Question orale n° 7 :
Gestion trouble du groupe AVEC et son impact sur sa filiale AMAPA

16e Législature

Question de : M. Hubert Wulfranc
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

M. Hubert Wulfranc alerte M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la situation du groupe AVEC (ex-Doctegestion) et les pratiques de son PDG à la tête d'un réseau de structures de maintien à domicile, d'Ehpad, cliniques et de gestion de biens immobiliers et touristiques... qui emploie près de 12 000 salariés. Le groupe, qui s'est spécialisé sur la reprise d'associations ou d'établissements mutualistes en difficulté du secteur médico-social, cumule les affaires judiciaires pour ses pratiques financières, sa gestion du personnel et les entraves au fonctionnement des instances représentatives du personnel. La gestion douteuse du groupe impacte le bon fonctionnement de sa filiale, l'AMAPA, qui assure des prestations de maintien à domicile auprès de nombreuses familles de Seine-Maritime et en particulier sur le territoire de la métropole de Rouen. Il lui demande ce qu'il compte faire sur ces dossiers.

Réponse en séance, et publiée le 23 novembre 2022

GROUPE AVEC ET ASSOCIATION AMAPA
Mme la présidente. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour exposer sa question, n°  7, relative aux activités du Groupe Avec et de sa filiale Amapa.

M. Hubert Wulfranc. Le groupe de soins Avec, anciennement dénommé Doctegestio, s'est spécialisé dans la reprise d'entreprises de santé en difficulté. Outre des Ehpad et des cliniques, il gère 300 services d'aide et de soins à domicile regroupés autour de l'association Amapa.

Malgré un chiffre d'affaires de 600 millions d'euros, le groupe Avec a affiché une perte nette de 20 millions d'euros en 2021. De surcroît, il cumule des conflits judiciaires médiatisés : les thermes de Plombières-les-Bains sont fermés depuis trois ans, la trésorerie du groupe hospitalier mutualiste (GHM) de Grenoble est siphonnée, un projet d'Ehpad a été annulé par la ville de Metz et six procédures de licenciement ont été perdues contre une élue salariée de l'Amapa, sans parler de la condamnation à verser 1 million d'euros à des salariés pour des jours fériés et des heures supplémentaires impayés.

En vertu d'une décision de justice, le groupe Doctegestio a repris en 2019 l'ensemble des activités et les 600 agents de l'AAFP – l'Association de l'aide familiale populaire – exerçant en Seine-Maritime. Les représentants syndicaux de l'Amapa de Rouen-Elbeuf font eux-mêmes état de graves griefs : des retards dans le paiement des salaires, des dépassements d'heures prévues dans leurs contrats, un non-respect de leur repos quotidien et des restrictions médicales, le non-paiement des frais kilométriques réels ou des frais de formation, une absence de réévaluation des besoins de prise en charge des bénéficiaires, des salariés mal reclassés – malgré l'avenant 43 à la convention collective – dès lors que les crédits du compte personnel de formation (CPF) ne sont pas consommés auprès de la filiale de formation du groupe Avec. Cette liste non exhaustive a été communiquée par les syndicats à la direction régionale de l'inspection du travail et au préfet de Seine-Maritime.

Par ailleurs, les représentants syndicaux s'interrogent sur certaines pratiques du groupe, notamment celles qui visent à facturer, au bénéfice de la filiale administrative DG Help, une participation de 1 euro par jour pour le mail professionnel de chacun de ses 12 000 salariés, ou celles qui viennent substituer des heures d'intervention des aides à domiciles financées par la CAF, ouvrant droit pour les familles à des majorations de participation, en lieu et place des heures d'intervention financées et plafonnées par le conseil départemental.

Interrogée sur ces pratiques par notre collègue Naegelen, le 25 octobre dernier, Mme la Première ministre a indiqué qu'il n'y aurait aucune complaisance, facilité ou naïveté des pouvoirs publics à l'égard du groupe Avec, précisant qu'elle avait demandé aux services de l'État d'être attentifs, exigeants et réactifs. Si des contrôles de l'inspection du travail ont été effectués auprès de plusieurs antennes de l'Amapa, dont celle du Havre, les représentants syndicaux de l'Amapa de Rouen-Elbeuf indiquent n'avoir reçu aucun retour à la suite de leurs démarches. L'inquiétude est grandissante chez les salariés, les bénéficiaires et les élus du territoire.

Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre déléguée, quelles actions vont être rapidement déployées par les services de l'État pour s'assurer que l'Amapa en Seine-Maritime, en particulier son antenne de Rouen-Elbeuf, se conforme à l'ensemble de ses obligations, notamment à l'égard de ses salariés et des familles des bénéficiaires de l'agglomération rouennaise ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Le ministre Jean-Christophe Combe regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m'a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre interrogation.

L'offre d'accueil des personnes âgées en perte d'autonomie repose, en France, sur une palette d'opérateurs variés. Dans un secteur en croissance du fait de la transition démographique et en forte tension en raison, notamment, de la pénurie de professionnels, il nous faut pouvoir compter sur l'investissement privé, lequel peut apporter une dynamique et une innovation qui contribuent à l'amélioration globale de la qualité de service. L'affaire Orpea a cependant montré que pouvaient exister, dans le secteur privé, des dévoiements et des détournements ; ils ne concernent bien entendu pas l'ensemble des acteurs, mais nous devons y être particulièrement vigilants.

Le Gouvernement est mobilisé pour lutter contre ces pratiques. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 en donne une nouvelle illustration, dans la continuité du choc de transparence engagé dès le début de l'année 2022. Notre action repose sur un renforcement des contrôles, un meilleur encadrement et une régulation plus stricte du secteur.

En ce qui concerne la situation particulière du groupe Avec, qui gère environ 400 établissements, je vous confirme que les alertes des ARS ont commencé à remonter au ministère dès la fin du mois d'août et que le groupe fait désormais l'objet d'un suivi attentif. Ces alertes pointaient des méthodes commerciales agressives, un mélange des genres et un dialogue difficile avec les autorités de contrôle. À ce titre, je signale que, par le passé, plusieurs reprises d'activité du groupe Avec ont déjà été annulées ou bloquées par des juges sur la demande des ARS. Notre préoccupation est triple : repérer et condamner tout détournement des fonds publics, notamment dans un contexte de recours à des sociétés-écrans ; garantir, dans les établissements, une qualité d'accueil à la hauteur des attentes ; assurer un traitement bienveillant des professionnels. Nous sommes pleinement mobilisés pour poursuivre partout ce travail de contrôle afin de restaurer la confiance et éviter, à l'avenir, aussi bien les dérapages que la stigmatisation ou l'opprobre.

Mme la présidente. La parole est à M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Merci de votre réponse, madame la ministre déléguée. Néanmoins, j'insiste sur le besoin d'une intervention urgente des services de l'État pour remédier à la situation en Seine-Maritime, en particulier dans l'agglomération de Rouen-Elbeuf.

Données clés

Auteur : M. Hubert Wulfranc

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes âgées

Ministère interrogé : Solidarités, autonomie et personnes handicapées

Ministère répondant : Solidarités, autonomie et personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2022

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