Question au Gouvernement n° 909 :
EXCEPTION CULTURELLE

16e Législature

Question de : Mme Sophie Taillé-Polian
Val-de-Marne (11e circonscription) - Écologiste - NUPES

Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2023


EXCEPTION CULTURELLE

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Je voudrais féliciter Mme Justine Triet pour la palme d'or qu'elle a reçue samedi à Cannes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Manuel Bompard. Bravo !

Mme Sophie Taillé-Polian. Dans son discours, s'inquiétant pour les jeunes réalisateurs, elle a précisé à quel point son œuvre n'aurait pu voir le jour sans l'exception culturelle et combien cette dernière avait du mal à endiguer la marchandisation de la culture. Elle a surtout osé – crime de lèse-Macronie – exprimer ce qui pèse sur le cœur de tant de Françaises et de Français : une réforme des retraites injuste, passée en force. Selon moi, elle a raison ; selon vous, madame la ministre de la culture, elle a certainement tort, mais là n'est pas la question.

L'exception culturelle est un système que le monde nous envie, qui contribue à notre rayonnement culturel, parce qu'il permet la création en dehors des logiques de rentabilité marchande.

M. Rémy Rebeyrotte. Ce n'est pas ce qu'elle a dit, hélas !

Mme Sophie Taillé-Polian. C'est aussi le triomphe, après-guerre, de l'indépendance de la culture face aux tentations autoritaires de faire de l'art un outil de propagande du pouvoir. Grâce à elle, les artistes n'ont pas à plaire à ceux qui les gouvernent ; grâce à elle, le cinéma français est bien vivant.

Madame la ministre, vous entendre parler d'ingratitude me choque profondément. Accuser d'ingratitude des artistes ayant bénéficié d'aides publiques, c'est sous-entendre que se taire devrait être la contrepartie des aides. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

M. Pierre Cordier. Eh oui !

Mme Sophie Taillé-Polian. Dans un contexte où Laurent Wauquiez a supprimé les subventions du Théâtre Nouvelle Génération de Lyon parce que les propos de son directeur ne lui avaient pas plu, une ministre de la culture ne devrait pas dire ça ! Vous devriez vous tenir aux côtés de la libre expression des artistes (M. Pierre Cordier s'exclame), quand bien même vous ne seriez pas d'accord avec leurs prises de position. Aussi, nous attendons de votre part la condamnation ferme de la multitude de propos issus de la majorité visant à faire taire les artistes subventionnés. Je pense notamment au président de la commission des affaires économiques et au ministre délégué chargé de l'industrie, qui brillent par leur absence lorsqu'il s'agit de demander aux grandes entreprises où va l'argent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture.

M. Sébastien Chenu. Et de la censure !

M. Pierre Cordier. Roselyne Bachelot, reviens !

M. Sébastien Chenu. Ah non, quand même pas !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Je suis fondamentalement attachée à la liberté d'expression, qui est un principe intangible de notre démocratie ; je viens de le dire à votre collègue Sarah Legrain.

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES . Ah !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre . Mais je trouve important de rétablir la vérité quand, sur le fond, sont tenus des propos excessifs et très éloignés de la réalité : où sont les menaces qui pèsent sur la culture ? Où sont les dangers ?

Mme Aurélie Trouvé. Vous êtes pour la liberté d'expression, mais pas trop !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre . Un certain parti voudrait censurer des artistes, boycotter des journalistes et orienter les aides du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) vers des films qui feraient la promotion de l'histoire de France ; cela a été dit en commission des affaires culturelles.

Mme Caroline Parmentier. N'importe quoi !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre . Un certain parti voudrait privatiser l'audiovisuel public, alors que celui-ci finance la création à hauteur de 500 millions d'euros par an !

Mme Caroline Parmentier. N'importe quoi !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre . Un président de région, que vous avez cité, distribue les bons et les mauvais points et décide de couper des subventions à ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Voilà les dérives autoritaires qui menacent notre modèle culturel ! (Protestations prolongées sur les bancs du groupe LR.)

M. Xavier Breton. N'importe quoi !

M. Patrick Hetzel. La région Île-de-France a financé ce film !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre . La ministre qui se tient devant vous défend le budget le plus élevé que la culture ait obtenu depuis que le ministère existe, en augmentation de 7 % par rapport à l'année dernière. La ministre de la culture qui se tient devant vous défend la liberté de création chaque fois qu'elle est menacée. La ministre qui se tient devant vous est aux côtés des élus et des collectivités de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour trouver des solutions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Jean-Pierre Taite. Ne dites pas n'importe quoi !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre . Je vais vous donner un exemple : il y a quelques semaines, plusieurs artistes et professionnels de la culture ont signé une tribune contre la réforme des retraites ; ils ne sont pas d'accord avec le Gouvernement. Si vous regardez cette liste en détail, vous y trouverez de nombreux directeurs d'institutions subventionnées. (Mêmes mouvements.) Avons-nous dit quelque chose ou diminué leurs subventions ? Bien sûr que non ! Nous les avons même augmentées pour faire face à l'inflation. Vous voyez bien que cela n'a jamais été un critère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Données clés

Auteur : Mme Sophie Taillé-Polian

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Arts et spectacles

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mai 2023

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