Question orale n° 792 :
Lutter contre les déserts ophtalmologiques

16e Législature

Question de : M. Christophe Marion
Loir-et-Cher (3e circonscription) - Renaissance

M. Christophe Marion attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, sur les 22 départements classés comme « déserts ophtalmologiques ». Aujourd'hui, 9 millions de Français sont atteints de myopie ; 4 millions d'actifs souffrent d'une gêne visuelle sans correction adéquate, ce qui représente une perte de 18 milliards d'euros par an pour l'économie française. 40 % des personnes âgées de plus de 78 ans ne portent pas de lunettes adaptées à leur vue. 47 % des résidents d'Ehpad ont un problème de vue non pris en charge. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures destinées à lutter contre ce fléau : expérimentation en Centre-Val-de-Loire et en Normandie pour permettre aux opticiens-lunetiers d'intervenir dans les Ehpad afin de réaliser l'examen de réfraction hors du magasin ; élargissement des compétences des opticiens-lunetiers par la loi du 19 mai 2023. Alors que l'expérimentation dans les Ehpad s'achève cette année et que les premiers retours semblent confirmer les bénéfices apportés, M. le ministre a-t-il prévu de l'élargir à d'autres territoires ? Est-il également prévu de renforcer la délégation de tâche aux opticiens en mobilité : M. le député pense à l'instillation de gouttes de dilation mais également à l'utilisation des matériels d'exploration fonctionnelle non invasifs (comme le rétinographe et le tonomètre) ? Enfin, alors que l'intelligence artificielle permet d'accompagner efficacement le développement de la téléexpertise (et redonne ainsi du temps médical aux médecins ophtalmologistes), M. le ministre envisage-t-il d'encourager des négociations conventionnelles qui permettraient d'inventer un modèle économique favorisant, avec un acte de téléexpertise revalorisé, la rémunération de l'opticien à domicile mais également du médecin ophtalmologiste ? Ces différentes mesures sembleraient à M. le député être de nature à amener la prévention au cœur des territoires et à donner un accès plus rapide à la santé visuelle pour 20 millions de personnes qui se situent dans des territoires en sous-densité ophtalmologique. Il lui demande son avis sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024

DÉSERTS OPHTALMOLOGIQUES
Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Marion, pour exposer sa question, no 792, relative aux déserts ophtalmologiques.

M. Christophe Marion . Ma question a trait aux vingt-deux départements classés « déserts ophtalmologiques ». On compte 9 millions de Français qui sont atteints de myopie et 4 millions d'actifs qui souffrent d'une gêne visuelle sans correction adéquate, ce qui représente une perte de 18 milliards d'euros par an pour l'économie française. 40 % des personnes âgées de plus de 78 ans ne portent pas de lunettes adaptées à leur vue et 47 % des résidents d'Ehpad ont un problème de vue non pris en charge.

Le Gouvernement a adopté plusieurs mesures destinées à lutter contre ce fléau, notamment une expérimentation menée en Centre-Val de Loire et en Normandie, permettant aux opticiens-lunetiers d'intervenir dans les Ehpad afin de réaliser l'examen de la réfraction hors de leur magasin, ainsi que l'élargissement des compétences des opticiens-lunetiers par la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

Alors que l'expérimentation dans les Ehpad s'achève cette année et que les premiers retours semblent confirmer ses bénéfices, avez-vous prévu de l'étendre à d'autres territoires ? Est-il également prévu d'étendre la délégation de tâche aux opticiens en mobilité, notamment en ce qui concerne l'instillation de gouttes de dilatation et l'utilisation de matériels d'exploration fonctionnelle non invasifs, comme le rétinographe et le tonomètre ?

Enfin, alors que l'intelligence artificielle permet d'accompagner efficacement le développement de la télé-expertise et redonne ainsi du temps médical aux médecins ophtalmologistes, envisagez-vous d'encourager des négociations conventionnelles visant à introduire un modèle économique susceptible de favoriser, grâce à la revalorisation de l'acte de télé-expertise, la rémunération de l'opticien à domicile, mais également celle du médecin ophtalmologiste ? De telles mesures me semblent de nature à assurer une prévention au cœur des territoires et à permettre aux 20 millions de personnes qui vivent dans des territoires sous-dotés en matière ophtalmologique d'accéder plus rapidement à la santé visuelle.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles . Vous avez raison : l'accès aux soins visuels est une priorité absolue du ministre de la santé et de la prévention. Des progrès ont été accomplis ces dernières années, et les délais d'obtention d'un rendez-vous en ophtalmologie ont baissé de 45 % en quatre ans. Malgré une nette amélioration de la situation, donc, le ministre n'ignore pas la persistance de difficultés en matière d'accès aux soins visuels. C'est pourquoi nous souhaitons aller plus loin : des textes d'application relatifs aux compétences des orthoptistes et des opticiens-lunetiers, susceptibles de soutenir l'ophtalmologiste, seront prochainement publiés – cela va dans le sens de ce que vous demandez, monsieur le député.

Par ailleurs, vous avez salué l'expérimentation prévue par la loi du 5 février 2019 visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie : c'est l'une des réponses que nous avons apportées. Les conclusions de son évaluation, qui est en cours, devraient être rendues d'ici la fin de 2024. Les premiers retours sont très encourageants : ce dispositif permet d'améliorer la santé des personnes âgées et nous envisageons de l'élargir prochainement.

Je partage votre constat concernant la télésanté, l'intelligence artificielle et l'ensemble des technologies sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Le décret du 3 juin 2021 permet aux opticiens-lunetiers de réaliser des pratiques de télésoin et de recourir à la télé-expertise pour l'ensemble des patients. À ce jour, aucune convention nationale ne permet la prise en charge de ces soins par l’assurance maladie, mais différents dispositifs de coopération sont susceptibles de favoriser l'accès des assurés à la filière visuelle par l'intermédiaire des orthoptistes. Je pense par exemple aux protocoles de coopération nationaux ou à l'avenant no 14 à la convention nationale organisant les rapports entre l'assurance maladie et les orthoptistes libéraux, qui permet à ces derniers de réaliser des activités de télésoin et de télé-expertise prises en charge par l'assurance maladie.

Enfin, le projet de convention médicale soumis à la signature des organisations syndicales représentatives prévoit une revalorisation du tarif de l'acte de télé-expertise à compter du 1er janvier 2026. Cela contribuera, vous le savez, à soutenir l'activité de l'ensemble du secteur.

Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Marion.

M. Christophe Marion . Je vous remercie de vos réponses. Je veillerai à ce que les décrets soient publiés le plus rapidement possible, parce qu'ils sont attendus par les professionnels concernés. Les ministères doivent soutenir les innovations introduites et déployées par les professionnels de santé, ce qu'ils font parfois avec un peu de retard : nous devons leur faire confiance, car ils sont tous prêts à réfléchir aux meilleures manières de lutter contre les déserts médicaux.

Données clés

Auteur : M. Christophe Marion

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024

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