Incompatibilité pour les militaires d'active élus conseillers municipaux
Question de :
M. Stéphane Rambaud
Var (3e circonscription) - Rassemblement National
M. Stéphane Rambaud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la portée de l'article L. 46 du code électoral qui établit une incompatibilité pour les militaires en position d'activité. En effet, à l'exception du mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants et de conseiller communautaire pour les EPCI à fiscalité propre de moins de 25 000 habitants, les militaires en activité peuvent être élus aux mandats qui font l'objet du livre Ier du code électoral mais ne peuvent exercer ces mandats. Cette incompatibilité est durement ressentie par les militaires souhaitant s'investir dans la vie démocratique de leurs communes. Ils font remarquer l'arbitraire sur lequel repose les seuils imposés par la loi et le non-respect du strict principe d'égalité de droit en matière électorale entre un militaire en activité élu dans une collectivité de 8 999 habitants - qui peut siéger - et celui élu dans une commune de 9 001 habitants qui, lui, peut être élu mais ne peut pas siéger. Ces critères démographiques ne sont ni objectifs, ni raisonnables, ni rationnels, ni justes. Ils sont sources de griefs et d'une rupture flagrante d'égalité. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures urgentes qu'il entend prendre afin de supprimer cette législation archaïque et permettre aux militaires d'active de pouvoir siéger quel que soit le nombre d'habitants de la commune ou de l'intercommunalité pour laquelle ils sont élus.
Réponse publiée le 3 octobre 2023
Le principe d'égalité, au sens de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. La restriction à l'exercice de fonctions publiques, résultant d'incompatibilités prévues par le législateur entre mandats électoraux ou fonctions électives et activités ou fonctions professionnelles, doit être justifiée par la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur ou l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts. Aux termes des articles 20 et 21 de la Constitution, le Gouvernement dispose de la force armée et le Premier ministre est responsable de la défense nationale. En application de ces dispositions, sans préjudice de celles de l'article 35 de la Constitution, le Gouvernement décide, sous l'autorité du Président de la République, de l'emploi de la force armée. L'efficacité des armées repose sur leur cohésion, laquelle dépend d'un strict respect du principe de neutralité. Dans ce cadre, la nature du statut de militaire justifie l'incompatibilité avec certains mandats, au regard des exigences de neutralité et de disponibilité afférentes au statut général des militaires. Loin d'être inspirées par l'arbitraire, les limites posées par le législateur à la faculté des militaires de siéger comme élu local tout en servant en position d'activité établissent un juste équilibre entre les principes de disponibilité et de neutralité, d'une part, et les droits reconnus à ces citoyens particuliers que sont les militaires, d'autre part. Ainsi, le premier alinéa de l'article L. 46 du Code électoral prévoit que « les fonctions de militaire en position d'activité sont incompatibles avec les mandats qui font l'objet du présent livre », à savoir les mandats de député, de conseiller départemental, de conseiller municipal et de conseiller communautaire. Quant aux fonctions de maire ou d'adjoint au maire, l'article L. 2122-5-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « ces fonctions sont incompatibles avec celles de militaire en position d'activité ». L'incompatibilité des fonctions de militaire en position d'activité avec le mandat de conseiller municipal et avec les fonctions exécutives locales est applicable à tous les militaires, sans considération de corps ou de grade, quelle que soit la nature de leur lien statutaire (militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat). Dans ce contexte, la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC, 28 novembre 2014, M. Dominique de L. précise que l'incompatibilité prévue à l'article L. 46 du Code électoral est justifiée par le fait « que l'exercice de mandats électoraux ou fonctions électives par des militaires en activité ne saurait porter atteinte à cette nécessaire libre disposition de la force armée ». Le Conseil constitutionnel a, par la même décision, jugé non conforme à la Constitution le caractère général de l'incompatibilité entre le statut de militaire en position d'activité et l'exercice d'un mandat municipal. L'article 33 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense a, en conséquence, introduit, au troisième alinéa et suivants de l'article L. 46 du Code électoral, des dérogations aux incompatibilités précitées : les fonctions de militaire en activité sont désormais compatibles avec les mandats de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants et de conseiller communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 25 000 habitants. Ces dérogations en fonction de la taille des communes entendent permettre l'accès des militaires en position d'activité à certains mandats municipaux et communautaires dont l'exercice ne présente pas de difficulté particulière pour les fonctions de militaire en activité au regard du caractère local des enjeux politiques et de la moindre disponibilité demandée. En tout état de cause, sous réserve des inéligibilités prévues par la loi, les militaires en activité disposent de la possibilité d'être candidat à toute fonction publique élective. Dans ce cas, l'interdiction d'adhésion à un groupement politique est suspendue pour la durée de la campagne électorale et, en cas d'élection et d'acceptation du mandat, pour la durée du mandat (article L. 4121-3 du Code de la défense). Les militaires élus et acceptant leur mandat sont alors placés en position de détachement ou de congé pour convenances personnelles pour les mandats parlementaires. Le Gouvernement, ayant ainsi mis en conformité les dispositions en vigueur avec les exigences constitutionnelles, afin de limiter les incompatibilités affectant les militaires en position d'activité au regard des exigences de neutralité politique et de disponibilité de leur statut, n'envisage pas à ce jour d'évolution de la législation.
Auteur : M. Stéphane Rambaud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élus
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Dates :
Question publiée le 6 juin 2023
Réponse publiée le 3 octobre 2023