16ème législature

Question N° 898
de M. Jean-Félix Acquaviva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires - Haute-Corse )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > consommation

Titre > Principe de continuité territoriale

Question publiée au JO le : 23/08/2022 page : 3837
Réponse publiée au JO le : 15/11/2022 page : 5382
Date de signalement: 25/10/2022

Texte de la question

M. Jean-Félix Acquaviva attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'application concrète du principe de continuité territoriale, mis en œuvre dans les années 1970, entre le continent français et les îles dont la Corse. L'une des traductions majeures de ce principe dans le domaine économique tendait à considérer un kilomètre maritime équivalent à un kilomètre ferroviaire ou routier afin de ne pas aggraver les coûts supplémentaires engendrés par l'insularité. Dans la pratique, les frais de délivrance devraient être pris en charge par le vendeur (industriel comme centrale de distribution) quelle que soit la distance et quel que soit le mode de transport (route, chemin de fer et transport maritime). Ce principe est par ailleurs défini dans le code civil qui dispose que « les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur ». Or force est de constater que ces principes ne sont pas pleinement respectés dans le cas des coûts d'acheminement de produits du continent vers la Corse. L'exemple de la grande distribution alimentaire est à cet égard révélateur. Les centrales d'approvisionnement continentales de la grande distribution prennent en charge le transport seulement dans la partie terrestre qui va de la centrale vers le port continental, puis du port corse vers le magasin de détail. Le coût du transport maritime entre les deux ports n'est pas pris en charge, alors même qu'il représente un coût significatif : dans le cas de la Corse, on peut l'estimer à 40 M d'euros. Cette situation occasionne des coûts supplémentaires pour les entreprises de distribution insulaire par exemple, les empêchant souvent d'aligner leurs prix sur ceux de leurs homologues continentaux. Les taux réduits de TVA sur certains produits ne suffisent pas à compenser ce désavantage et n'en ont pas la vocation première. Cette situation crée une inégalité de traitement entre les distributeurs du continent et ceux insulaires. Au final, c'est bien le consommateur insulaire qui est pénalisé et paie la facture, avec des prix plus élevés en moyenne que sur le continent. À l'heure où le pouvoir d'achat des ménages est une priorité pour le Gouvernement, ce sujet revêt, dans le contexte économique et sociale corse, une importance majeure en matière de pouvoir d'achat des ménages insulaires et de baisse des prix des produits de première nécessité. C'est pourquoi il lui demande de préciser la réglementation en vigueur et les obligations des vendeurs qui acheminent des produits vers les îles dont la Corse.

Texte de la réponse

L'article 1604 du code civil dispose que « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ». Ce principe est repris à l'article L. 5422-1 du code des transports pour les contrats de transport maritime de marchandises : « Par le contrat de transport maritime, le chargeur s'engage à payer un fret déterminé et le transporteur à acheminer une marchandise déterminée, d'un port à un autre ». Néanmoins, l'article R. 5422-9 de ce même code admet qu'il peut être dérogé à ce principe : « Le chargeur doit le prix du transport ou du fret. En cas de fret payable à destination, le réceptionnaire en est également débiteur, s'il accepte la livraison de la marchandise ». Dès lors, il est possible pour les parties au contrat de transport de déroger contractuellement au principe suivant lequel seul le chargeur est tenu au paiement du fret, en stipulant que le fret peut être payable à destination, auquel cas c'est au destinataire de le payer. Au-delà de cet aspect juridique, l'Autorité de la concurrence a procédé à un examen approfondi des causes du différentiel de prix moyens constaté entre la Corse et l'ensemble des régions de la France continentale en dépit du taux de TVA très significativement réduit qui est applicable aux denrées alimentaires en Corse. Dans un contexte marqué par les contraintes induites par les particularités géographiques du marché, l'Autorité de la concurrence, dans son avis 20-A-11 du 17 novembre 2020 relatif au niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale, a mis en évidence un certain nombre de facteurs, telles que la saisonnalité, le déficit de concurrence résultant d'un degré de concentration élevé et la contrainte objective du transport maritime qui allonge la chaîne logistique, ainsi que des capacités de stockage limitées qui induisent des livraisons de marchandises plus fréquentes que sur le continent. Il convient par ailleurs de rappeler que la desserte maritime de la Corse est organisée suivant le principe de continuité territoriale, consacré à l'article L. 4424-18 du code général des collectivités territoriales et visant à compenser l'insularité. Elle bénéficie d'une forte intervention publique avec des contrats de délégation de service public et des régimes d'obligations de service public, fixant notamment le niveau de tarification de façon à assurer une relative modération des coûts de fret pour la Corse. Enfin, les services compétents de l'État sont tout particulièrement vigilants au respect par les acteurs économiques des règles en vigueur, notamment celles qui visent à protéger les consommateurs contre des pratiques qui leur causent un préjudice en termes de pouvoir d'achat et ne manqueront pas de prendre des mesures adaptées dans l'éventualité où des manquements à ces règles seront identifiés. Le ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique a mis en place un point de contact unique à destination des entreprises afin que leurs fédérations professionnelles puissent signaler à la DGCCRF ses services les anomalies qu'elles pourraient constater.