16ème législature

Question N° 8901
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > laïcité

Titre > Port de l'abaya par les élèves dans les établissements scolaires

Question publiée au JO le : 13/06/2023 page : 5251
Réponse publiée au JO le : 14/11/2023 page : 10223
Date de changement d'attribution: 21/07/2023

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le port de l'abaya par les élèves dans les établissements scolaires. Professeur dans un collège de Seine-Saint-Denis et membre du conseil des sages de la laïcité, Iannis Roder est également l'auteur de « La jeunesse française, l'école et la République ». Interrogé dans la presse, ce dernier s'inquiète de la montée en puissance de l'islam radical en France au regard de l'augmentation flagrante du port d'habits religieux dans les établissements scolaires. Selon lui, il s'agit « d'un glissement, un gain de terrain progressif dans les esprits. Comme l'a très bien analysé le chercheur Hugo Micheron, c'est la grande différence avec l'idéologie djihadiste, qui veut agir dans l'immédiat, en légitimant le recours à la violence. Les fréro-salafistes (radicaux), eux, prennent le temps, livrent une bataille culturelle par un lent travail d'emprise des consciences, en faisant, ainsi que le note Bernard Rougier, de la contestation des programmes et des tenues vestimentaires de véritables enjeux stratégiques ». Dans le même temps, les chiffres des atteintes à la laïcité dans les écoles, collèges et lycées pour septembre 2022, montrent une hausse des signalements pour le port de tenues comme les abayas et kamis (vêtements longs traditionnels portés respectivement par les femmes et par les hommes). Au total, 313 signalements ont été recensés en septembre 2022 et 904 signalements au deuxième trimestre 2022. Une augmentation importante par rapport à la moyenne de 627 incidents recensés au premier trimestre 2022. Les incidents pour « port de signes et de tenues » religieux représentent plus de la moitié des signalements de septembre (54 %), contre 41 % au deuxième trimestre 2022 et 22 % au premier trimestre. Le 16 octobre 2022, M. le ministre a estimé que, face à ce phénomène, la loi de 2004 devait « être appliquée de manière stricte et ferme ». Cette loi interdit au sein des enceintes scolaires les vêtements ou les signes religieux ostensibles. Néanmoins, le ministre a réaffirmé le 4 octobre 2022 que « l'interprétation d'un signe comme étant religieux ou d'un vêtement religieux ne peut pas se faire à partir d'une circulaire que nous produirions. Ce n'est pas la longueur de la robe ou la couleur qui, à elles seules, permettent de déterminer sa nature religieuse. C'est un ensemble de signes qui peuvent pointer dans cette direction ». Le 17 octobre 2022, dans un télégramme adressé aux préfets, le ministre de l'intérieur a expliqué que la multiplication des « signalements d'atteinte à la laïcité depuis la rentrée scolaire est manifestement le fruit d'une offensive islamiste visant les plus jeunes, notamment à travers l'incitation à porter des vêtements traditionnels ». Dans son télégramme, il a également rappelé que le port des vêtements tels que « les abayas ou les kamis constituent bien des vêtements religieux par destination dès lors que la finalité qui s'attache à leur port ne fait aucun doute et qu'elle constitue une tentative de contournement » de la loi de 2004. Dès lors, « les chefs d'établissement sont fondés à prendre des sanctions contre les élèves à l'origine de tels comportements et à leur interdire l'accès à leur établissement ». Face à cette situation, les enseignants s'estiment démunis et beaucoup s'inquiètent d'être pris pour cible par les parents ou les proches des élèves provocateurs s'ils s'opposent à ces derniers. Cette situation n'étant plus tenable, Mme la députée demande donc à M. le ministre quelles mesures il compte mettre en œuvre pour que la loi française soit appliquée dans les établissement scolaires. Par ailleurs, elle lui demande de prendre position en faveur de l'uniforme obligatoire dans l'ensemble des établissements scolaires publics et privés sous contrat, seul moyen de lutter rapidement et efficacement contre le port de vêtements religieux à l'école.

Texte de la réponse

A la suite de l'annonce du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, la note de service publiée au BOENJS n° 32 du 31 août 2023 et adressée aux cheffes et chefs d'établissement, aux inspectrices et inspecteurs de l'éducation nationale, aux directrices et directeurs d'école rappelle que "la montée en puissance du port de tenues de type abaya ou qamis a fait naître un grand nombre de questions sur la conduite à tenir. Ces questionnements appellent une réponse claire et unifiée de l'institution scolaire sur l'ensemble du territoire". La note de service du 31 août 2023 précise que "le port de tenues de type abaya ou qamis […] manifeste ostensiblement en milieu scolaire une appartenance religieuse [et] ne peut y être toléré". En effet, ces vêtements s'inscrivent dans une logique d'affirmation religieuse. Leur port par les élèves, qui permet d'identifier leur appartenance religieuse, tombe ainsi sous le coup de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 et ne peut être admis dans les écoles et établissements, et durant les activités scolaires.  Ainsi, en application de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, "à l'issue d'un dialogue avec l'élève, si ce dernier refuse d'y renoncer au sein de l'établissement scolaire ou durant les activités scolaires, une procédure disciplinaire devra être engagée". Dès le lundi 4 septembre 2023, les collèges et lycées particulièrement concernés l'an dernier par cette catégorie d'atteintes à la laïcité ont bénéficié d'un appui concret par des personnels formés (équipes académiques valeurs de la République, équipes mobiles de sécurité, inspecteurs d'académies-inspecteurs pédagogiques régionaux, etc.). Les recteurs, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale et l'ensemble des services académiques sont mobilisés aux côtés des chefs d'établissement et des équipes de direction afin que ces situations fassent l'objet d'une réponse ferme et efficace de l'institution. Le ministre a mis à disposition des chefs d'établissement un courrier signé de sa main à destination des parents et par lequel il rappelle la nécessité du respect des principes de la République en matière de laïcité ainsi que l'interdiction du port des tenues ne respectant pas ladite loi du 15 mars 2004. S'agissant du port de l'uniforme par les élèves à l'école, le ministre a annoncé le lancement d'un projet d'expérimentation du port de l'uniforme à l'école qui permettra de disposer d'éléments concrets d'évaluation.