditions de travail ; nous le leur devons. Nous serons à vos côtés à Brest, monsieur le député, comme nous le serons partout en France. Notre engagement ne faiblira pas.
Mme la présidente . La parole est à M. Didier Le Gac.
M. Didier Le Gac . Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse étayée. De nombreux travaux ont déjà été réalisés à la maison d'arrêt de Brest. Rendez-vous est pris pour inscrire au budget, lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, cette somme de 2,2 millions d'euros destinée à des travaux supplémentaires.
Auteur : M. Didier Le Gac
Type de question : Question orale
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024