Rubrique > consommation
Titre > Fausses offres promotionnelles et prix de référence trompeurs en ligne
Mme Sophia Chikirou appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le phénomène des prix de référence trompeurs qui se développe sur les sites de commerce en ligne. Cette pratique consiste à afficher un prix faussement promotionnel à côté d'un prix de référence barré, qui n'a rien à voir avec le prix réel du produit avant l'application de la promotion, de sorte que le consommateur soit trompé et pense réaliser une « bonne affaire ». Cette pratique frauduleuse était déjà interdite en France par arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur. Mais, par un arrêt du 10 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne avait considéré que « la directive 2005/29 [ayant] procédé à une harmonisation complète de la réglementation en matière de pratiques commerciales déloyales, l'article 4 de celle-ci s'opposerait à l'existence de dispositions nationales plus restrictives ». Par conséquent, la réglementation française a été abrogée par arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur. Encore un exemple frappant de l'obsession du libre marché au sein de l'Union européenne qui va à l'encontre de la protection du citoyen et du consommateur. Heureusement, face aux très nombreuses dérives permises par cet assouplissement totalement absurde, l'Union européenne a rebroussé chemin avec la directive européenne 2019/2161 qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs, dite directive « Omnibus », et qui a été transposée en droit français par la loi d'habilitation DADDUE du 3 décembre 2020 et l'ordonnance 2021-1734 du 22 décembre 2021. Entrée en vigueur au 28 mai 2022, l'ordonnance dispose à son article 2 (article L.112-1-1 du code du commerce) que « toute annonce d'une réduction de prix indique le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l'application de la réduction de prix. Ce prix antérieur correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l'égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant l'application de la réduction de prix ». Néanmoins, une étude récente menée par l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a montré que la loi était massivement contournée. En effet, selon cette analyse portant sur 6586 annonces indiquant un prix barré issues des huit principaux sites de vendeurs en ligne (Amazon, ASOS, Cdiscount, E.Leclerc, La Redoute, Rue du Commerce, Veepee, et Zalando), seules 3,4% des annonces affichant un prix de référence sont de véritables promotions au sens de la loi. Pour la quasi-totalité des annonces promotionnelles, le prix de référence n'est donc pas conforme « au prix le plus bas pratiqué sur le mois précédent la promotion ». Les vendeurs en ligne ont en fait trouvé une parade : les prix de comparaison. Il s'agit d'afficher comme prix de référence barré un tarif présenté comme le « prix de vente conseillé », le « prix moyen sur les sites concurrents » ou l' « ancien prix », entre autres concepts imprécis, pour laisser à penser que le prix de vente est particulièrement bas. Ces prix de comparaison constituent donc 96,6% des annonces faites avec un prix barré. Elles cherchent à l'évidence à tromper le consommateur en rendant très difficile la distinction entre prix de comparaison et prix de réduction. Or, l'article L.121-2 du Code de la consommation transposant la directive sur les pratiques commerciales déloyales définit qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne le caractère promotionnel du prix. Parfois, la nature du prix de référence n'est même pas renseignée. Dans ces cas-là, le vendeur est manifestement hors-la-loi. Et quand elle l'est, il demeure extrêmement difficile pour le consommateur d'obtenir une définition claire du prix de référence affiché. Il faut parfois cliquer sur un symbole à côté du prix, ou même aller jusqu'à se rendre dans les conditions générales de vente pour accéder à une explication généralement très sommaire (parfois de simples abréviations comme PVC pour « Prix de vente conseillé ») et incompréhensible. De plus, il existe de nombreux prix de référence dont le mode de calcul est au mieux très opaque, au pire invérifiable. Par exemple, concernant le « prix moyen constaté sur une sélection allant jusqu'à 37 sites » utilisé par Cdiscount, il est impossible de connaitre le nombre précis de sites utilisés dans le calcul, et encore moins leur nature ou leur provenance. Ces pratiques s'appuient sur un flou juridique autour des prix de comparaison, qui sont très peu encadrés par la loi, contrairement aux prix de réduction. En plus de constituer de véritables duperies envers les consommateurs, soit en laissant croire qu'il s'agit d'une promotion, soit en entretenant le flou autour de la nature du prix de référence, elles encouragent un consumérisme et des réactions d'achat compulsif délétères à l'heure où l'urgence climatique devrait nous conduire vers un modèle de consommation plus sobre. L'UFC-Que Choisir a décidé de porter plainte contre ces sites de vente en ligne pour mettre la lumière sur des pratiques qui flirtent avec l'illégalité et l'immoralité. Pour toutes ces raisons, Mme la députée souhaiterait connaitre les mesures que M. le Ministre entend prendre pour encadrer la pratique des prix de comparaison au niveau national et européen, protéger les consommateurs contre toutes les pratiques visant à tromper le consommateur, et engager la France vers un modèle de consommation plus vertueux. En particulier, est-il en mesure de s'engager sur la défense de l'interdiction totale de tout autre prix de référence que celui prévu dans la directive « Omnibus » ?