16ème législature

Question N° 8554
de Mme Géraldine Bannier (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Mayenne )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > bioéthique

Titre > Droit d'accès aux origines pour les enfants nés de dons de gamètes

Question publiée au JO le : 06/06/2023 page : 5056
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11278
Date de changement d'attribution: 21/07/2023

Texte de la question

Mme Géraldine Bannier attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les conséquences de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Ce texte de loi a opéré un changement majeur très attendu en revenant sur le caractère absolu de l'anonymat du don. En effet, l'article 16-8-1 du code civil consacre un nouveau droit, celui de la personne majeure née d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d'avoir accès, à sa demande, aux données non identifiantes ainsi qu'à l'identité du donneur. En application des dispositions de l'article L. 2143-5 du code de la santé publique, la personne souhaitant accéder à ces données s'adresse à la Commission d'accès des personnes nées d'une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD) placée auprès du ministre chargé de la santé et dont les missions sont énumérées à l'article L. 2143-6 du code de la santé publique. Le consentement du donneur à la levée de son anonymat est donc désormais une condition de la possibilité du don en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 2143-2 du code de la santé publique. Le législateur a toutefois entendu éviter que ce nouveau droit ne concerne que les enfants nés de dons postérieurs à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions et qu'il ne soit ainsi effectif qu'à la majorité de ces enfants. C'est pourquoi le législateur a décidé, concernant les enfants nés d'un don réalisé sous l'empire de législations antérieures, que la CAPADD pouvait être saisie de demandes au titre de l'article L. 2143-5 du code de la santé publique. La commission est alors chargée de contacter les tiers donneurs qui sont alors libres de donner leur consentement ou de s'opposer à la communication de ces informations. Or certaines demandes ne peuvent aboutir du fait du décès du donneur intervenu entre le don et la demande de l'enfant né par don. La réponse de la CAPADD mentionne seulement dans sa réponse le décès du donneur, laissant ainsi les demandeurs insatisfaits et sans possibilité d'avoir accès à leurs origines biologiques sinon de façon illégale et très incertaine quant au résultat via un recours aux tests génétiques de type MyHeritage ou 23andMe. Par ailleurs, sur un total de 688 courriers déposés (363 de personnes nées par don souhaitant retrouver leurs donneurs et 325 donneurs volontaires pour être retrouvés), seule une réponse positive a été donnée rendue publique le 25 mai 2023. Le droit d'accès aux origines est pourtant consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme par extension du « droit au respect de la vie privée et familiale » (arrêt Odièvre). Le guide relatif à cet article en date du 31 août 2019 précise qu'à ce titre « l'établissement des détails de son identité d'être humain et l'intérêt vital protégé par la Convention, à obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l'identité de ses géniteurs, ses origines, ou des éléments de son enfance et de ses années de formation contribuent à l'épanouissement personnel ». On constate de fait que ce droit n'est en l'état actuel ni absolu, ni applicable du fait de la diversité des situations rencontrées. Cette situation mériterait des évolutions lors de la future révision des lois de bioéthique notamment en ce qui concerne la communication de l'identité du donneur lorsqu'un décès est survenu, la recherche du consentement d'un proche survivant mais aussi la dépénalisation pour les personnes qui, faute de mieux, recourent aux tests génétiques pour avoir simplement connaissance de leurs origines biologiques. Peut-être même conviendrait-il de légaliser les tests génétiques, en réalité déjà très pratiqués par ceux qui recherchent leurs origines ? C'est pourquoi elle lui demande quelles actions le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de permettre un droit total d'accès aux origines compte tenu des difficultés de réponse aux demandes constatées via la procédure mise en place par la CAPADD.

Texte de la réponse

La loi du 2 aout 2021 relative à la bioéthique permet aux personnes majeures nées d'une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneurs de formuler une demande d'accès à l'identité et aux données non identifiantes de ces tiers. La demande doit être adressée à la Commission d'accès des personnes nées d'une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD). Ces dispositions sont en vigueur depuis le 1er septembre 2022. Si le don a été effectué avant le 1er septembre 2022, il a eu lieu sous régime d'anonymat qui ne permettait pas (au moment du don) l'accès aux données non identifiantes, ni à l'identité du tiers-donneur. Depuis le 1er septembre 2022, le consentement peut toutefois être sollicité par la CAPADD suite à une demande d'accès aux origines formulée par une personne née de don. Le tiers donneur peut aussi se manifester auprès de la CAPADD. Dans les deux cas, ce consentement est recueilli par la CAPADD. En cas de décès du donneur sans avoir exprimé préalablement son consentement à la communication de ses données, en l'état actuel de la législation, la commission ne peut communiquer lesdites données. Le dispositif d'accès aux origines a induit de nouvelles missions pour les centres de don, dans un contexte de tension lié à l'afflux de demandes d'accès à l'AMP avec tiers donneur, l'élargissement de l'accès de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules figurant parmi les dispositions de la loi du 2 aout 2021. Par ailleurs, les centres de dons sont confrontés, par un héritage de l'histoire, à un archivage des dossiers qui présente des fragilités. De plus, jusqu'à la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'AMP et au diagnostic prénatal, les dons « frais » (sans congélation préalable) et dirigés n'étaient pas interdits. Des procédures d'AMP ont été réalisées dans des cabinets de gynécologues libéraux. Aucune archive n'est dans ce cas disponible dans les centres de don, seuls organismes que la commission peut interroger. Pour toutes ces raisons, qui ne sont pas exhaustives, cette première année d'activité de la CAPADD a vu aboutir peu de demandes. La CAPADD proposera dans ses rapports annuels d'activité des pistes et suggestions d'amélioration possibles, de nature à optimiser le dispositif, et qui pourraient, le cas échéant, relever d'évolutions législatives. Concernant la réalisation des tests génétiques à des fins généalogiques, le législateur a circonscrit le recours aux examens de génétique (article 16-11 du code civil) à des finalités limitées, parmi lesquelles, les finalités médicales et judiciaires. La réalisation de tests génétiques à des finalités généalogiques est prohibée. Ces tests exposent à des risques peu connus mais qui constituent une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs et peuvent conduire à des résultats potentiellement trompeurs.