Question écrite n° 9185 :
Sur la condamnation de la France par le Conseil de l'Europe

16e Législature

Question de : M. Emmanuel Fernandes
Bas-Rhin (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Emmanuel Fernandes interroge M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, sur la condamnation de la France par le Conseil de l'Europe pour ses violations des droits des personnes en situation de handicap. M. le député interroge M. le ministre sur les suites que celui-ci se doit de donner à la condamnation de la France par le Comité européen des droits sociaux, organe du Conseil de l'Europe, dans l'affaire Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe contre France, par la décision qui lui a été communiquée le 16 décembre 2022 et qui a été rendue publique le 17 avril 2023. Par cette décision, il a été reconnu que la France a violé de nombreux droits des personnes en situation de handicap : droit à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, droit à la protection de la santé et droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique. Cette nouvelle condamnation de la France s'inscrit malheureusement dans la suite de nombreuses alertes qui lui sont adressées sur ce sujet au niveau international : rapports très critiques du Comité des Nations unies pour les droits des personnes handicapées en 2021 et de la Rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées de 2019. Cette condamnation est donc particulièrement néfaste pour l'image internationale de la France, à la veille du 4e cycle de l'examen périodique universel et alors qu'elle est candidate pour un nouveau mandat au sein du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies. L'échec grave, constaté par les organes européens des droits humains, des politiques du Gouvernement et des gouvernements précédents révèlent donc une double humiliation inacceptable : humiliation de la France sur la scène internationale pour son insuffisance sur les droits humains ; conséquence de l'humiliation par la France des personnes en situation de handicap. M. le député exhorte donc M. le ministre à remédier, par des moyens conséquents, à cette double humiliation. Le jour de la communication publique de cette condamnation, les associations à l'origine de la requête ont publié un communiqué commun qui appelle à des évolutions rapides et concrètes en matière d'accompagnement, de ressources, de compensations, d'accessibilité, de santé, d'éducation et de protection sociale. Il est inadmissible qu'aujourd'hui en France, de nombreuses personnes en situation de handicap restent sans solution adaptée et que leur niveau de vie soit particulièrement bas. Il est impensable que les lois sur l'accessibilité de 1975 et 2005 voient leurs applications repoussées indéfiniment. Il est inacceptable que les personnes en situation de handicap fassent l'objet de discriminations dans l'accès aux soins et à l'éducation. Il est inhumain que dans les familles, les aidants et aidantes doivent se sacrifier pour pallier l'incurie de l'État. Il lui demande donc quelle bifurcation de sa politique celui-ci va mener suite à cette condamnation.

Réponse publiée le 20 février 2024

L'avis de la décision du comité des droits sociaux ne tient pas compte de l'ensemble des avancées en matière d'accès aux droit fondamentaux des personnes en situation de handicap intervenues depuis 2018. La sixième Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 a été l'occasion d'annoncer la poursuite de ces avancées. Le Président de la République a présenté un plan d'action transversal afin d'améliorer l'accès aux droits et les conditions de vie des personnes handicapées, au regard des orientations du Comité onusien des droits des personnes handicapées du 10 octobre 2021 et de la décision du Comité européen des droits sociaux du 17 avril 2023. Au niveau territorial, la création de fonds territoriaux dédiés à l'accessibilité pour un montant total d'1,5 milliard d'euros améliorera l'accessibilité des infrastructures publiques et des établissements recevant du public (voirie, transports, services publics, établissements recevant du public). Les préfets sont chargés de piloter et de mettre en œuvre une stratégie de déploiement de ces aides d'ici 2024, en lien avec les collectivités. Les critères d'éligibilité seront définis selon les besoins prioritaires et la situation économique des structures soutenues. D'ici 2027, l'État s'engage à achever l'accessibilité de ses bâtiments, de toutes les gares prioritaires nationales et à améliorer l'accessibilité partielle des métros historiques pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. Des moyens supplémentaires de soutien à l'investissement local (DSIL) dédiés à l'accessibilité seront mobilisés pour les collectivités locales les plus fragiles financièrement. Pour accompagner cette dynamique, une déléguée interministérielle à l'accessibilité a été nommée fin 2022. Celle-ci est notamment chargée de veiller à la promotion des enjeux d'accessibilité, d'évaluer et suivre, notamment au niveau territorial, les actions des acteurs publics et privés en matière d'accessibilité physique et numérique. Afin de préserver l'autonomie financière des bénéficiaires de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) en couple, il a été décidé de « déconjugaliser » l'allocation, c'est-à-dire de ne plus tenir compte de l'existence et des revenus du conjoint de la personne en situation de handicap pour apprécier son droit à l‘AAH. Cette réforme, entrée en vigueur le 1er octobre 2023, permet à 40 000 bénéficiaires de l'AAH vivant en couple de voir leur AAH augmenter et à 80 000 personnes en situation de handicap et en couple d'ouvrir droit à la prestation. Si le montant maximum de l'AAH (971,37 € depuis le 1er avril 2023) est effectivement inférieur au seuil de pauvreté, l'allocation est toutefois cumulable avec d'autres aides, telles que les aides personnelles au logement ou la majoration pour la vie autonome, permettant à ses bénéficiaires qui en respectent les critères de dépasser le seuil de pauvreté. S'agissant de l'accès aux soins, une mesure est en cours de préparation afin de faciliter l'accès des bénéficiaires de l'AAH à la complémentaire santé solidaire, qui prend en charge tout ou partie du coût de l'accès à une couverture complémentaire à la prise en charge par la sécurité sociale des frais de santé. Par ailleurs, concernant les aides techniques, l'objectif du gouvernement est de mettre en œuvre une réforme permettant de supprimer le reste à charge pour les utilisateurs de fauteuils roulants. Les prothèses et orthèses spécifiques nécessaires à la pratique de certains sports seront également mieux remboursées pour ouvrir la pratique sportive au plus grand nombre. Des mesures permettront de renforcer l'accessibilité de l'école. L'Acte 2 de « l'école pour tous » est sera engagé avec l'allocation de moyens nouveaux confiés à l'Éducation nationale. Il s'agit d'outiller les équipes pédagogiques et d'apporter une réponse de premier niveau aux besoins particuliers de tous les élèves en faisant, le cas échéant, appel à une équipe médico-sociale d'appui. Le rapprochement et la coopération du secteur médico-social et de l'éducation nationale reste une priorité identifiée comme un facteur clé de réussite de l'école inclusive, tel que, par exemple, l'intégration de cent établissements pour enfants pilotes au sein de l'école. Le Gouvernement s'engage aussi pleinement afin de permettre à toutes les personnes en situation de handicap d'accéder à des services de soutien spécialisés et individualisés, en nombre suffisant et en proximité. Un plan massif de création de 50 000 solutions sera lancé, intégrant une attention toute particulière aux territoires les moins dotés. La dynamique de transformation de l'offre médico-sociale sera confortée afin que les établissements et services fonctionnent en plateformes de services coordonnés et, ainsi, répondent davantage aux attentes des personnes en situation de handicap et aux engagements internationaux de la France. Dans la continuité du travail de concertation mené en amont de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 avec l'ensemble des parties concernées, une gouvernance renforcée a été mise en place afin d'en assurer le suivi. Une première réunion de ce comité de suivi s'est tenue le 23 juillet 2023 réunissant l'Etat, les collectivités territoriales et les associations.

Données clés

Auteur : M. Emmanuel Fernandes

Type de question : Question écrite

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Solidarités, autonomie et personnes handicapées

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Dates :
Question publiée le 20 juin 2023
Réponse publiée le 20 février 2024

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