16ème législature

Question N° 8819
de M. Xavier Breton (Les Républicains - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > élections et référendums

Titre > Inscription ou radiation des électeurs sur les listes électorales

Question publiée au JO le : 13/06/2023 page : 5261
Erratum de la question publié le: 20/06/2023 page : 5643
Réponse publiée au JO le : 12/03/2024 page : 1892
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Xavier Breton interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'nscription ou la radiation des électeurs sur les listes électorales. Il vient d'être jugé (CE n° 465736 du 27 mars 2023) que le maire agissait en tant qu'agent de l'État s'agissant de l'inscription ou de la radiation des électeurs sur les listes électorales, en application de l'article L. 18 I du code électoral. M le député demande en conséquence à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui préciser quelles sanctions pénales seraient applicables à un maire qui ne fournirait pas la liste électorale à la commission de contrôle (article L. 19 du code électoral), inscrirait des électeurs de manière illégale ou s'opposerait à l'inscription légale d'électeurs supposés favorables, ou encore n'en assurerait pas la publication (article L. 20 du code électoral). Il lui demande dans les trois cas évoqués quels seraient les délais de prescription. Il lui demande également si, dans ces cas-là, comme d'une manière générale s'agissant de la tenue de la liste électorale, le maire peut demander à la commune une protection fonctionnelle, ce qui paraît exclu par la jurisprudence citée.


erratum : À la 8e ligne de la question, lire "défavorables" au lieu de "favorables".


texte consolidé : M. Xavier Breton interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'nscription ou la radiation des électeurs sur les listes électorales. Il vient d'être jugé (CE n° 465736 du 27 mars 2023) que le maire agissait en tant qu'agent de l'État s'agissant de l'inscription ou de la radiation des électeurs sur les listes électorales, en application de l'article L. 18 I du code électoral. M le député demande en conséquence à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui préciser quelles sanctions pénales seraient applicables à un maire qui ne fournirait pas la liste électorale à la commission de contrôle (article L. 19 du code électoral), inscrirait des électeurs de manière illégale ou s'opposerait à l'inscription légale d'électeurs supposés défavorables, ou encore n'en assurerait pas la publication (article L. 20 du code électoral). Il lui demande dans les trois cas évoqués quels seraient les délais de prescription. Il lui demande également si, dans ces cas-là, comme d'une manière générale s'agissant de la tenue de la liste électorale, le maire peut demander à la commune une protection fonctionnelle, ce qui paraît exclu par la jurisprudence citée.

Texte de la réponse

L'article L. 16 du Code électoral prévoit que les listes électorales sont extraites d'un répertoire électoral unique (REU) et permanent tenu par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Conformément à l'article L. 18 du Code électoral, le maire détient le pouvoir de statuer sur les demandes d'inscription sur les listes électorales. Il doit à ce titre vérifier si la demande de l'électeur répond aux conditions prévues par les dispositions du même code et prendre une décision dans un délai de cinq jours à compter du dépôt de la demande d'inscription. Par ailleurs, la commission de contrôle, composée de plusieurs membres, en fonction de la population de la commune, conformément aux dispositions de l'article L. 19 du Code électoral, peut procéder directement « à l'inscription ou à la radiation d'un électeur omis ou indûment inscrit ». Sa décision « est notifiée dans un délai de deux jours à l'électeur intéressé, au maire et à l'Institut national de la statistique et des études économiques ». L'article L. 19-1 du Code électoral dispose que « la liste électorale est rendue publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, au moins une fois par an et, en tout état de cause, le lendemain de la réunion de la commission de contrôle, préalable à chaque scrutin, prévue au III de l'article L. 19 ». Ces dispositions, combinées aux articles R. 13 et R. 14 du même code, prévoient donc que la liste électorale rendue publique est celle arrêtée par la commission de contrôle, à laquelle viennent s'ajouter le tableau des inscriptions et radiations intervenues depuis la dernière réunion de la commission (article R. 13), ainsi que les inscriptions et radiations intervenues entre l'arrêt de cette liste et le scrutin. Le Conseil d'État a récemment retenu (CE n° 465736 du 27 mars 2023) que « la tenue de la liste électorale et des documents s'y rapportant, ainsi que leur communication, incombent au maire en sa qualité d'agent de l'État  ». Il appartient donc aux maires de procéder, au regard des conditions mentionnées aux articles L. 11 et suivants du Code électoral, à la vérification de ces conditions d'inscription en contrôlant l'ensemble des pièces jointes à la demande formulée pour vérifier la qualité d'électeur et la réalité de l'attache communale. Le maire est tenu, au titre des articles L. 16 et L. 18 du Code électoral, de transmettre à l'INSEE l'ensemble des informations à entrer dans le répertoire électoral unique aux fins de gestion du processus électoral. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit expressément de sanction pénale à son encontre s'il omet de publier la liste électorale à la suite de la réunion de la commission de contrôle ou de transmettre les informations précitées à l'INSEE, à charge pour les électeurs potentiellement lésés d'exercer leur droit au recours devant le juge. Les manquements du maire aux fonctions qui lui sont dévolues par la loi en qualité d'agent de l'État peuvent toutefois faire l'objet de sanctions disciplinaires dans les conditions précisées à l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales et sous réserve, le cas échéant, du contrôle du juge. S'agissant des sanctions pénales applicables au maire dans les autres cas évoqués, l'article L. 113 du Code électoral prévoit que « le fait de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d'électeurs sur la liste électorale » est puni d'une amende de 15 000 euros et d'un emprisonnement d'un an ou de l'une de ces deux peines seulement. La peine est portée au double « si le coupable est fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, agent ou préposé du Gouvernement ou d'une administration publique, ou chargé d'un ministère de service public ou président d'un bureau de vote ». En application de l'article L. 114 du même code, une action intentée en vertu de l'article L. 113 connaît un délai de prescription de « six mois à partir du jour de la proclamation du résultat de l'élection » dans le cadre de laquelle l'inscription, la radiation ou le maintien d'électeurs sur la liste électorale est intervenu. En revanche, aucune sanction pénale spécifique autre que celle prévue à l'article L. 113 n'est prévue par les dispositions législatives et réglementaires à l'encontre d'un maire qui se serait opposé à l'inscription sur les listes électorales d'électeurs dont il anticiperait un vote défavorable à son encontre ou à l'encontre de son groupe politique. Sous réserve de l'avis du juge, ce cas semble correspondre à une atteinte ou une tentative d'atteinte à la sincérité du vote, au sens de l'article L. 113 précité qu'il conviendrait alors d'appliquer. En effet, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur la régularité des inscriptions et des radiations d'électeurs sur une liste électorale. Il lui appartient seulement d'apprécier si les faits allégués révèlent des manœuvres susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin (CE, n° 59882, 23 septembre 1985 ; CE, n° 447961, 9 juin 2021) [1]. Enfin, conformément à l'article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales, si l'élu fait l'objet de poursuites en raison de manquements dans le cadre des missions effectuées en qualité d'agent de l'État, c'est l'État qui est responsable « de la protection prévue par l'article 11 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ». Ces dernières dispositions ont été codifiées aux articles L. 134-1 et suivants du Code général de la fonction publique, dont il résulte que la collectivité publique est tenue d'accorder la protection à un agent public poursuivi pénalement et à le garantir d'éventuelles condamnations civiles à raison de faits commis dans le cadre de ses fonctions et ne constituant pas une faute personnelle détachable de celles-ci. La qualification de « faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions » est le produit d'une abondante jurisprudence aux termes de laquelle présentent notamment le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire les faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou revêtent une particulière gravité, eu égard à leur nature ou aux conditions dans lesquelles ils ont été commis (CE, n° 391798, 30 décembre 2015). Le Conseil d'État a considéré que la victime d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, « dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l'agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service » (CE, n° 283257, 2 mars 2007). Il a ainsi jugé qu'une faute n'est pas dépourvue de tout lien avec le service en ce qu'elle a pu être commise par le maire, en l'espèce,  « avec l'autorité et les moyens que lui conféraient ses fonctions ». Sous réserve de l'appréciation souveraine du juge administratif, il apparaît toutefois probable que des manœuvres effectuées par le maire dans le cadre de ses prérogatives de gestionnaire des listes électorales puissent être regardées comme détachables de ses fonctions, faisant ainsi obstacle à ce qu'il puisse bénéficier de la protection fonctionnelle. En effet, le Conseil d'État a reconnu la faute personnelle d'un agent, détachable de l'exercice de ses fonctions, en raison des fins privées poursuivies par les agissements commis en dehors de l'objectif de la mission initialement dévolue (CE, n° 297044, 8 août 2008). –––––––––––––––––––– Conseil d'État, 23 septembre 1985, n° 59882 - Conseil d'État, 9 juin 2021, n° 447961