16ème législature

Question N° 8516
de M. Philippe Brun (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Eure )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > sécurité routière

Titre > Situation des personnes atteintes d'une pathologie neuro-évolutive et permis B

Question publiée au JO le : 30/05/2023 page : 4806
Réponse publiée au JO le : 21/11/2023 page : 10518

Texte de la question

M. Philippe Brun appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation des personnes atteintes d'une pathologie neuro-évolutive et leur droit à la conduite. L'arrêté du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée suscite de nombreuses interrogations et des soucis d'interprétations. En effet, cet arrêté semble mettre en place un régime d'incompatibilité dès le début du stade 3 de l'échelle de Reisberg pour les troubles cognitifs et les pathologies neuroévolutives type maladie d'Alzheimer et maladies apparentées, mais une réponse du 26 avril 2023 de Mme Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière à un courrier de l'association France Parkinson semble revenir sur cette incompatibilité définitive en indiquant que « c'est face à des symptômes susceptibles d'être incompatibles avec la conduite que le médecin se prononce et non devant une pathologie ». L'avis d'incompatibilité à la conduite par un médecin agréé ne serait donc requis qu'à la demande du malade où dans le cas d'une évolution des symptômes par le médecin responsable du suivi médical. Dans ce contexte, il lui demande une confirmation des propos de la déléguée interministérielle quant au non-déclenchement automatique de l'interdiction de conduite pour les personnes se situant au stade 3 de l'échelle de Reisberg et les personnes touchées par la maladie de Parkinson.

Texte de la réponse

Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer est en charge d'assurer la sécurité de tous les usagers de voie publique : aucun de ces usagers, conducteur ou piéton, ne doit être sciemment exposé au danger de la conduite d'autrui lorsque ce risque est connu et évitable. Ce principe est intangible. Le permis de conduire n'est pas un droit universel mais une autorisation administrative qui repose sur des conditions d'aptitude, notamment médicales. L'arrêté du 28 mars 2022 « fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée » a été publié au Journal officiel le 3 avril 2022. Ce texte est une refonte de l'arrêté de 2005 avec une meilleure prise en compte des objectifs de l'annexe III de la directive européenne 2006/126/CE. De plus, ce texte innove de manière importante en prenant en compte les avancées scientifiques et technologiques, ce qui a permis d'ouvrir l'accès à la conduite, y compris de véhicules ou de situations de conduite du groupe 2, à des personnes qui présentent certains handicaps lourds, qui ne pouvaient pas conduire ces véhicules. À l'inverse, cet arrêté apporte certaines précisions qui concernent des troubles neurologiques non compatibles avec la conduite. Pour ces troubles neurologiques, l'avis médical sur la compatibilité ou l'incompatibilité avec la conduite automobile s'appuie, comme pour toutes les autres pathologies, sur une analyse des symptômes. À titre de comparaison, l'aptitude ou l'inaptitude à la conduite liée à l'acuité visuelle ne fait pas mention de la pathologie sous-jacente qui génère la baisse de l'acuité visuelle, mais repose sur l'appréciation de la fonction visuelle. Il en est de même pour les troubles cognitifs. Dans certaines pathologies, les troubles cognitifs constituent le symptôme unique ou prédominant, alors que pour d'autres les troubles cognitifs sont tardifs, au sein de nombreux autres symptômes. La connaissance de la pathologie sous-jacente peut être un complément utile pour l'appréciation de l'aptitude à la conduite. La conduite est une activité complexe qui nécessite une vigilance permanente ainsi qu'une capacité à anticiper les situations et prendre des décisions sous très forte contrainte de temps. Les fonctions cognitives sont essentielles à la conduite. L'arrêté du 28 mars 2022 précise que «  les affections qui peuvent exposer un conducteur à une défaillance neurologique […] qui provoque une altération des fonctions cognitives, constituent un danger pour la sécurité routière  ». Les maladies neuroévolutives du type de la maladie d'Alzheimer ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec la conduite. Un malade sans symptôme clinique n'est donc pas concerné par l'arrêté. Seuls les troubles cliniques neurologiques entraînent l'incompatibilité avec la conduite. L'arrêté est clair dans son expression : les « troubles cognitifs des pathologies neuroévolutives type maladie d'Alzheimer et maladies apparentées (MAMA) » sont incompatibles avec la conduite. Cette formulation concerne le groupe 2 qui comprend le transport de personnes à titre onéreux, dont les ambulances et taxi et motos taxis, l'enseignement de la conduite, la conduite des poids-lourds et celle des transports en commun. Pour les situations de conduite du groupe 1, qui correspondent à la conduite des véhicules légers dans les autres cas, une légère marge a été laissée, en fixant l'incompatibilité au début du stade 3 de l'échelle générale des troubles cognitifs de Reisberg. Ces dispositions résultent d'une concertation avec les sociétés savantes expertes en la matière et notamment la Fédération des Centres Mémoire. Pour d'autres pathologies, les troubles neurologiques sont plus polymorphes et les troubles cognitifs, souvent tardifs, ne sont pas la première cause d'incompatibilité. Un exemple peut être la maladie de Parkinson, dans laquelle, de surcroît, des traitements permettent un temps, qui peut être assez long, la maîtrise de symptômes. L'arrêté et la lettre de la déléguée interministérielle à la sécurité routière disent exactement la même chose. Le comité interministériel à la Sécurité Routière (CISR) du 17 juillet 2023 a prévu de « mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite  » « en renforçant les plateaux techniques médicalisés permettant de mieux évaluer l'aptitude médicale à la conduite des patients atteints de troubles cognitifs et neuromoteurs  ». Le travail relatif à cet arrêté se poursuit donc avec une Foire aux questions (FAQ), qui va prendre en compte les évolutions prévues par le CISR. Ce travail d'élaboration de la FAQ a déjà débuté avec certaines associations de patients.