16ème législature

Question N° 8295
de Mme Caroline Janvier (Renaissance - Loiret )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > santé

Titre > Modernisation du domaine de la psychiatrie

Question publiée au JO le : 23/05/2023 page : 4588
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11274
Date de changement d'attribution: 21/07/2023

Texte de la question

Mme Caroline Janvier interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la modernisation de la psychiatrie. La psychiatrie constitue un enjeu de santé publique des plus prégnants au sein de la société. Les séquelles laissées par la crise sanitaire témoignent d'une croissance inquiétante du nombre de personnes touchées par des troubles psychiatriques (1 sur 5 à l'échelle mondiale). S'agissant de la France, les troubles anxieux et dépressifs sont en hausse de 30 % et les suicides de 10 %. Toutefois, le budget alloué à la psychiatrie a, en 10 ans, baissé de 12,7 %. Il n'est pas possible, au vu de ces chiffres, de rester impuissant face à une telle situation. Au demeurant, les maladies mentales représentent la première cause de handicap en France. Les effectifs de praticiens hospitaliers démontrent également une prise en compte insuffisante de ce phénomène. De fait, sur 3 500 postes, 1 600 sont vacants. Ainsi, à l'instar des États-Unis d'Amérique ou encore du Royaume-Uni, il convient de financer la recherche et l'innovation du secteur. Certaines propositions pourraient être abordées avec intérêt, comme la création d'une Agence de la santé mentale, convenablement financée, dans le dessein de pallier les carences actuelles. En outre, il pourrait être priorisé des mesures fortes, comme la systématisation de la prévention chez les jeunes, mais également la réhabilitation des métiers du soin psychiatrique et la formation des soignants. Elle souhaite l'interroger sur l'opportunité de prises de mesures relatives à la modernisation du domaine de la psychiatrie.

Texte de la réponse

L'objectif de dépenses de l'Assurance maladie correspondant aux activités de psychiatrie était de 9,2 milliards d'euros en 2020 (arrêté du 27 février 2020) et de 12,14 milliards d'euros en 2023 (arrêté du 28 mars 2023), soit une augmentation de près de 32 % en 3 ans. Un appel à projet relatif au Fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) a été créé en 2019. Ce fonds a vocation à contribuer au financement ou à amorcer le financement de projets innovants, tant dans l'organisation promue que dans les prises en charge proposées. L'objectif est de répondre aux besoins de transformation de l'offre de prise en charge en psychiatrie. Ces projets sont financés sur 3 ans (avec une quatrième année supplémentaire pour les projets sélectionnés en 2019 et en 2020). Au total, ce sont 40 M€ de projets sélectionnés en 2019, 80 M€ en 2020, 30 M€ en 2021, 30 M€ en 2022, 36 M€ en 2023, représentant un financement total de 216 M€. Le ministère de la santé et de la prévention est bien conscient des difficultés qui persistent dans le secteur de la psychiatrie. La promotion de la santé mentale fait par ailleurs partie de ses priorités. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une Feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour des 3 piliers de la prévention, du parcours de soins et de l'insertion sociale, déclinés sur 37 actions concrètes. Elle a été enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, et en 2021 par les 30 mesures annoncées aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Elle est par ailleurs actualisée tous les ans. Concernant la prévention, les actions visent à promouvoir le bien-être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique et prévenir le suicide. Les principales mesures sont : - la création du dispositif « MonSoutien Psy », qui permet un accès, dès l'âge de 3 ans, à une prestation d'accompagnement psychologique pour des troubles d'intensité légère à modérée, avec huit séances par an, réalisées par un psychologue en ville, prises en charge par la Sécurité sociale. Ce dispositif permet d'améliorer l'accès aux soins en santé mentale tout en permettant aux psychologues de ville de s'inscrire dans le parcours de soins des patients en souffrance psychique d'intensité légère à modérée. Il répond à un réel besoin de la population. Plus de 2 500 psychologues ont rejoint le dispositif et sont conventionnés. Depuis le lancement du dispositif en avril 2022, plus de 190 000 personnes ont pu bénéficier d'une prise en charge psychologique remboursée. Pour cela, les patients doivent disposer d'un courrier d'adressage attestant l'orientation vers le psychologue par un médecin. L'adressage se fait entre professionnels médicaux, entre professionnels paramédicaux et entre professionnels médicaux et paramédicaux afin d'améliorer le parcours du patient, dont la santé et le mieux-être sont les principales préoccupations. Il ne s'agit pas d'une prescription. Il est par ailleurs envisagé, dans le cadre des débats autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, de faciliter l'adressage vers ce dispositif par les professionnels de la médecine scolaire. Il convient également de noter qu'au vu des enjeux en termes de qualité des soins et d'articulation entre les différents dispositifs spécialisés déjà en place, des travaux sont encore nécessaires sur le parcours de prise en charge pour des patients présentant des critères de gravité plus importants. Des réflexions ont par ailleurs cours entre le ministère de la santé et de la prévention et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche concernant l'évolution de la formation des psychologues ; - le déploiement d'une stratégie nationale de prévention du suicide ayant pour objectif la mise en œuvre de façon coordonnée, synergique et territorialisée d'un ensemble d'actions intégrées : maintien du contact avec la personne qui a fait une tentative de suicide (programme VigilanS), formations au repérage, à l'évaluation du risque suicidaire et à l'intervention de crise auprès des personnes en crise suicidaire, actions ciblées pour lutter contre la contagion suicidaire, information du public… A ce titre, un numéro national gratuit de prévention du suicide, le 3114, est accessible 24H/24 et 7J/7 sur l'ensemble du territoire français pour apporter une réponse téléphonique à toute demande en rapport avec les idées et conduites suicidaires, qu'elle émane de la personne suicidaire, de son entourage, de professionnels ou de personnes endeuillées par un suicide ; - le renforcement du réseau des Maisons des adolescents (MDA), avec l'engagement de créer une MDA dans chaque département. Dans le même temps, une expérimentation « Maison de l'enfant et de la famille » a été mise en place dans trois départements volontaires et a débuté le 10 juin 2023. Elle permettra d'améliorer la coordination de la santé des enfants âgés de 3 à 11 ans. Cette structure participera notamment à l'amélioration de l'accès aux soins, à l'organisation du parcours de soins, au développement des actions de prévention, de promotion de la santé et de soutien à la parentalité, ainsi qu'à l'accompagnement et à la formation des professionnels en contact avec les enfants et leurs familles ; - l'organisation d'une communication grand public régulière sur la santé mentale, incluant la création d'un site Internet dédié. Cette action, confiée à Santé publique France (SpF), vise à informer le grand public sur la santé mentale et à lutter contre la stigmatisation. De mars à juin 2022, SpF a repris et renforcé la campagne de 2021 à destination des jeunes : #JenParleA. Un dispositif de communication pérenne sur la santé mentale sur les cinq prochaines années est également en cours de déploiement ; - l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, dont les trois fonctions publiques, et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants. Cette formation permet de lutter contre la stigmatisation des troubles de santé mentale, renforce l'entraide dans une logique d'intervention par les pairs et facilite le repérage des troubles psychiques ou des signes précurseurs de crise. Fin octobre 2023, plus de 75 000 secouristes avaient déjà été formés, soit plus que la cible de 60 000 qui avait été fixée pour fin 2023 ; - la définition d'une stratégie multisectorielle de déploiement des compétences psychosociales, adoptée par sept ministères. Les compétences psycho-sociales (CPS) contribuent à développer l'empathie, la relation d'aide, la gestion des émotions et la communication non-violente favorisant le bien-être mental, physique et social. Cette stratégie multisectorielle fixe un objectif générationnel : que les enfants nés en 2037 soient la première génération à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des CPS. Elle définit pour les 15 prochaines années un cadre commun à tous les secteurs, incluant les étapes et les moyens à mobiliser, et prévoit une déclinaison opérationnelle au travers de feuilles de route pour chaque secteur, par période de 5 ans. Sur le volet des ressources humaines, le ministre de la santé et de la prévention est bien conscient des difficultés rencontrées par les professionnels sur le terrain. En 2021, l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDP S) comptabilisait 15 500 psychiatres, 59 000 infirmiers exerçant en psychiatrie et estimait la fin de la décrue pour l'année 2023. Par ailleurs, le pourcentage des postes non choisis par les étudiants en psychiatrie est passé de 17,5 % en 2019 (531 postes ouverts aux épreuves classantes nationales (ECN) pour 438 postes pourvus) à 6 % en 2022 (539 postes ouverts aux ECN pour 505 postes pourvus), en lien avec la réforme de la maquette de formation. Quant à l'option pédopsychiatrie du DES de psychiatrie, pour l'année 2019-2020, 103 étudiants étaient inscrits pour 144 postes ouverts. Pour l'année 2022-2023, ce sont 157 postes ouverts et 127 étudiants inscrits. En 2023, deux postes de professeurs des universités – praticiens hospitaliers (PH) ont été créés (dont un dans le cadre des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie) et sept postes de maîtres de conférences des universités - PH (dont deux dans le cadre des Assises). Quant au développement de la recherche et de l'innovation au sein du secteur, ces dernières font partie intégrante du nouveau modèle de financement de la psychiatrie : - à travers le compartiment Transformation qui permet de financer des mesures ciblées visant à transformer spécifiquement l'offre de soins en psychiatrie pour un besoin ou une population précise ; - à travers le compartiment Structuration de la recherche qui a vocation à financer des dispositifs d'animation territoriale de la recherche par les acteurs de la psychiatrie en lien avec les dispositifs et structures déjà existants. Dans les prochains mois, le Conseil national de la refondation santé mentale, annoncé par le président de la République, sera plus largement le moment, dans un cadre pluripartite, d'identifier les initiatives territoriales qui ont des résultats positifs et de travailler sur l'innovation en santé mentale.