Régulation des grands cormorans
Question de : Mme Annie Genevard (Bourgogne-Franche-Comté - Les Républicains)
Mme Annie Genevard attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires au sujet de la régulation des grands cormorans dans le département du Doubs. L'impact de de cette espèce piscivore sur la biodiversité du territoire n'est plus à prouver. L'État a d'ailleurs permis leur régulation dans plusieurs départements. En revanche, l'arrêté ministériel du 19 septembre 2022 fixant les plafonds départementaux dans les limites desquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans (phalacrocorax carbo sinensis) pour la période 2022-2025 interdit les tirs de régulation de cette espèce dans le département du Doubs. L'article L. 434-4 du code de l'environnement dispose que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique ont le caractère d'établissement d'utilité publique. Elles sont chargées, entre autres, de protéger et surveiller le domaine piscicole départemental. Leurs actions sont considérées comme des missions d'intérêt général. Or l'arrêté ministériel susdit va à l'encontre de leurs devoirs tels que confiés par les lois de la République. La Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) a tenté de suspendre cet arrêté auprès des institutions juridiques compétentes, en vain. Les tribunaux n'ont pas entériné le caractère urgent du référé et l'arrêté a été publié au Journal officiel. De plus, alors que les fédérations départementales ont l'obligation de fournir une preuve de l'impact des prélèvements, les propriétaires de piscicultures privées en sont exonérés. Ainsi, elle l'interroge pour savoir s'il entend modifier cet arrêté au regard de l'impact des grands cormorans sur la biodiversité.
Réponse publiée le 28 novembre 2023
Le grand cormoran est une espèce autochtone protégée au niveau national, qui bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive oiseau). Son régime alimentaire est piscivore. La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre un niveau relativement stable depuis 2013 et oscillant autour de 100 000 individus présents. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation dans des conditions fixées par l'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010. Un arrêté pris tous les trois ans fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il est lui-même décliné en arrêtés départementaux annuels ou triennaux définissant les personnes habilitées, les périodes et les zones de tir autorisées. L'élaboration de l'arrêté triennal 2022/2025 est intervenue dans le contexte particulier d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. Plus d'une quinzaine d'arrêtés ont été annulés et plusieurs contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne démontrent pas la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées ou la mise en œuvre de solutions alternatives. Dès lors, les conditions de dérogation ne sont pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettaient pas de démontrer l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 permet donc que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la régulation. Les craintes des pêcheurs et de leurs fédérations de ne plus bénéficier de dérogations, notamment lorsque certaines rivières présentent des enjeux particuliers en raison de la présence de certaines espèces piscicoles patrimoniales et sensibles, ont été signalées. Aussi, si des études étaient produites localement et démontraient l'impact de l'espèce sur l'état de conservation des espèces de poissons protégées ou menacées, l'arrêté 2022/2025 pourrait être complété au cours de la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. La justification de cet impact local permettrait en effet de remplir les conditions nécessaires à l'octroi des dérogations. Un protocole-cadre national a été discuté avec la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) et quatre départements pilotes ont été retenus pour le mettre en œuvre. Les premiers résultats de ces études sont attendus au cours des prochains mois. Enfin, au regard des menaces qui pèsent sur les milieux aquatiques, une vigilance est nécessaire pour que soit mis en œuvre l'ensemble des moyens permettant de restaurer et maintenir leur équilibre. En effet, au-delà de la prédation exercée par le grand cormoran sur les espèces piscicoles, d'autres enjeux importants, tels que la continuité écologique, la lutte contre les pollutions et les espèces exotiques envahissantes, doivent faire l'objet d'une attention particulière.
Auteur : Mme Annie Genevard (Bourgogne-Franche-Comté - Les Républicains)
Type de question : Question écrite
Rubrique : Biodiversité
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Biodiversité
Dates :
Question publiée le 30 mai 2023
Réponse publiée le 28 novembre 2023