Revalorisation et mensualisation des vacations des enseignants du supérieur
Question de :
M. Pierre Cordier
Ardennes (2e circonscription) - Les Républicains
M. Pierre Cordier appelle l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés rencontrées par les enseignants vacataires. Ces jeunes enseignants, souvent recrutés pour pallier le manque de postes, travaillent la plupart du temps sans contrat, sans bulletin de salaire et sont payés avec plusieurs mois de retard alors que la loi de programmation de la recherche a en principe rendu la mensualisation obligatoire depuis 2022. S'ils acceptent ces conditions, c'est parce que cela semble être un passage obligé pour se présenter à un poste de maître de conférences, premier échelon de la titularisation. Si le recours à des intervenants extérieurs pour des cours ou des formations très ponctuels est logique et compréhensible, il semble que les universités et grandes écoles sont de plus en plus nombreuses à abuser de ce statut bancal et ultra-précaire puisqu'ils sont 130 000 vacataires, soit deux fois plus que le nombre d'enseignants titulaires... Le niveau de rémunération des heures de vacation semble correct, puisqu'il est d'environ 42 euros bruts de l'heure de cours. Mais le temps de préparation et de correction des travaux et examens n'est pas pris en compte. Sachant qu'une heure d'enseignement à l'université équivaut en moyenne à 4,2 heures de travail effectif, l'heure de travail d'un vacataire est donc en réalité payée 10 euros bruts alors que le Smic brut horaire est à 11,52 euros... Ces heures sous-payées sont en plus rémunérées très tardivement, avec 4 à 12 mois de retard... En avril 2017, le secrétaire d'État à l'enseignement supérieur, Thierry Mandon, avait envoyé aux présidents des universités une circulaire demandant « la mise en paie régulière et sans délai des vacations ». Mais cela n'a rien changé... C'est pourquoi il souhaite savoir si le Gouvernement envisage de réformer le statut des vacataires pour les sortir de cette précarité inacceptable, en revalorisant le montant horaire des vacations et en imposant réellement leur paiement mensuel.
Réponse publiée le 16 avril 2024
Le bilan social 2019-2020 du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche recense 127 952 enseignants vacataires régis par le décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi de vacataires pour l'enseignement supérieur, enseignants contractuels qui sont répartis entre chargés d'enseignement vacataires (CEV) et agents temporaires vacataires (ATV). Conformément aux dispositions de l'article 2 du décret précité, les CEV sont des personnalités extérieures choisies en raison de leur compétence dans les domaines scientifique, culturel ou professionnel, qui exercent, en dehors de leur activité de chargé d'enseignement, une activité professionnelle principale. Ils apportent aux étudiants leur expérience de terrain et exercent leur activité d'enseignement à titre accessoire, ces fonctions ne pouvant déboucher sur un emploi pérenne. En vertu de l'article 3 du même décret, les ATV sont, soit des étudiants inscrits en vue de la préparation du doctorat, soit des personnes bénéficiant d'une allocation de retraite mais qui ne sont pas atteintes par la limite d'âge et peuvent ainsi cumuler leur pension avec une activité rémunérée. Par conséquent, le recrutement des vacataires d'enseignement répond à des besoins différents et ces derniers ont donc des profils divers. En outre, aux termes de l'article 4 du décret du 29 octobre 1987, tous les enseignants vacataires sont engagés pour effectuer un nombre limité de vacations, ces emplois ne pouvant être occupés à titre principal. À cet égard, le service annuel des ATV, tous contrats confondus, ne peut excéder 96 heures de travaux dirigés ou 144 heures de travaux pratiques. À l'égal du contrat doctoral ou du contrat d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche, il s'agit de modalités contractuelles permettant à des étudiants de préparer ou d'achever leur doctorat tout en acquérant une expérience d'enseignement rémunérée qu'ils peuvent valoriser par la suite, notamment lors du concours de maître de conférences. Par ailleurs, ces personnels sont rémunérés à la vacation selon les taux réglementaires en vigueur fixés par l'arrêté du 6 novembre 1989 fixant les taux de rémunération des heures complémentaires, pris en application du décret n° 83-1175 du 23 décembre 1983 relatif aux indemnités pour enseignements complémentaires institués dans les établissements publics à caractère scientifique et culturel et les autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale. Ces règles de rémunération sont également applicables aux heures complémentaires des enseignants-chercheurs. Compte tenu de leur caractère forfaitaire, elles couvrent aussi les obligations liées au service d'enseignement dont sont redevables les enseignants vacataires et qui ne font pas l'objet d'une rémunération supplémentaire dans la mesure où ces missions constituent le prolongement des enseignements concernés. Ce principe s'applique à l'ensemble des personnels enseignants titulaires et contractuels, tels que, notamment, les attachés temporaires d'enseignement et de recherche régis par le décret n° 88-654 du 7 mai 1988 relatif au recrutement d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche dans les établissements publics d'enseignement supérieur (article 10) ou les doctorants contractuels régis par le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche (article 5-1). Les taux de rémunération étant indexés sur la valeur du point d'indice de la fonction publique, ils ont récemment fait l'objet d'une revalorisation en application du décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation. Une enquête réalisée auprès des établissements, relative à la gestion de ces populations, a mis en évidence, d'une part, que seuls 10 % de ces vacataires perçoivent une rémunération annuelle de plus de 4 000 euros bruts, la majorité d'entre eux n'étant employés que pour des missions très ponctuelles et que, d'autre part, une majorité de vacataires est salariée ou retraitée et perçoit donc une rémunération ou une pension par ailleurs. Il a été constaté que les délais de paiement de leur rémunération, une fois le service fait, pouvaient être anormalement longs, de l'ordre de six mois voire plus. C'est la raison pour laquelle le ministère a publié la circulaire n° 2017-078 du 25 avril 2017 demandant aux établissements de prendre les mesures permettant d'atteindre un rythme de versement mensuel sans décalage supérieur à deux mois entre la vacation et le versement de la rémunération. Pour ce faire, la circulaire précisait les règles auxquelles devaient s'astreindre les établissements. L'article 11 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a ensuite inscrit dans l'article L. 952-1 du code de l'éducation, le principe du versement mensuel de la rémunération des chargés d'enseignement vacataires et des agents temporaires vacataires à compter du 1er septembre 2022. Une note du 3 mai 2022, complétée le 4 juillet 2022, est venue rappeler aux établissements d'enseignement et de recherche les voies et moyens de la mise en œuvre de ce dispositif : édicter des règles de gestion simplifiées aux fins de mettre en place à terme une gestion informatisée des vacations, et de la certification du service fait pour les vacataires. Si la mensualisation du paiement de ces vacations n'est pas encore effective dans tous les établissements, c'est qu'elle impose la mise en place d'un système d'information coordonné, dont la construction et le déploiement nécessitent plusieurs mois, ainsi que de simplifier la multiplicité des étapes de certification du service fait réalisé au sein des formations et des UFR. En outre, les établissements ont priorisé les attachés temporaires vacataires étudiants qui sont les seuls à ne pas percevoir par ailleurs une rémunération de la part d'un employeur principal ou une pension de retraite. Ces processus sont en cours et devraient permettre d'aboutir à terme, là où cela n'est pas déjà le cas, à la rémunération par paiement mensuel des heures d'enseignement effectuées par les vacataires. Le ministère y est particulièrement vigilant. Par conséquent, la mensualisation de la paie de ces agents, instituée par voie législative, est en cours de mise en œuvre malgré les difficultés inhérentes à la rémunération mensuelle d'obligations de service qui font l'objet d'une répartition individualisée sur l'année universitaire. Dans la mesure où ces obstacles ne sont pas d'ordre juridique, le ministère n'entend pas modifier le décret du 29 octobre 1987 précité.
Auteur : M. Pierre Cordier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 6 juin 2023
Réponse publiée le 16 avril 2024