16ème législature

Question N° 8208
de M. Thibaut François (Rassemblement National - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > finances publiques

Titre > Accroissement des fraudes

Question publiée au JO le : 23/05/2023 page : 4549
Réponse publiée au JO le : 21/11/2023 page : 10495

Texte de la question

M. Thibaut François attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les chiffres croissants de la fraude fiscale en France. En effet, le 9 mai 2023, Europe 1 dévoilait le montant de la fraude fiscale en France et son impact sur les finances publiques. Chaque année, le manque à gagner serait compris entre 20 et 25 milliards d'euros, selon les estimations de l'Insee. Sur cette somme, seulement 2,2 milliards d'euros ont été recouvrés par l'administration fiscale en 2022, un montant en hausse mais qui reste inférieur aux montants non payés. Dans le même temps, la fraude sociale continue de battre son plein. En effet, en 2020, la Cour des comptes relevait 75,3 millions d'assurés sociaux pris en charge pour 67 millions d'habitants. Toujours en 2020, les escroqueries aux prestations sociales étaient évaluées à 14 milliards d'euros. Enfin, plus tôt, en 2017, des Français combattant dans les rangs de l'État islamique auraient perçus des fonds de Pôle emploi ainsi que de la CAF dont le montant serait évalué à 500 000 euros entre 2012 et 2017. Alors que la France est le pays d'Europe où l'imposition est la plus forte et que la performance des services publics ne cesse de se dégrader, il lui demande si des mesures concrètes seront prises pour régulariser les fraudes qui ne cessent de s'accroître et ainsi permettre aux finances publiques d'être soulagées.

Texte de la réponse

Concernant le montant de la fraude fiscale en France, les travaux d'estimation menés par l'INSEE concernent la TVA et s‘appuient sur les données des redressements effectivement constatés des contrôles fiscaux. Les estimations du montant total de TVA non recouvré seraient en effet comprises entre 20 Md€ et 25 Md€. Néanmoins, ces travaux ont illustré certains obstacles méthodologiques à lever pour améliorer ces estimations. En tout état de cause, le montant des rappels réalisés ne permet pas de réaliser une simple extrapolation qui déterminerait le montant de la fraude non rectifiée. En effet, le processus de sélection des contrôles vise précisément à cibler des dossiers sur lesquels il existe des présomptions de fraude suffisamment objectives, résultant d'une part de croisements et d'analyses de données en masse et d'autre part de l'exploitation du renseignement interne et externe par des agents spécialisés de l'administration fiscale. Au final, l'estimation comporte des biais de sélection et reste encore fragile. Par ailleurs, le montant de la fraude à la TVA peut également être estimé selon l'indicateur d'écart de TVA de la Commission européenne, qui désigne la différence entre les recettes prévisionnelles et les recettes effectivement constatées. Cette « évaporation » de la TVA n'est qu'en partie liée à la fraude fiscale puisqu'elle désigne également les difficultés de gestion fiscale, la mauvaise application du taux de TVA, les éventuelles erreurs des assujettis dans leurs déclarations, ou les difficultés économiques rencontrées par les entreprises. En 2019, l'écart de TVA en France est inférieur à la moyenne des pays de l'Union européenne (UE) avec 7,4 % soit 13,8 Md€ cont 3 % en moyenne UE (à titre de comparaison : 8,8 % en Allemagne, 21,3 % en Italie). Concernant les résultats du contrôle fiscal, le montant des droits et pénalités mis en recouvrement en 2022 s'élève à 14,6 Md€ (dont 2,1 Md€ de TVA) et marque une hausse de 8,7 % par rapport à 2021. En outre, les crédits d'impôt et les taxes non remboursés, dont majoritairement en TVA, sont en progression de 36 % et atteignent 3,0 Md€. Les encaissements liés au contrôle fiscal atteignent 10,6 Md€ (dont 0,9 Md€ de TVA) soit un niveau équivalent à l'année 2021. En ce qui concerne les estimations de la fraude sociale, son coût total est évalué à 8 Md€ de prélèvements sociaux éludés au titre du travail informel (évaluation du Haut conseil au financement de la protection sociale de février 2023), 2,8 Md€ de prestations sociales versées par les caisses des allocations familiales (CAF, évaluation de la branche Famille en 2021), 200 M€ par les caisses de retraite du régime général (évaluation de la branche Vieillesse en 2022) et entre 3 et 7 % de certaines dépenses d'assurance maladie selon les premières évaluations menées par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). En matière sociale, sur la période 2018-2022, un total de 3,5 Md€ a été redressé par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) et un préjudice total de 3,4 Md€ a été détecté et évité par les caisses d'assurance maladie, d'allocations familiales et de retraite. En 2022, les redressements Urssaf ont été 50 % supérieurs à leur niveau de 2017 et les préjudices détectés et évités par les autres caisses de sécurité sociale supérieurs de 25 % à leur niveau de 2017. Dans le but de mobiliser davantage encore les administrations fiscales et douanières et les organismes de protection sociale, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics a rendu publique au mois de mai 2023, la feuille de route gouvernementale de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Ce plan d'actions mobilise l'ensemble des administrations et organismes sociaux qui luttent contre la fraude : direction générale des finances publiques (DGFiP), direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), organismes de sécurité sociale. Il vise à s'adapter plus efficacement aux enjeux du numérique, à renforcer les dispositifs de sanctions, à mieux lutter contre les fraudes à l'international et à renforcer la coopération entre les différents acteurs impliqués. Parmi les mesures retenues, la création d'une sanction administrative en cas de fraude aux aides publiques, la pénalisation de l'incitation à la fraude fiscale, l'accent mis sur la régularisation en matière fiscale, la création de nouveaux outils pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale internationales ou encore le renforcement des échanges d'information entre administrations, sont autant d'outils qui seront mis à la disposition de services aux moyens renforcés (+ 1 500 ETP d'ici la fin de la mandature).