Freins au développement de l'œnotourisme
Question de :
M. Philippe Lottiaux
Var (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Philippe Lottiaux attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les freins au développement de l'œnotourisme. En effet, ce secteur dispose encore aujourd'hui d'un potentiel de développement important. Les premières Assises nationales de l'œnotourisme, tenues en 2018, avaient souligné son enjeu économique et le nécessaire encouragement de sa dynamique. Ces assises avaient débouché sur 20 propositions d'action pour professionnaliser et développer le secteur. Si certaines ont été suivies d'effet, les propositions visant à lever les freins réglementaires au développement du secteur ne le furent guère, notamment sur les conditions de construction des bâtiments touristiques sur des terres agricoles. Le développement de l'œnotourisme suppose en effet que les viticulteurs puissent proposer des chambres pour des nuitées. Or la réglementation actuelle rend cette opération complexe. Il convient en effet de passer par la procédure du STECAL, qui nécessite souvent une modification du PLU communal ou intercommunal. Or la lourdeur et le coût de cette procédure dissuadent souvent les communes ou EPCI de s'y engager, empêchant les exploitants de pouvoir réaliser quelques chambres. S'il ne s'agit pas de détourner ces terres de leur vocation initiale, ce que les viticulteurs n'envisagent évidemment pas, le ministère prévoit-il de prendre en considération ces difficultés afin de simplifier la procédure actuelle, pour permettre le réel développement de l'œnotourisme ? Il lui demande par ailleurs si, 6 ans après les premières assises du secteur, une nouvelle édition, qui serait particulièrement utile, est envisagée.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2024
ŒNOTOURISME
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Lottiaux, pour exposer sa question, no 796, relative à l'œnotourisme.
M. Philippe Lottiaux . Dans nombre de territoires, notamment le Var, l'œnotourisme est en pleine croissance et recèle d'importantes possibilités de développement. Il est au centre des réflexions institutionnelles sur l'évolution du tourisme, d'autant qu'il va souvent de pair avec le tourisme patrimonial et culturel. Les premières assises nationales de l'œnotourisme, qui se sont tenues à la fin de l'année 2018, ont à juste titre souligné son potentiel économique et la nécessité de l'encourager, en formulant vingt propositions d'action.
Sous l'égide du Conseil supérieur de l'œnotourisme et d'Atout France, certaines de ces propositions ont été suivies d'effet, notamment en ce qui concerne la politique des labels, la communication, la promotion ou encore l'amélioration de la qualité de l'offre.
En revanche, d'autres propositions ne l'ont été que – trop – partiellement. C'est le cas de la mise en réseau d'une filière géographiquement très éclatée, de la synergie avec les filières voisines, ou encore de la formation. Sur ce dernier sujet, des initiatives locales existent – comme dans le Var – mais une politique nationale fait défaut. Ne croyez-vous pas qu'il faille mieux structurer et promouvoir l'offre de formation en matière d'œnotourisme ?
Je souhaite aussi vous interroger au sujet de certaines dispositions réglementaires qui tendent à freiner le développement du secteur. S'il est possible d'accueillir les touristes en nuitée dans les bâtiments d'habitation existants ou dans des bâtiments dont on aura éventuellement changé la destination, créer ne serait-ce que quelques chambres dans un nouveau bâtiment, sur des terres agricoles, relève du parcours du combattant.
Il ne s'agit évidemment pas de transformer les vignes en hôtels, mais de permettre, sur des terres qui jouxtent généralement l'habitation et ne sont pas ni ne seront jamais exploitées, la création de quelques chambres afin de dynamiser le secteur et d'apporter au viticulteur, comme au tourisme local, un complément de ressources bienvenu.
Or la réglementation actuelle rend cette opération complexe, puisqu'il faut passer par la procédure des secteurs de taille et de capacité d’accueil limités (Stecal), qui pose deux problèmes.
D'abord, il s'agit d'une procédure très lourde et contrainte. Qui plus est, elle est dérogatoire ; son acceptation est variable selon les territoires, voire aléatoire en fonction des agents de l'État qui traitent la demande. Par ailleurs, la création de nouveaux Stecal nécessite de réviser le plan local d’urbanisme (PLU), procédure là encore particulièrement lourde administrativement et financièrement pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ils hésitent à la mettre en œuvre, empêchant, de fait, les exploitants de réaliser quelques chambres.
Encore une fois, il ne s'agit pas de détourner les terres agricoles de leur usage – les viticulteurs ne l'envisagent évidemment pas – mais de disposer d'une procédure simplifiée qui permette le développement de l'œnotourisme. Le Gouvernement peut-il prendre en considération ces difficultés ? Six ans après les premières assises du secteur, une nouvelle édition, qui serait particulièrement utile, est-elle envisagée ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire . Je veux, au préalable, confirmer l'intérêt que représente le secteur de l'œnotourisme. Un touriste sur trois cite le vin et la gastronomie comme ayant motivé son choix d'un séjour en France. Il s'agit d'un marché en pleine expansion puisqu'entre 2009 et 2016, nous sommes passés de 7,5 millions d'œnotouristes à plus de 10 millions. Si une majorité d'entre eux sont français, la clientèle étrangère représente tout de même 42 % de ce marché.
Atout France a donc créé, dès 2020, un pôle œnotourisme qui a permis de développer des projets comme le salon Destination vignobles, afin de promouvoir et de commercialiser l'offre œnotouristique auprès des professionnels étrangers. Atout France investit également dans la formation en œnotourisme.
Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, m'a fait part de son engagement plein et entier dans le développement du potentiel de l'œnotourisme.
Vous avez évoqué les freins réglementaires qui font obstacle à la construction de bâtiments touristiques sur les terres agricoles. Comme vous le savez, seules les constructions et les installations directement liées à l'activité d'exploitation sont autorisées en zone agricole. Or un bâtiment destiné au tourisme n'est a priori pas considéré comme étant d'utilité agricole directe, quand bien même les ressources qu'il procure contribuent à l'équilibre économique de l'exploitation – démarche compréhensible dans un monde agricole en quête de revenus.
Les dispositions du code de l'urbanisme permettent cependant, par deux moyens, la création de bâtiments touristiques en zone agricole.
Le premier d'entre eux est la demande d'autorisation de changement de destination d'un bâtiment agricole existant, à condition, naturellement, que ce changement ne compromette pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Il doit également – et c'est légitime – recueillir l'avis favorable de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).
Le second de ces moyens consiste à construire un nouveau bâtiment dans un Stecal. Un tel secteur peut être délimité à titre exceptionnel dans le règlement du PLU, conformément aux règles fixées par le code de l'urbanisme. Celles-ci peuvent apparaître contraignantes, mais elles contribuent à un tourisme de qualité. Soyez assuré que, sur ce sujet, ma collègue Olivia Grégoire et moi-même restons à votre disposition.
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Lottiaux.
M. Philippe Lottiaux . Le Stecal nécessite une modification du PLU à laquelle beaucoup de communes se refusent, en raison de la lourdeur de la procédure. Des viticulteurs sont donc laissés sans solution.
Auteur : M. Philippe Lottiaux
Type de question : Question orale
Rubrique : Tourisme et loisirs
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2024