16ème législature

Question N° 79
de Mme Nadège Abomangoli (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > emploi et activité

Titre > Travailleurs sans papiers sur les chantiers des JOP Paris 2024

Question publiée au JO le : 03/01/2023
Réponse publiée au JO le : 11/01/2023 page : 69

Texte de la question

Mme Nadège Abomangoli appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le recours massif à des travailleurs sans papiers sur les chantiers des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (JOP 2024). M. n'a « pas de contrat, pas de fiche de paye, pas de congés », il est payé 80 euros par jour pour des journées de travail qui terminent bien souvent à 21 heures. Interrogé par le journal Le Monde, il travaille sur le village des athlètes des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Sa situation n'est pas une anomalie mais bien une constante de ce chantier que pourtant la SOLIDEO veut « exemplaire en matière économique et sociale ». Les enquêtes publiées dans Le Monde et dans Libération sont accablantes quant aux conditions de travail fortement dégradées de ces travailleurs sans papiers sur les chantiers des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Le parquet de Bobigny a d'ailleurs ouvert une enquête préliminaire en juin 2022 pour travail dissimulé, emploi d'étrangers sans titre en bande organisée et blanchiment aggravé. Pourtant, cette situation est connue depuis longtemps par le ministère du travail, le comité d'organisation des JOP 2024 et la SOLIDEO. Les syndicats interpellaient déjà en janvier 2022 sur la multiplication des accidents graves sur les chantiers des JO, sur le manque de permanences syndicales et sur le manque de contrôles de l'inspection du travail. Alors que la Confédération générale du travail parle d'une nébuleuse de sociétés de sous-traitance impliquées dans les chantiers des JO, le manque criant de contrôles de l'inspection du travail apparaît comme une faute et un refus d'entendre les cris d'alerte des personnels impliqués dans les chantiers. Déjà les révélations de Mediapart d'avril 2021 sur les propos racistes et sexistes tenus par plusieurs cadres de la SOLIDEO avaient fait la lumière sur un mépris et un manque de considération vis-à-vis des travailleurs des chantiers des JO ; les enquêtes du Monde et de Libération viennent le confirmer. Le ministère du travail est d'autant plus conscient de cette situation que des dispositifs spéciaux ont été mis en place par le Gouvernement au sein de la préfecture de Seine-Saint-Denis pour permettre une régularisation de ces travailleurs sans-papiers impliqués dans ces chantiers. Toutefois, ces travailleurs comme les syndicats parlent d'un dispositif grippé où aucun dossier n'avance et aucun titre de séjour n'a été accordé. Mme la députée demande que le Gouvernement, la SOLIDEO et le comité d'organisation des JOP 2024 fassent la lumière sur le recours aux travailleurs sans papiers impliqués dans les chantiers des JO. Mme la députée demande pourquoi la préfecture de Seine-Saint-Denis a accordé aussi peu de titre de séjour à ces travailleurs. Elle demande quels dispositifs sont prévus lorsque ces travailleurs aux conditions de rémunération et de travail indignes se retrouvent sans emploi suite aux contrôles de l'inspection du travail.

Texte de la réponse

TRAVAILLEURS SANS PAPIERS SUR LES CHANTIERS DES JEUX OLYMPIQUES


Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour exposer sa question, n°  79, relative aux travailleurs sans papiers sur les chantiers des Jeux olympiques.

Mme Nadège Abomangoli. M. D. n'a « pas de contrat, pas de fiche de paye, pas de congés ». Il est payé 80 euros par jour pour des journées de travail qui s'achèvent souvent à vingt et une heures. M. D. indique, dans le journal Le Monde, travailler à la construction du village des athlètes des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Sa situation n'est pas une anomalie, mais bien une réalité courante sur ce chantier que la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) voulait pourtant « exemplaire en matière économique et sociale ».

Les enquêtes publiées par Le Monde et par Libération sur les conditions de travail très dégradées des travailleurs sans papiers employés sur les chantiers des JO sont accablantes. Le parquet de Bobigny a d'ailleurs ouvert en juin 2022 une enquête préliminaire pour travail dissimulé, emploi d'étrangers sans titre en bande organisée et blanchiment aggravé. Pourtant, cette situation est connue depuis longtemps du ministère du travail, du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) et de la Solideo. En janvier 2022, déjà, les syndicats alertaient sur la multiplication des accidents graves survenus sur les chantiers des JO, sur l'absence de permanences syndicales et sur le trop faible nombre de contrôles assurés par l'inspection du travail. Alors que la CGT évoque une « nébuleuse de sociétés » de sous-traitance impliquées dans les chantiers des JO, le manque criant de contrôles par l'inspection du travail apparaît comme une faute et un refus d'entendre les cris d'alarme des personnels impliqués dans les chantiers.

Déjà, en avril 2021, les révélations de Mediapart sur les propos racistes et sexistes tenus par plusieurs cadres de la Solideo nous alertaient. Les enquêtes du Monde et de Libération ternissent encore le tableau. Le ministère du travail est d'autant plus conscient de cette situation que des dispositifs spéciaux ont été instaurés par la préfecture de Seine-Saint-Denis pour permettre un traitement des dossiers des travailleurs sans papiers employés sur ces chantiers. Toutefois, ces travailleurs, comme les syndicats, dénoncent un dispositif grippé, et même embolisé : aucun dossier n'avance et aucun titre de séjour n'a été accordé à ce jour.

M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a pris la peine de répondre au communiqué des élus de la Seine-Saint-Denis qui interpellaient les parties prenantes de ce dossier. Je l'en remercie, car il a bien été le seul. Néanmoins, sa réponse n'est pas satisfaisante, puisqu'il se contente de déclarer que des contrôles ont eu lieu, sans préciser quelles en ont été les suites. Or la seule question qui vaille est de savoir ce que deviennent les travailleurs sans papiers une fois les contrôles effectués. En l'occurrence, ils se retrouvent subitement sans ressources et sans travail. Alors que chacun sait que ces personnes sont indispensables, personne ne leur octroie la protection qu'elles méritent. Cette hypocrisie doit cesser.

Pourquoi la préfecture de Seine-Saint-Denis accorde-t-elle si peu de titres de séjour dans le cadre de la procédure spécifique de traitement des dossiers des travailleurs qu'elle a créée à l'occasion des JO ? Quels dispositifs comptez-vous instaurer pour ces personnes, qui subissent des conditions de rémunération et de travail indignes et se retrouvent sans emploi à la suite des contrôles de l'inspection du travail ? Quand comptez-vous faire la lumière sur le recours aux travailleurs sans papiers employés sur l'ensemble des grands chantiers de l'État, particulièrement sur ceux des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Vous appelez mon attention sur la présence de travailleurs en situation irrégulière sur les chantiers des Jeux olympiques en Île-de-France. Vous dénoncez également leurs conditions de travail et le nombre insuffisant de contrôles effectués par l'inspection du travail.

En premier lieu, il me semble important de replacer la situation dans son contexte. La préparation des Jeux olympiques induit de nombreux chantiers. En l'espèce, dans le périmètre de l'Île-de-France, 40 maîtres d'ouvrage et 4 000 compagnons sont mobilisés sur environ 200 chantiers. La nature même de l'activité implique par ailleurs de nombreux risques et une sinistralité importante.

Tous les pouvoirs publics portent une attention particulière à la prévention, comme en témoignent les séances d'information qu'ils organisent sur les obligations des entreprises en matière de déclaration des salariés ou de prévention des risques. Nous travaillons en lien étroit avec la Solideo afin de prévenir autant que possible ces situations.

D'autre part, les autorités veillent au contrôle des conditions d'intervention des salariés sur les chantiers. Depuis le début des travaux, en novembre 2019, l'inspection du travail francilienne est intervenue à plus de 600 reprises et son activité a connu une forte accélération ces derniers mois, avec près de quatre interventions par semaine. Votre dénonciation de l'insuffisance des actions menées ne reflète donc pas l'engagement constant et remarquable des services, dont je tiens à saluer le travail.

Quant aux situations individuelles des salariés concernés, je rappelle qu'elles s'inscrivent dans les ambitions du projet de loi à venir sur l'immigration, dont l'un des volets me semble de nature à répondre de manière plus méthodique aux problèmes rencontrés par les personnes présentes sur le territoire français. L'objectif, dans ce cadre, est bien de travailler mieux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

Mme Nadège Abomangoli. Merci pour ces premiers éléments de réponse. Vous avez souligné le caractère exceptionnel du chantier des Jeux olympiques et paralympiques, mais d'autres chantiers sont en cours sur le territoire francilien, comme ceux liés au Grand Paris. L'accélération récente de l'action de l'inspection du travail que vous avez évoquée me semble donc devoir être généralisée.

Vous n'avez pas répondu spécifiquement à propos de la préfecture de Seine-Saint-Denis et de son traitement des dossiers. Peut-être votre cabinet pourra-t-il le faire ultérieurement.

Vous évoquez enfin les ambitions du futur projet de loi sur l'immigration, dont l'adoption permettrait de délivrer des titres de séjour aux personnes travaillant dans un secteur en tension. Je rappelle que ces secteurs sont de plus en plus nombreux, comme vous en avez vous-même convenu. Outre que plusieurs dispositions de ce texte mettent sur le banc des accusés pas moins de 5 millions de citoyens, encore faudrait-il que le dispositif proposé fonctionne. Nous n'y croyons pas. Nous resterons en tout cas très vigilants quant au sort qui sera fait aux travailleurs sans papiers œuvrant sur les chantiers des JO de 2024.