16ème législature

Question N° 94
de Mme Véronique Louwagie (Les Républicains - Orne )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > taxe sur la valeur ajoutée

Titre > Société établie en France exerçant exclusivement dans un autre État membre

Question publiée au JO le : 12/07/2022 page : 3412
Réponse publiée au JO le : 20/09/2022 page : 4130

Texte de la question

Mme Véronique Louwagie attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la déduction de la TVA française encourue par des sociétés établies en France n'ayant que pour seule activité la location nue d'immeubles ou de locaux professionnels situés dans un autre État membre de l'UE, cette dernière location étant imposable à la TVA localement, soit de plein droit, soit sur option, selon la législation applicable, étant précisé que la TVA due localement peut être, le cas échéant, autoliquidée par le locataire. À l'occasion de cette activité locative soumise à la TVA dans un autre État membre, la société propriétaire encourt généralement de la TVA française au titre de ses frais généraux. La question se pose donc de la déduction de cette TVA française dans la mesure où une telle société n'exerce pas d'activité économique en France, étant précisé que certains services locaux refusent de délivrer un numéro de TVA français à défaut, pour la société, d'avoir opté pour l'assujettissement des loyers à la TVA en application du 2° de l'article 260 du CGI (option ne pouvant être exercée à défaut de détention d'immeuble en France). À cet égard, le d) du V de l'article 271 du CGI dispose que « ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : [ ] Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France ». La difficulté résulte, au cas particulier, du fait que la location nue de locaux professionnels en France est par principe exonérée de TVA sauf option pour l'assujettissement des loyers à la TVA dûment exercée par l'assujetti en application du 2° de l'article 260 du CGI. Aussi, souhaite-t-elle demander au Gouvernement de bien vouloir confirmer que lorsque l'activité locative exercée dans l'autre État membre porte sur des locaux professionnels nus, que cette activité est taxable à la TVA, localement, de plein droit ou sur option lorsque cette option a été exercée par la société propriétaire, la société française est autorisée à déduire la TVA française encourue par elle dans le cadre de son activité, peu important à cet égard qu'un régime d'autoliquidation de la TVA s'applique localement et que la société ne facture pas de TVA et ne dispose pas d'un numéro de TVA local et que, par conséquent, un numéro de TVA français peut lui être attribué.

Texte de la réponse

Il résulte des dispositions du d du V de l'article 271 du code général des impôts (CGI) qu'ouvrent droit à déduction les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Ces dispositions constituent la transposition du a de l'article 169 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite « directive TVA »). Par ailleurs, conformément à l'article 261 D du CGI, sont exonérées de la TVA les locations de locaux nus à usage professionnel ainsi que les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, les dispositions du 2° de l'article 260 du CGI prévoient que les personnes qui donnent en location des locaux nus à usage professionnel pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti ou non assujetti peuvent, sur leur demande, exercer l'option pour acquitter la TVA sur les loyers. Ces dispositions sont issues de l'exercice par la France de la faculté prévue au paragraphe 1 de l'article 137 de la directive TVA, étant précisé que les États membres en déterminent les modalités d'exercice et peuvent en restreindre la portée. En ce qui concerne la portée du droit à déduction, et concernant plus particulièrement l'application de l'article 169, sous a), de la directive TVA, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, dans son arrêt du 24 janvier 2019 (aff. C-165/17, Morgan Stanley), que le droit à déduction était subordonné à la double condition que,  d'une part, les opérations effectuées dans un État membre autre que l'État dans lequel la TVA est due ou acquittée pour les biens ou services utilisés pour la réalisation de celles-ci, soient taxées dans le premier État membre, et, d'autre part, que ces opérations auraient également ouvert droit à déduction si elles avaient été effectuées dans le second État membre. Ainsi, les prestations de location de locaux nus à usage de bureaux ou de commerce effectuées dans un autre État membre, sous réserve que ces locations y soient effectivement soumises à la TVA et que les conditions d'exercice de l'option pour leur taxation en France auraient été réunies si ces locations y avaient été imposables, ouvrent droit à la déduction de la taxe d'amont supportée pour les besoins de cette activité. Dès lors, la déduction de la TVA n'est pas conditionnée à la formalisation d'une quelconque option en France, et les personnes morales concernées peuvent se voir attribuer un numéro d'identification à la TVA français.