Lutte contre les déserts médicaux
Question de :
M. Paul Molac
Morbihan (4e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Paul Molac appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation de désertification médicale que connaissent actuellement les territoires, de même que l'inégalité de l'accès aux soins qu'elle implique pour les Français. Beaucoup de praticiens de santé arrivent désormais à l'âge de la retraite, tandis que les nouvelles générations ne sont pas assez nombreuses pour compenser ces départs. Si le nombre de médecins formés ne fait qu'augmenter depuis le milieu des années 1990, l'effort n'est pas suffisant et ne permet pas de contrer le vieillissement de la population ainsi que les nombreux départs à la retraite. L'accès aux soins pour tous devient un enjeu crucial pour les Français, qui ne trouvent plus de médecins traitants et doivent attendre des mois pour obtenir un rendez-vous chez le dentiste ou chez un spécialiste. Par ailleurs, les inégalités entre les territoires sont flagrantes à ce sujet. En 2022, on compte trois fois plus de médecins généralistes par habitant dans le département le mieux doté que dans le département le moins bien doté en France métropolitaine. Cet écart de densité monte à 18,5 pour les ophtalmologues, 23,5 pour les dermatologues, et va même jusqu'à 33 pour les pédiatres. À cet égard, force est de constater que les territoires ruraux sont davantage affectés, donnant l'impression d'une réelle fracture sanitaire. Le Gouvernement a récemment décidé de remplacer le numerus clausus (limitant le nombre d'étudiants admis chaque année en médecine), par un numerus apertus qui l'augmente de 20 % pour la période 2021-2025. Si le bien-fondé de cette mesure n'est pas remis en cause, ses premiers effets ne seront perceptibles que dans plusieurs années, le temps de formation en médecine oscillant entre 9 et 12 ans. Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour soulager les Français de la situation de désertification médicale qui les affecte tous les jours un peu plus. L'augmentation du numerus apertus permettrait d'accroître le nombre d'étudiants en médecine et donc à terme le nombre de praticiens. Le fléchage de l'installation des médecins libéraux et des chirurgiens-dentistes vers les zones où l'offre de soins est insuffisante assurerait une répartition plus égale entre les territoires, notamment en milieu rural. Une modification en profondeur du cursus universitaire des étudiants en médecine apparaît également comme prioritaire. Au regard de l'importance du sujet de la désertification médicale pour les Français, par lesquels M. le député est sollicité à ce sujet de manière très régulière, il est nécessaire de relancer le dialogue et la recherche d'un consensus dans la lutte contre la désertification médicale. C'est pourquoi il demande quelles sont les solutions qui pourraient être considérées par le Gouvernement afin de remédier à cette situation et quelle pourrait être sa position au regard d'une proposition de loi transpartisane à ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 11 janvier 2023
DÉSERTS MÉDICAUX
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour exposer sa question, n° 82, relative aux déserts médicaux.
M. Paul Molac. Bloavezh mat deac'h hall, bonne année à tous !
Madame la ministre déléguée, je souhaite vous interroger sur la désertification médicale que connaissent actuellement nos territoires et sur l’inégal accès aux soins qu’elle implique pour nos concitoyens. Un grand nombre de praticiens arrivent désormais à l'âge de la retraite, mais les médecins de la nouvelle génération ne sont pas assez nombreux pour compenser leurs départs. En outre, les jeunes médecins ne travaillent pas de la même manière que leurs aînés. Enfin, si leur nombre n'a fait qu'augmenter depuis le milieu des années 1990, l'effort n'est pas suffisant.
L'accès aux soins pour tous est devenu un enjeu crucial pour nos concitoyens, qui ne trouvent plus de médecin traitant et doivent attendre des mois avant d'obtenir un rendez-vous chez le dentiste ou chez un spécialiste. Il s'agit d'un véritable problème de santé publique, d'autant que les inégalités entre les territoires sont flagrantes.
En 2022, en France métropolitaine, il y avait trois fois plus de médecins généralistes par habitant dans le département le mieux doté que dans le département le moins bien doté. Cet écart atteint 18,5 pour les ophtalmologues, 23,5 pour les dermatologues et même 33 pour les pédiatres. Force est de constater que les territoires ruraux sont davantage concernés par la désertification médicale, ce qui renforce l'impression d'une réelle fracture sanitaire dans notre pays.
Le Gouvernement a récemment décidé de remplacer le numerus clausus par un numerus apertus et d'augmenter de 20 % le nombre d'étudiants admis chaque année en médecine pour la période 2021-2025. Si le bien-fondé de cette mesure n'est pas à mettre en cause, ses premiers effets ne seront perceptibles que dans plusieurs années, le temps de formation des médecins oscillant entre neuf et douze ans.
Plusieurs pistes pourraient être envisagées pour soulager nos concitoyens de la désertification médicale qui les affecte chaque jour un peu plus. Je pense notamment à l'augmentation du numerus apertus et au fléchage de l'installation des médecins libéraux et des chirurgiens dentistes vers les zones dans lesquelles l'offre de soins est insuffisante. Une modification en profondeur du cursus universitaire apparaît également prioritaire.
Étant donné l'importance du problème de la désertification médicale pour nos concitoyens, qui nous sollicitent régulièrement à ce sujet, j'aimerais savoir quelles solutions envisage le Gouvernement. Soutiendra-t-il la proposition de loi transpartisane visant à lutter contre les déserts médicaux déposée à l'initiative de Guillaume Garot ? Enfin, quelle appréciation portez-vous, madame la ministre déléguée, sur la sectorisation des médecins ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Garantir l'accès aux soins est une priorité du ministère de la santé : elle a été réaffirmée par le Président de la République dans ses vœux aux soignants, au cours desquels il a présenté des ambitions fortes en ce sens. La lutte contre la désertification médicale fait l'objet de nombreux axes de réforme, qui doivent permettre d'enclencher des changements structurels et d'installer un panel d'outils variés, adaptables à chaque contexte et rapidement mobilisables. Rappelons-le : 87 % du territoire français sont un désert médical, et 6 millions de nos concitoyens, dont 657 000 souffrant d'une affection de longue durée (ALD), n'ont pas de médecin traitant.
Comme vous l'avez dit, les bénéfices de la fin du numerus clausus se feront sentir d'ici une dizaine d'années, et nous allons encore affronter sept ou huit années difficiles. Nous devons donc mobiliser l'ensemble des leviers existants pour dégager du temps médical et augmenter l'attractivité des territoires.
Nous mettons aussi l'accent sur l'exercice coordonné, qui constitue un levier majeur pour attirer les professionnels et les fixer, y compris dans les zones fragiles. Le partage des tâches est un autre levier prioritaire, actionné notamment grâce au déploiement d'assistants médicaux : l'objectif est de faire passer leur nombre de 4 000 à 10 000 d'ici la fin de l'année. Un assistant médical permet de gagner 15 % de temps médical ; il est donc important que chacun aille voir les médecins de sa circonscription pour les encourager à en recruter.
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 comporte de nombreuses mesures pour un meilleur accès aux soins : la quatrième année de médecine générale orientée vers l'exercice en zone sous-dense, ainsi que des expérimentations telles que la prise en charge directe par des infirmiers en pratique avancée (IPA) ou encore la consultation avancée obligatoire réalisée par les médecins en zone sous-dotée.
La solution unique n'existe pas : elle doit être coconstruite dans chaque territoire. Les déclinaisons territoriales du Conseil national de la refondation (CNR) permettront ainsi de bâtir des feuilles de route ayant fait l'objet de concertations, afin de trouver les solutions les plus adaptées aux besoins de santé locaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. J'ai bien entendu que plusieurs mesures sont déjà en place, mais certaines n'ont pas porté leurs fruits. C'est le cas notamment des aides financières, que nous avons largement distribuées à un moment donné et qui ne sont pas très efficaces. Les élus locaux eux-mêmes développent des maisons de santé, mais il arrive quelquefois, malheureusement, qu'ils ne trouvent pas de praticiens pour y exercer.
Vous ne m'avez pas répondu en ce qui concerne la sectorisation, probablement parce qu'il s'agit d'un sujet polémique, mais je précise que les pharmaciens ou les infirmières sont sectorisés : les médecins sont finalement les seuls à ne pas l'être. Je vais donner un exemple peut-être un peu caricatural, mais si vous voulez consulter un spécialiste à Nice ou à Biarritz, vous pourrez le faire dans la semaine ; dans ma circonscription, il faut attendre au moins six mois – et encore, les médecins nous disent qu'ils n'ont plus de place et qu'il ne leur est même plus possible de prendre de nouveaux patients.
Auteur : M. Paul Molac
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 janvier 2023