Question de : M. Christophe Barthès
Aude (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Christophe Barthès attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'importance des « petits barrages » de moulins à eau, qui sont une véritable richesse pour le pays. D'après les données de l'Office français de la biodiversité (OFB), plus de 12 000 ouvrages ont été totalement ou partiellement détruits, dont 10 000 chaussées de moulins. Or ces retenues ont un rôle clé pour la préservation des ressources en eau en préservant des centaines de millions de mètres cube d'eau douce lors des sécheresses estivales, en amortissant les phénomènes de crue et en permettant le stockage des eaux de pluie dans les nappes alluviales et profondes des vallées. Leur destruction a de graves conséquences sur les ressources en eau et les milieux qu'elles abritent. En plus de ces nombreuses destructions, l'Union européenne s'apprête à soumettre au vote un règlement intitulé « restaurer la nature » qui prévoit en son article 7 de détruire les retenues d'eau européennes sur 25 000 kilomètres. Il faut en finir avec cette politique de destruction, particulièrement en cette période de forte sécheresse, et il faut dénoncer cette idéologie faussement écologiste qui consiste à affirmer que les « petits barrages » sont responsables de la régression de la biodiversité. Au contraire, la disparition de ces petits barrages conduit à abaisser le fil de l'eau et le niveau de la nappe alluviale, ayant de graves conséquences sur la préservation des espèces. M. le ministre, les petits barrages anciens ne dénaturent pas les rivières, mais offrent une remarquable continuité historique et écologique. M. le ministre compte-t-il réparer et reconstruire les 10 000 chaussées de moulin totalement ou partiellement détruites ces douze dernières années ? Il lui demande s'il va réorienter les aides en faveur de l'entretien, la gestion et l'équipement des chaussées de moulin, et non plus en faveur de leur destruction, conformément à l'article L. 214-17 du code de l'environnement.

Réponse publiée le 17 octobre 2023

La biodiversité aquatique est particulièrement fragilisée en France : 39 % des espèces de poissons sont menacées, et 19 % présentent un risque de disparition. La fragmentation des cours d'eau fait partie des pressions responsables du déclin de cette biodiversité. Dans ce contexte, le Gouvernement réaffirme l'importance de la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. La Stratégie Biodiversité 2030 de la Commission européenne en fait également un enjeu majeur, qui apparaît aussi dans sa proposition de règlement pour la restauration de la nature. La politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives. À ce jour, la politique de priorisation mise en œuvre par le Gouvernement a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important de procéder à de la restauration écologique. Ils représentent 11 % des cours d'eau. Sur ceux-là, la politique est de procéder prioritairement à des interventions sur environ 5 000 ouvrages sur les 25 000 obstacles à l'écoulement qu'ils comptent. La solution technique retenue consiste majoritairement à aménager l'ouvrage (mise en place d'une passe à poisson, d'une rivière de contournement, abaissement du seuil…), plutôt qu'à le supprimer. Depuis 2012, environ 1 400 effacements d'ouvrages ont été financés par les agences de l'eau sur ces 11% de cours d'eau, soit seulement 1 % de l'ensemble des ouvrages obstacles à l'écoulement des cours d'eau français. L'indication « partiellement détruit » ou « entièrement détruit » dans le référentiel des obstacles à l'écoulement de l'Office français de la biodiversité (OFB) ne signifie en effet en aucun cas que l'ouvrage en question a été volontairement effacé par l'homme. Dans la très grande majorité des cas, ces ouvrages ont été détruits naturellement au cours du temps car anciens et non entretenus par leurs propriétaires. De nombreuses études et publications scientifiques démontrent l'intérêt d'effacer des petits ouvrages en cours d'eau, tant pour la survie et la reproduction des poissons migrateurs que pour l'amélioration générale des fonctionnalités des rivières, de leur biodiversité et de la qualité des eaux. Le conseil scientifique de l'OFB a produit une note exposant des éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau (2018). Les barrages sur les cours des rivières tendent à réduire l'infiltration de l'eau dans les sols, et ne sont donc pas synonymes d'une plus grande disponibilité de la ressource en eau. Au contraire, ces pratiques favorisent l'évaporation, le réchauffement de l'eau, et sa désoxygénation, qui favorisent les phénomènes d'eutrophisation. C'est pourquoi la restauration de la continuité des cours d'eau concourt à la construction d'un territoire résilient à la sécheresse et aux canicules, ainsi qu'à la qualité de l'eau, y compris à objectif de potabilisation, pour les eaux superficielles mais également souterraines. En outre, les petits seuils ne protègent généralement pas contre les inondations car les retenues qu'ils forment n'ont pas la capacité de stocker une partie du volume de la crue, et ne peuvent donc pas réduire ses effets. Au contraire, les seuils peuvent aggraver les petites inondations à leur amont car ils rehaussent la ligne d'eau et facilitent ainsi les débordements. Ils peuvent aussi causer des sur-inondations en aval en cas de rupture. Ainsi, de nombreux effacements ou arasements de seuils ont pour objectif principal de réduire le risque inondation pour les riverains, avec des résultats très satisfaisants. L'article 49 de la loi dite « Climat et résilience » d'août 2021 précise effectivement que, s'agissant des moulins à eau, l'effacement des seuils ne peut désormais plus constituer une solution dans le cadre de l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments. En conséquence, depuis la publication de la loi, les services préfectoraux ne sont plus en mesure de prescrire l'effacement d'un ouvrage situé sur un cours d'eau prioritaire comme solution de rétablissement de la continuité écologique. Des effacements sur ces cours d'eau restent cependant possibles pour d'autres motifs, notamment sanitaires ou de sécurité hydraulique.

Données clés

Auteur : M. Christophe Barthès

Type de question : Question écrite

Rubrique : Cours d'eau, étangs et lacs

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Biodiversité

Dates :
Question publiée le 30 mai 2023
Réponse publiée le 17 octobre 2023

partager