Réformer et revaloriser l'accueil familial
Question de :
Mme Christine Engrand
Pas-de-Calais (6e circonscription) - Rassemblement National
Mme Christine Engrand alerte Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la situation précaire des accueillants familiaux. En effet, malgré plusieurs annonces, les nombreux défis auxquels sont confrontés les accueillants familiaux persistent, notamment en ce qui concerne les rémunérations et indemnités perçues dont les montants restent insuffisants compte tenu de la charge de travail d'un accueillant familial, mais aussi l'exclusion de l'assurance chômage et du bénéfice du compte professionnel de formation, un manque de reconnaissance de leurs qualifications, les difficultés rencontrées pour bénéficier d'un remplacement ou même la réticence des banques à leur prêter de l'argent sur la base de leur relevé mensuel des contreparties financières. Ces problématiques cruciales ont été maintes fois soulignées et font l'objet d'un large consensus dans l'hémicycle, comme en témoignent les nombreux textes déposés à ce sujet, mais jamais discutés. Désespérés, certains accueillants perdent patience. C'est le cas de Mme Bauwens, âgée de 72 ans, qui envisage d'entamer une grève de la faim si rien n'est fait rapidement. Ainsi, elle lui demande sous quels délais elle prévoit une réforme de l'accueil familial, le cas échéant son contenu et si une revalorisation des rémunérations et indemnités par décret est prévue.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024
ACCUEIL FAMILIAL
Mme la présidente . La parole est à Mme Christine Engrand, pour exposer sa question, no 795, relative à l'accueil familial.
Mme Christine Engrand . Il est des questions qui font consensus et s'égarent pourtant dans les couloirs labyrinthiques de notre assemblée. L'accueil familial en fait partie.
En 2022, Brigitte Bourguignon, alors ministre de la santé, promettait à Mme Bauwens, accueillante familiale âgée de soixante-neuf ans, qui faisait une grève de la faim pour faire entendre les revendications des accueillants, que le Gouvernement préparait une réforme.
Le 1er juin 2023, le ministère du travail, de la santé et des solidarités répondait à une question écrite de la sénatrice Catherine Morin-Desailly en laissant entendre qu'un texte était imminent. Et depuis, aucune nouvelle !
En attendant, les difficultés de cette activité ne s'évanouissent pas, bien au contraire : trop faibles, les rémunérations et indemnités sont pointées du doigt, tout comme l'exclusion de l'assurance chômage et du compte professionnel de formation, ou encore les difficultés à se faire remplacer – pour ne citer que les points saillants.
Rendez-vous compte : un accueillant familial n'est, en règle générale, rémunéré par la personne accueillie qu'à la hauteur de deux heures et demie de travail par jour, au Smic, alors qu'il travaille sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'indexation sur le Smic n'y change rien, en raison de la hausse des cotisations sociales. En 2018, l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) a anéanti l'augmentation du salaire minimum.
Il n'est donc pas étonnant que la précarité et la pénibilité érodent les effectifs d'accueillants familiaux : entre 2019 et 2022, leur nombre a diminué de 10 %. À l'heure de la défiance envers les Ehpad, la disparition de ce mode d'accueil, deux fois moins coûteux pour les départements, serait un véritable coup de massue pour la prise en charge des personnes âgées en France – 70 % des Français souhaitant d'ailleurs vieillir à domicile.
Les occasions de réformer l'accueil familial n'ont pourtant pas manqué, des discussions ayant entouré la loi du 8 avril 2024, dite bien vieillir, aux discussions budgétaires. Depuis le début de la présente législature, une proposition de loi est en outre déposée chaque trimestre sur ce sujet ; cela fait un total de cinq, dont une émane de notre groupe.
Vous n'avez pourtant jamais tenté de traduire en mesures concrètes le consensus transpartisan, acquis par principe sur une telle question. Quand une énième conférence ou un énième débat ne suffit plus à entretenir l'illusion, vous fuyez et il n'y a que Dédale pour rivaliser avec vos circonvolutions.
Malheureusement, ces contorsions sont lourdes de conséquences : à Lourches, dans le département du Nord, Mme Bauwens, à présent âgée de soixante-douze ans, prévoit une seconde grève de la faim. La dernière fois, elle avait perdu 10 kilogrammes ; elle était très faible – Sébastien Chenu vous a d'ailleurs écrit à ce sujet et s'associe à moi pour vous réclamer des gages.
Madame la ministre, à quand une réforme de l'accueil familial, comportant notamment une revalorisation des seuils rémunératoires et indemnitaires fixés par le décret ? À quand une vraie reconnaissance de la profession ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Dans notre pays, les métiers du lien – l'accueil familial de personnes âgées et handicapées, la protection de l'enfance, le travail d'éducateur spécialisé, l'accueil familial des enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) – connaissent une crise profonde. La question de leur attractivité, de leur accompagnement et de leur revalorisation sociale et pécuniaire est essentielle.
Constituant une solution de substitution à l'hébergement en établissement, l'accueil familial des personnes âgées présente de nombreux atouts : il offre un environnement familial et chaleureux, un cadre de vie plus stable et sécurisant. Cette solution d'accueil contribue à répondre à la question du vieillissement de la société, en prévenant la perte d'autonomie et le risque de solitude. Le Gouvernement est favorable à son développement – il l'est vraiment.
Reposant à l'origine sur des arrangements informels entre les familles d'accueil et les personnes âgées ou handicapées et leurs proches, l'accueil familial est encadré depuis 1989 par une réglementation spécifique. Celle-ci a été adaptée à plusieurs reprises pour mieux satisfaire aux exigences de qualité, de sécurité et de reconnaissance professionnelle des accueillants familiaux.
Les accueillants familiaux exercent aujourd'hui leur activité selon deux modalités : le salariat par une personne morale ou la relation directe dite de gré à gré avec la personne accueillie. Quel que soit le mode d'exercice de l'activité, la réglementation garantit aux accueillants familiaux des droits en matière de rémunération, de congés payés et de couverture sociale.
Cette réglementation leur garantit notamment une rémunération minimale, qui suit l'évolution du Smic, complétée pour certains accueils d'une indemnité de sujétions particulières, elle-même indexée sur le salaire minimum. Les accueillants perçoivent également une indemnité d'entretien indexée sur le minimum garanti et une indemnité au titre de la mise à disposition d'une chambre à la personne accueillie, qui évolue suivant l'indice de référence des loyers. Ces dispositions garantissent la revalorisation régulière de la rémunération et des indemnités versées en fonction de l'évolution du coût de la vie. Par ailleurs, l'ensemble des accueillants familiaux sont affiliés aux assurances sociales du régime général de la sécurité sociale ou, le cas échéant, au régime de la mutualité sociale agricole.
Cela dit, le dispositif reste perfectible. Les problèmes que vous évoquez sont bien identifiés – le temps me manque pour les évoquer à mon tour.
Les mesures présentées par les députés Annie Vidal, Gérard Leseul et Benoit Mournet dans le cadre de leur proposition de loi destinée à renforcer, soutenir et favoriser le déploiement de l'accueil familial constituent à cet égard une base de travail très intéressante sur laquelle nous nous engageons à travailler. Ces mesures sont autant d'axes sur lesquels il importe d'agir de façon combinée pour consolider l'ensemble de l'édifice et rendre ces métiers plus attractifs.
Auteur : Mme Christine Engrand
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions et activités sociales
Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités
Ministère répondant : Personnes âgées et personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024