Conséquences du manque de médecins obstétriciens en millieu rural
Question de :
M. Sébastien Rome
Hérault (4e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Sébastien Rome alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur le manque de médecins obstétriciens et les conséquences locales. La maternité de Ganges est aujourd'hui fermée. Cette fermeture dite provisoire laisse un trou béant en matière de santé pour les futures mères et leurs enfants au cœur même d'une zone de montagne, les Cévennes. Sa fermeture implique que, sur des routes souvent sinueuses, certaines familles fassent près deux heures pour rejoindre, selon les conditions de circulation, l'établissement le plus proche. Cette maternité au sein de la clinique du groupe Cap santé joue un rôle d'établissement de proximité et dépasse les 300 accouchements par an, avec une qualité d'accueil reconnue par tous. Elle est aussi une sécurité pour de nombreuses femmes qui font le choix d'accoucher à domicile, pratique plus fréquente qu'ailleurs sur cette partie du territoire français où le cadre de vie est exceptionnel. Le manque de médecins obstétriciens est réel et la fermeture n'a jamais été présentée comme une mesure d'économie. On peut s'en satisfaire, mais le résultat est similaire. Cette situation va s'amplifier durant les prochaines années sur tout le territoire et touche déjà fortement les territoires d'outre-mer et les zones rurales. De nombreuses causes structurelles et d'autres propres aux territoires sont avancées. On peut en retenir deux ici. Un des freins à cette installation est le système d'assurance que doivent prendre en charge les professionnels. Or il serait incompréhensible pour les concitoyens qu'un problème administratif freinant les professionnels, bien que lourd financièrement, ne soit l'objet de propositions de la part de la représentation nationale. Mais plus incompréhensible encore est le système de prédation financière mis en place du fait de la pénurie de médecins avec ce que l'on appelle les « médecins mercenaires ». Si les conditions de travail dégradées engagent ces médecins à se mettre en retrait de tout établissement, ce sont surtout les tarifs qu'ils parviennent à négocier, en jouant de la concurrence entre établissements, qui choquent, même les professionnels du secteur. Pour une garde de 24 heures, on peut atteindre les 5 000 euros pour un obstétricien et 7 000 euros pour un urgentiste. Il lui demande quand on va interdire ou fortement limiter ces pratiques que des médecins jugent eux-mêmes comme une rapine et quand la régulation de l'installation sera mise en place pour répondre aux besoins des populations ? C'est le sens de la proposition loi transpartisane contre les déserts médicaux qui, on peut l'espérer, sera bientôt étudié. Enfin, il lui demande quelles garanties les Cévenols ont pour que l'activité suspendue de la maternité faute de médecins soit prochainement pleinement relancée et quels sont les moyens mis en place pour ne pas voir la disparition de la maternité que le Président de la République, interrogé par Mme la maire du Vigan au congrès des maires, a lui-même jugée « d'insupportable ».
Réponse en séance, et publiée le 11 janvier 2023
MATERNITÉ DE GANGES DANS LES CÉVENNES
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Rome, pour exposer sa question, n° 80, relative à la maternité de Ganges dans les Cévennes.
M. Sébastien Rome. La maternité de Ganges est fermée. Cette fermeture, dite provisoire, laisse un trou béant en matière de santé pour les futures mères, au cœur même d’une zone de montagne, les Cévennes. Elle oblige certaines familles à rouler près deux heures sur des routes souvent sinueuses pour rejoindre l’établissement le plus proche.
Cette maternité, au sein de la clinique du groupe Cap Santé, joue un rôle d’établissement de proximité et effectue plus de 300 accouchements par an, avec une qualité d’accueil reconnue par tous. Elle est aussi une sécurité pour de nombreuses femmes qui font le choix d’accoucher à domicile, pratique plus fréquente qu’ailleurs dans cette partie du territoire français où le cadre de vie est exceptionnel.
Le manque de médecins obstétriciens est réel : la fermeture n’a jamais été présentée comme une mesure d’économie. On peut s’en satisfaire, mais le résultat est le même. Cette situation, qui touche déjà fortement les territoires d’outre-mer et les zones rurales, va s’amplifier durant les prochaines années dans toute la France. Elle s'explique par des causes structurelles et parfois locales ; j'en citerai deux.
L'un des freins à l'installation de médecins est le système d’assurance que doivent prendre en charge les professionnels. Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ne fassions pas de proposition pour remédier à ce problème administratif, malgré son poids financier.
Plus incompréhensible encore est le système de prédation financière résultant de la pénurie de médecins et se manifestant par le développement de ce que l'on appelle les médecins mercenaires. Si les conditions de travail dégradées incitent ces médecins à se mettre en retrait de tout établissement, ce sont surtout les tarifs qu’ils parviennent à négocier, en jouant de la concurrence entre établissements, qui choquent même les professionnels de santé du secteur, qui m'ont interpellé. Allez-vous mettre fin à cette pratique ?
Enfin, quelles garanties offrez-vous aux Cévenols pour que l’activité de la maternité, suspendue faute de médecins, soit rapidement et pleinement relancée ? Quels sont les moyens mis en place pour empêcher la disparition de la maternité, perspective que le Président de la République, interrogé par Mme la maire du Vigan lors du dernier congrès des maires, a lui-même jugée insupportable ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. En ce qui concerne la maternité de Ganges, il ne s'agit pas d'une fermeture mais d'une suspension de l'activité, le temps de reconstituer une équipe soignante suffisante. L'autorisation d'exercice en gynécologie obstétrique est maintenue et sera inscrite dans le projet régional de santé (PRS). Afin d'assurer le maintien des activités prénatales et postnatales, un centre périnatal de proximité pourra être mis en place, associant les professionnels de la clinique et les libéraux sous la coordination des centres hospitaliers universitaires (CHU) de Montpellier et de Nîmes. Les activités d'interruption volontaire de grossesse (IVG) seront maintenues.
Pour lutter contre l'intérim, l'entrée en vigueur de la loi d'avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, est bien prévue au printemps 2023. Elle permettra une diminution progressive et accompagnée de l'intérim, afin d'ancrer le changement sans perturber l'organisation des soins à court terme. En outre, le Président de la République a annoncé lors de ses vœux aux soignants sa volonté d'interdire cette pratique en début de carrière.
S'agissant des charges d'assurance, les médecins spécialistes libéraux exerçant en établissement de santé bénéficient d'une aide de l'assurance maladie à la souscription d'une assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP). Cette aide concerne les libéraux en établissement public ou privé, dès lors qu'ils ont à leur charge le paiement de leur prime en RCP. Tous les spécialistes conventionnés sont visés par ce dispositif. Son montant annuel est limité au montant réellement réglé et ne peut dépasser un plafond de 25 200 euros pour un gynécologue obstétricien ou médical.
En matière de régulation de l'installation des médecins, j'indique que la fin de la liberté d'installation n'est pas envisagée par le Gouvernement – ce qui me permet de répondre aussi à M. Molac qui m'a interrogée à ce sujet. Le ministère travaille à des solutions de long terme, en jouant sur l'incitation, la formation et l'attractivité.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Rome.
M. Sébastien Rome. Les mesures prévues sont insuffisantes, ce qui motive ma question. La situation du centre de périnatalité et les difficultés constatées dans le maintien de l'activité d'IVG n'aident pas à renouer le lien de confiance avec les territoires. La confiance a aussi été entamée par la remise de la Légion d'honneur au président de Cap Santé, alors que la maternité était fermée. Nous avons besoin de garanties tangibles montrant la recherche réelle de nouveaux médecins obstétriciens et de solutions durables.
Auteur : M. Sébastien Rome
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 janvier 2023