Question au Gouvernement n° 790 :
PROJET D'AUTOROUTE CASTRES-TOULOUSE

16e Législature

Question de : Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Question posée en séance, et publiée le 3 mai 2023


PROJET D'AUTOROUTE CASTRES-TOULOUSE

Mme la présidente. La parole est à Mme Karen Erodi.

Mme Karen Erodi. Le 22 avril, une manifestation massive a eu lieu contre le projet d'autoroute A69, qui intervient à rebours de l'urgence climatique, des alertes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et de l'Agenda 2030, dont un des objectifs consiste à « mettre en place une infrastructure de qualité, fiable, durable et résiliente, […] pour favoriser le développement économique et le bien-être de l'être humain, en mettant l'accent sur un accès universel, à un coût abordable et dans des conditions d'équité. »

La construction d'une autoroute entre Toulouse et Castres consommera 400 hectares de terres agricoles ainsi que des millions de mètres cubes d'eau et détruira des réservoirs de biodiversité, mettant en péril notre souveraineté alimentaire et notre ressource en eau, pourtant si précieuse, et ce pour permettre aux usagers de gagner à peine dix minutes avant de se jeter dans les bouchons de la métropole toulousaine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Nathalie Oziol. Politique écocide !

Mme Karen Erodi. Environ 90 % des citoyens ayant contribué à l'enquête publique s'y opposent. Le commissariat général à l'investissement (CGI) doute du bien-fondé du projet. L'avis de la commission d'enquête est plutôt défavorable. Le Conseil national de protection de la nature (CNPN), dans son avis du 12 septembre 2022, estime que « Ce dossier s'inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d'objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité, ainsi qu'en matière de pouvoir d'achat. » Il ajoute : « L'élargissement de l'infrastructure existante (RN126) constituerait probablement une solution de moindre impact plus acceptable et raisonnable. » (Mêmes mouvements.)

Mme Clémence Guetté. Exactement !

Mme Karen Erodi. Avec moins de 6 000 véhicules par jour comptabilisés sur le tracé actuel, l'exploitation du tronçon sera déficitaire. Vous refusez de rendre public l'intégralité du contrat de concession. Qui va payer ? Où est l'intérêt général ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) À 17 euros l'aller-retour, ce sera l'autoroute des riches et du lobby Pierre Fabre, dont votre député tarnais est le VRP depuis 2017 ! (Mêmes mouvements.) Ce dernier se fait désormais le représentant du groupe NGE et de sa société Atosca, qui sera la grande gagnante de l'opération, puisqu'elle récupérera 75 millions d'euros d'équipements publics déjà payés par les Français.

M. Jean-François Coulomme. Quelle honte !

Mme Karen Erodi. Cette autoroute est à la fois inutile et imposée aux parties prenantes. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, comptez-vous respecter votre engagement à revoir les cinquante-cinq projets en cours, dont celui de l'autoroute A69, et à prononcer un moratoire global sur ces futurs chantiers, comme le demande le collectif national La déroute des routes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Mme Clémence Guetté. M. Béchu n'a rien à dire sur le sujet ?

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Puisque vous ne l'avez pas fait, je tiens à saluer le préfet du Tarn, les services de l'État, les forces de l'ordre et l'ensemble des associations, qui se sont montrés parfaitement responsables (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) et qui, grâce au dialogue, ont permis de faire en sorte que la manifestation se déroule dans le calme. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Je salue par ailleurs votre intérêt pour ce projet – intérêt semble-t-il récent, puisque vous ne m'aviez jamais sollicité sur cette question avant les manifestations auxquelles vous avez fait référence. (Sourires sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Blandine Brocard. C'est dommage !

M. Clément Beaune, ministre délégué. Puisque vous m'interrogez aujourd'hui, soyons précis. Je tiens à souligner l'état d'avancement du projet. Il a fait l'objet d'engagements contractuels et de recours – car nous vivons en État de droit –, lesquels ont tous été rejetés par la justice. Les travaux ayant commencé, il n'est d'ailleurs plus tout à fait question d'un projet, mais bien d'un début de réalisation.

Cela signifie-t-il pour autant qu'il ne peut plus être amélioré et que la discussion est close ? Je ne le crois pas. S'agissant notamment de la dimension environnementale, mon ministère a pris l'initiative, au cours des derniers mois, de réduire très significativement l'impact du projet. Sans doute pouvons-nous faire mieux encore. Je suis prêt à en discuter avec l'ensemble des forces politiques qui le souhaitent.

Mme Clémence Guetté. Renoncez à ce projet !

M. Clément Beaune, ministre délégué. J'ai d'ailleurs échangé avec les élus du Tarn qui, indépendamment de leur sensibilité politique, se sont très majoritairement exprimés en faveur du projet. Je songe notamment au président socialiste du département, au député Jean Terlier, ou encore à la présidente de la région Occitanie, Carole Delga.

Mme Farida Amrani. Elle est de parti pris !

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je suis prêt, évidemment, à poursuivre ce dialogue.

M. Pierre Cordier. Surtout avec les socialistes !

M. Clément Beaune, ministre délégué . Puisque vous m'interrogez sur les engagements que j'ai pris au nom du Gouvernement en matière écologique et autoroutière, je vous confirme que nous avons lancé, sous l'autorité de la Première ministre, une revue de chacun des projets en cours, que nous examinons au regard de plusieurs critères, à savoir le désenclavement, les engagements pris et l'impact environnemental. En fonction des conclusions du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), nous reverrons un certain nombre de projets et prendrons des décisions courageuses et audacieuses au cours des prochains mois. Certains projets seront sans doute suspendus ou mis à l'arrêt. Nous aurons l'occasion d'en discuter. J'espère que vous ferez preuve, dans ce cadre, d'un état d'esprit constructif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

Données clés

Auteur : Mme Karen Erodi

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mai 2023

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