Réutilisation des eaux usées traitées des stations d'épuration
Question de :
M. Philippe Sorez
Hérault (1re circonscription) - Renaissance
M. Philippe Sorez interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la réutilisation des eaux traitées usées des stations d'épuration (REUT). Une sécheresse historique touche l'ensemble du pays avec, fin 2022, 75 départements encore concernés par une restriction au-delà de la vigilance. Le département de l'Hérault n'est pas non plus épargné par la raréfaction de l'eau et des restrictions ont évidemment été mises en place afin de ne pas aggraver la situation. La réutilisation des eaux usées traitées est une solution alternative fiable et incontournable pour répondre aux tensions sur la ressource en eau, qui ne vont que s'accroître d'ici 2040. Elle présente de nombreux avantages d'ordre quantitatifs et qualitatifs pour l'environnement et l'économie. Toutefois, dans le pays, la réglementation (arrêté du 25 juin 2014 modifiant l'arrêté du 2 août 2010) est complexe et peu lisible. Aussi, la procédure qui permet d'obtenir une autorisation de réutilisation de l'eau est lourde et coûteuse, ce qui décourage les collectivités, les exploitants agricoles ou les industriels à y recourir. Le 3 août 2022, la Commission a publié des lignes directrices pour le règlement (n° 2020/741) sur la réutilisation de l'eau, qui sera applicable le 26 juin 2023. Cette nouvelle réglementation communautaire s'imposera à tous les pays européens et permettra d'harmoniser le cadre juridique en Europe. Aussi, la seconde séquence des Assises de l'eau, dont les conclusions ont été rendues publiques le 1er juillet 2019, a réaffirmé l'intérêt de cette pratique. L'objectif est que d'ici 2025, le volume d'eaux non conventionnelles réutilisées soit triplé. C'est pourquoi il lui demande quelles démarches il a d'ores et déjà engagé en la matière et comment il entend simplifier la réglementation nationale actuellement en vigueur.
Réponse en séance, et publiée le 11 janvier 2023
RÉUTILISATION DES EAUX USÉES
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Sorez, pour exposer sa question, n° 87, relative à la réutilisation des eaux usées.
M. Philippe Sorez. L'année 2022 a été la plus chaude de l'histoire de France, provoquant en cascade des événements climatiques extrêmes. Ainsi, la sécheresse de l'année qui vient de se clore fut l'une des plus longues et des plus territorialement étendues que notre pays ait connue. Mon territoire de l'Hérault a largement été touché par la raréfaction de l'eau et des restrictions ont évidemment été mises en place afin que la situation n'empire pas. Mais ces restrictions ne sont pas une fatalité pour l'avenir, puisque la réutilisation des eaux usées après traitement est une solution alternative fiable et incontournable afin de répondre aux tensions sur les ressources en eau qui ne vont que s'accroître.
Il est scientifiquement vérifié qu'elle présente de nombreux avantages, tant pour l'environnement et l'économie que pour le devenir de nos enfants. Toutefois, dans notre pays, la réglementation est complexe et peu lisible. La procédure qui permet d'obtenir une autorisation de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) est lourde et coûteuse, ce qui décourage les collectivités, les exploitants agricoles ou les industriels d'y recourir. Il n'en demeure pas moins que les assises de l'eau de 2019 ont réaffirmé l'intérêt de cette pratique. L'objectif est que d'ici 2025, le volume d'eaux réutilisées soit triplé. Par ailleurs, une déclinaison française de la réglementation européenne sur la REUT est attendue pour le premier semestre 2023.
Quelles démarches ont-elles d'ores et déjà été engagées en la matière et comment entendez-vous simplifier la réglementation nationale en vigueur ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. La préservation de la ressource en eau est une priorité pour le Gouvernement, en particulier pour le ministre Christophe Béchu, que vous interpellez au travers de votre question. C'est pour cette raison qu'il a lancé fin septembre 2022, avec Agnès Firmin Le Bodo, le premier chantier de planification de la gestion de l'eau.
Il existe en France trois principaux freins au développement de la réutilisation des eaux usées traitées. Il y a d'abord des freins d'ordre sanitaire – c'est pourquoi vous appelez à simplifier la réglementation. On note également certains freins économiques : le coût du mètre cube d'eau usée traitée est bien plus élevé que celui de l'eau prélevée dans le milieu naturel. Il nous faut donc reconstruire des modèles économiques viables. Enfin, il existe quelques freins environnementaux. Dans certains territoires, les eaux usées traitées jouent un rôle majeur de soutien à l'étiage des cours d'eau. Il serait ainsi contre-productif de priver les écosystèmes aquatiques d'une telle ressource. En revanche, en zone littorale, là où les eaux usées traitées sont rejetées directement dans la mer, il apparaît plus opportun de valoriser cette ressource.
La modification de l'arrêté du 2 août 2010, qui vise à assurer la cohérence de notre réglementation avec le règlement européen du 25 juin 2020, constitue une occasion de faciliter la mise en place de projets de réutilisation des eaux usées traitées pour l'agriculture et l'arrosage des espaces verts. Cela sera rendu possible grâce à l'introduction de la notion de « barrière sanitaire » pour déroger aux contraintes de qualité et à la mise en place d'une approche de gestion des risques au cas par cas ; nous attendons d'ailleurs l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) d'ici la fin du mois.
En parallèle, le cadre réglementaire a évolué. Un décret du 10 mars 2022 permet désormais d'utiliser les eaux usées traitées pour de nouveaux usages urbains.
Dans le cadre du Varenne de l'eau, l'État s'est également engagé à lancer des expérimentations, en particulier pour l'utilisation d'eaux usées traitées d'origine industrielle dans les entreprises alimentaires – les ministères concernés achèvent l'élaboration d'un décret.
Enfin, pour favoriser l'émergence de projets d'utilisation d'eaux non conventionnelles, l'État a institué un groupe de travail chargé de suivre l'état d'avancement des mesures issues des assises de l'eau. Ses travaux devraient aboutir en début d'année, d'ici quelques semaines, et leurs résultats seront largement diffusés grâce à la création, dans le courant de l'année, d'un observatoire de la réutilisation des eaux usées traitées.
Auteur : M. Philippe Sorez
Type de question : Question orale
Rubrique : Eau et assainissement
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 janvier 2023