Lutte contre la consommation récréative de protoxyde d'azote
Question de :
M. Idir Boumertit
Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Idir Boumertit interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'encadrement de la vente de protoxyde d'azote et la non-application de la loi n° 2021-695 du 1er juin 2021, dont l'objectif est d'enrayer les usages dangereux qui en sont fait. La consommation récréative du protoxyde d'azote s'est répandue en France ces dernières années et il y a, depuis 2018, une augmentation significative des usages dérivés du protoxyde d'azote. L'ANSES indiquait en 2021 que 134 cas avaient été rapportés en centres antipoison en 2020, contre 46 en 2019, et que 254 signalements avaient été enregistrés auprès des centres d'addictovigilance en 2020, contre 47 en 2019. Ce gaz, utilisé dans le domaine médical pour les anesthésies, mais aussi en cuisine, notamment dans les siphons à chantilly, fait l'objet d'un usage dérivé du fait de son caractère euphorisant lorsqu'il est inhalé pur. Comme l'affirment de nombreuses études, les effets de l'utilisation dérivée du protoxyde d'azote peuvent être dramatiques. Sa consommation récréative peut occasionner des maux de tête et des vomissements. Lorsqu'elle est prolongée et à des doses élevées, son utilisation peut avoir des conséquences graves sur le système nerveux, risquant alors d'entraîner de graves troubles cardiovasculaires, neurologiques et respiratoires. Les populations jeunes sont les plus touchées par ce phénomène, comme en témoigne le rapport d'expertise d'addictovigilance sur le protoxyde d'azote réalisé par le Centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) de Nantes en 2020 rapportant une moyenne d'âge des cas rencontrés de 23,7 ans. Une grande partie des usagers sont mineurs et le coût très abordable de cette drogue fait des milieux populaires une cible parfaite. Nombre de parkings et de places publiques de banlieues françaises se retrouvent ainsi fréquemment criblés de douilles usagées. En dépit des problématiques susmentionnées, la loi du 1er juin 2021 n'est à ce jour toujours pas appliquée correctement du fait de l'absence de publication des arrêtés et décrets nécessaires. Il l'interroge donc sur les avancées prévues par le Gouvernement en matière de contrôle et d'encadrement de la vente de protoxyde d'azote, ainsi que sur les objectifs et les moyens fixés pour prévenir l'expansion de ce phénomène.
Réponse en séance, et publiée le 11 janvier 2023
LUTTE CONTRE L'USAGE DU PROTOXYDE D'AZOTE
Mme la présidente. La parole est à M. Idir Boumertit, pour exposer sa question, n° 78, relative à la lutte contre l'usage du protoxyde d'azote.
M. Idir Boumertit. Cette question tend à remettre sur la table la politique du Gouvernement en matière de lutte contre la consommation récréative de protoxyde d’azote, substance en vente libre dans les magasins et habituellement utilisée en cuisine dans les siphons à chantilly, ou en médecine comme anesthésiant.
Depuis plusieurs années, de nombreux jeunes utilisent cette substance à des fins récréatives dont les conséquences sont dramatiques : addiction mise de côté, ce phénomène provoque de lourdes conséquences physiques et physiologiques. Le dernier rapport d’étude de toxicovigilance de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) fait état d’une concentration des cas rapportés en Île-de-France – majoritairement en Seine-Saint-Denis – et dans les Hauts-de-France. Dans 70 % des cas recensés, le protoxyde d’azote a été administré par inhalation au moyen de bonbonnes en vente libre dont l’usage initial est culinaire.
La loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote n'est pas efficace : les cas recensés de consommateurs et d’accidents augmentent gravement. Or les décrets d’application des articles 1er et 3 de cette loi, fixant une quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers et imposant l’apposition d’une mention indiquant la dangerosité de l’usage détourné du protoxyde d’azote sur chaque unité vendue, n’ont toujours pas été publiés. Rien n'est fait contre l’utilisation dérivée de ce produit et pour prévenir les usages à venir.
Madame la ministre déléguée, les territoires populaires sont davantage concernés par ce problème, comme en témoigne le cas de ma circonscription. Qu’avez-vous prévu pour enrayer ce fléau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. La loi du 1er juin 2021 prévoit différentes mesures encadrant l'usage détourné du protoxyde d'azote, qui s'appliquent depuis un an : interdiction de vente aux mineurs ; interdiction de distribution ou de vente dans les débits de boissons et de tabac ; interdiction de distribution ou de vente de cracker, dispositif conçu spécifiquement pour un usage détourné du protoxyde d'azote ; création d'un délit de provocation d'un mineur à mésuser d'un produit de consommation courante pour ces produits psychoactifs.
Deux mesures complémentaires nécessitent encore des textes d'application : l'obligation d'apposer un avertissement sanitaire sur les produits contenant du protoxyde d'azote et la restriction des volumes de ventes aux particuliers. Les projets d'arrêtés et de décrets ont fait l'objet d'une procédure de notification – encore en cours – auprès de la Commission européenne. Ces textes devraient entrer en vigueur au cours du premier semestre 2023. Parallèlement, la France travaille avec d'autres pays européens et l'Agence européenne des produits chimiques (AEPC) sur le niveau de classification de ce produit, afin d'aboutir à une approche harmonisée.
Au-delà des mesures restrictives, la prévention reste une priorité. Des messages de sensibilisation, en particulier à l'égard des jeunes, sont régulièrement diffusés comme ce fut le cas l'été dernier dans le cadre de la campagne Été sans souci. Depuis 2019, les établissements scolaires mettent en place des partenariats avec les consultations destinées aux jeunes consommateurs pour un service d'accueil, d'écoute et de conseils gratuits et confidentiels. Le dispositif public Drogue info service est également à disposition du public ; notamment des jeunes.
Auteur : M. Idir Boumertit
Type de question : Question orale
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 janvier 2023