16ème législature

Question N° 8144
de M. Jorys Bovet (Rassemblement National - Allier )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > assurances

Titre > Évaluation satellitaire des dégâts agricoles

Question publiée au JO le : 23/05/2023 page : 4535
Réponse publiée au JO le : 15/08/2023 page : 7490

Texte de la question

M. Jorys Bovet interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les technologies utilisées par les assurances en agriculture et notamment le satellite d'AirBus Defence and Space. Lors de calamités agricoles, les assurances dédommagent les agriculteurs à hauteur des pertes observées et évaluées par des images satellitaires. Or les professionnels de terrains, les agriculteurs, s'inquiètent de l'utilisation sans conditions de ces images satellitaires. En effet, les réalités de terrains montrent que le satellite ne peut pas mesurer les nuances au plus près du terrain. Alors que les agriculteurs observent les mêmes dégâts d'une exploitation à l'autre, les images enregistrées ne sont pas les mêmes et donc les dédommagements sont différents. Il l'interroge donc sur les critères pris en compte par le satellite d'Airbus Defence and Space dans l'évaluation des dommages ainsi que sur le paramétrage du satellite permettant de produire les images et les analyses qui y sont liées ; la question porte également sur la possibilité d'associer aux évaluations satellitaires une expertise de terrain pour corréler les images prises par le satellite.

Texte de la réponse

Conformément aux engagements du Gouvernement, et comme le prévoyait la loi d'orientation du 2 mars 2022 relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, le dispositif rénové d'assurance est entré en vigueur au 1er janvier 2023. Face au coût croissant des dommages provoqués ces dernières années par des aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents, et à un système d'indemnisation des pertes de récolte devenu inadapté, la loi du 2 mars 2022 a institué de nouvelles modalités d'indemnisation des pertes de récoltes résultant d'aléas climatiques, reposant sur le partage équitable du risque entre l'État, les agriculteurs et les entreprises d'assurances. Cette loi instaure une couverture universelle contre les risques climatiques accessible à tous les agriculteurs. À cette fin, elle institue un dispositif de couverture des risques climatiques à trois étages, prévoyant une absorption des risques de faible intensité à l'échelle individuelle de l'exploitation agricole, une mutualisation entre les territoires et les filières des risques d'intensité moyenne, par le biais de l'assurance multirisque climatique (MRC) dont les primes font l'objet d'une subvention publique, et une indemnisation directe de l'État contre les risques dits catastrophiques. S'agissant plus particulièrement des modalités d'indemnisation des pertes sur prairies, l'utilisation d'un indice est la seule façon de mesurer la production annuelle des prairies de façon à la fois simple et stable dans le temps. Sans système indiciel, les entreprises d'assurance ne pourraient pas tarifer et proposer des contrats d'assurance en prairie. L'indice est également le meilleur moyen d'avoir une indemnisation rapide et correspondant le mieux à la situation individuelle de chaque éleveur. En outre, la réforme prévoit que les méthodes de calcul des pertes soient similaires entre les agriculteurs assurés et ceux non assurés. Le versement de l'indemnisation de solidarité nationale aux éleveurs non-assurés est ainsi également réalisé par un système indiciel. C'est pourquoi s'il n'est pas possible de revenir à un système d'expertise terrain basé sur des bilans fourragers, il est en revanche primordial de conforter dans la durée la confiance de tous les acteurs et en particulier des éleveurs dans l'approche indicielle et d'améliorer en continu l'indice. C'est ainsi que le décret n° 2022-1716 du 29 décembre 2022 prévoit qu'un réseau d'observation de la pousse de l'herbe selon un protocole scientifique strict sera mis en place pour vérifier la bonne cohérence entre les résultats des indices et la pousse de l'herbe observée sur le terrain. Par ailleurs, le décret n° 2023-229 publié le 30 mars 2023 prévoit, conformément à l'objectif fixé par le législateur dans la loi du 2 mars 2022, que les réclamations qui pourraient être formulées quant aux indemnisations fondées sur des indices devront faire l'objet d'un examen approfondi permettant de vérifier l'absence de toute erreur manifeste dans le fonctionnement ou la mise en œuvre opérationnelle de l'outil indiciel. Cet examen mobilisera au besoin un comité d'expert constitué par le ministère chargé de l'agriculture. L'approche indicielle a pu susciter une certaine incompréhension sur l'indemnisation des pertes des prairies. Il convient ainsi de rappeler que l'encadrement des règles d'indemnisation impose que la perte affectant les prairies soit appréciée sur l'ensemble de la période de pousse de l'herbe, soit du début du printemps à la fin de l'automne, et pas uniquement sur la période estivale où l'effet de la sécheresse se fait le plus ressentir. En outre, il est nécessaire réglementairement de calculer les indemnisations par rapport à un historique de production correspondant à la moyenne triennale ou « quinquennale olympique », référence qui a été fortement dégradée dans certains territoires du fait des sécheresses 2018, 2019 et 2020. Cette question de la « moyenne olympique », c'est-à-dire quant à la référence de production historique prise en compte pour le calcul des pertes indemnisables par l'assurance récolte, renvoie à des discussions qui dépassent le cadre de la mise en œuvre de la réforme et concernent des règles qui ont été définies au niveau européen en application des accords agricoles de l'organisation mondiale du commerce. Dans le cadre immédiat de la réforme, la loi a prévu que les exploitants auront le choix pour leur référence de production historique, entre leur moyenne olympique quinquennale ou leur moyenne triennale. Les agriculteurs pourront ainsi choisir, s'ils le souhaitent, la plus favorable des deux. Par ailleurs, l'encadrement réglementaire de l'assurance récolte offre la possibilité aux entreprises d'assurance de proposer des garanties non subventionnables permettant aux agriculteurs qui le souhaitent de souscrire des contrats pour des rendements assurés plus élevés que ceux qui résulteraient de l'application stricte de la « moyenne olympique ». Dans une perspective de plus long terme, le Gouvernement porte ces préoccupations sur la référence historique auprès des enceintes européennes, afin de faire évoluer sa définition pour l'adapter au contexte d'accélération du changement climatique. Le Gouvernement doit rendre dans les prochaines semaines un rapport au Parlement à ce sujet, tel que prévu par la loi du 2 mars 2022 pour rendre compte des initiatives qu'il a menées à ce sujet. Toutefois, dans certaines situations, l'augmentation de la fréquence des aléas climatiques peut conduire à ce que la référence à un potentiel de rendement « historique » perde sa réalité agronomique du fait du changement climatique et entraîne une dégradation de la référence de production historique quelle qu'en soit sa définition. C'est pourquoi conformément aux conclusions des travaux du Varenne, conjointement à l'amélioration des dispositifs de protection et de gestion des aléas climatiques engagée au travers de la réforme de l'assurance récolte, le Gouvernement met également en place des mesures pour accompagner l'adaptation des systèmes de productions pour les rendre plus résilients et pour développer des solutions de gestion des besoins et de l'accès aux ressources en eau mobilisables pour l'agriculture.