16ème législature

Question N° 9667
de Mme Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > logement

Titre > Protection du patrimoine et enjeux climatiques

Question publiée au JO le : 04/07/2023 page : 6004
Réponse publiée au JO le : 10/10/2023 page : 9021

Texte de la question

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la conciliation entre protection du patrimoine et enjeux climatiques. Le patrimoine bâti ancien non protégé de la France est menacé de disparition ou de banalisation par l'application de normes industrielles et de transition énergétique inadaptées à ce patrimoine dont la construction est antérieure à 1948. Sur les 37,2 millions de logements et habitations en France, 10 millions constituent le bâti ancien composé pour 60 % de maisons individuelles et 40 % d'immeubles, seule une infime partie de ce patrimoine est protégée. La loi « climat et résilience » du 22 août 2022 impose des objectifs d'amélioration de performance énergétique aux logements et prévoit également l'interdiction progressive de la mise en location des plus consommateurs en énergie. Or, aujourd'hui, la construction ou la rénovation d'un bien ancien aux normes actuelles peut être complexe. Préserver le patrimoine et adapter ou transformer celui-ci afin de respecter les normes environnementales suscite des inquiétudes légitimes. L'enjeu de la rénovation thermique dans ce secteur impose de trouver des solutions adaptées. Un groupe de travail interministériel « rénovation énergétique et patrimoine » a été créé en lien avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en juin 2022, dans le but de faciliter l'émergence de solutions techniques respectueuses du bâti ancien. Aussi, elle lui demande quelles propositions ont été faites par ce groupe de travail depuis juin 2022, s'il est envisagé de prendre en considération les bâtiments anciens dans une large acception et d'adapter les impératifs de la transition environnementale et climatique aux mêmes impératifs de protection du patrimoine.

Texte de la réponse

Le ministère de la culture est particulièrement attentif à la conciliation des objectifs de transition énergétique et de conservation du patrimoine bâti, protégé ou non au titre des monuments historiques ou des sites patrimoniaux remarquables. De façon générale, les matériaux et les modes de construction utilisés dans le bâti ancien ont des qualités intrinsèques qui, sous réserve de quelques adaptations, contribuent à son efficacité énergétique. Le bâti ancien présente notamment des qualités thermiques en termes d'inertie des parois. Par ailleurs, le respect et la conservation des matériaux anciens (pierre, tuiles, bois…) répondent aux impératifs de sobriété et de réduction de la consommation des ressources naturelles et de la production de déchets. L'enjeu est donc de sensibiliser les acteurs de la réhabilitation à la prise en compte de l'ensemble du cycle de vie d'un bâtiment et de ses usages pour éviter un recours systématique à certains dispositifs techniques, visant certes une efficacité maximale, mais parfois au détriment de l'intégrité matérielle du patrimoine culturel, qu'il soit bâti ou paysager. Un groupe de travail, mené conjointement avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) et le ministère de la transition énergétique (MTE), a été constitué au mois de juin 2022, qui réunit l'Association nationale des architectes des bâtiments de France et l'Ordre des architectes. Les séances de travail ont bien identifié les difficultés rencontrées par les propriétaires de logements. Le groupe travaille à l'émergence de solutions techniques permettant de préconiser les travaux pertinents permettant des gains d'efficacité énergétique en évitant des mesures trop invasives ou destructrices du patrimoine. Dans le même temps, le ministère de la culture mène plusieurs démarches de front. Ainsi, à la suite de l'expérimentation, durant trois ans, du label Effinergie Patrimoine, les architectes du patrimoine et les architectes des bâtiments de France, sollicités comme experts, et les ingénieurs du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), qui gère le centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA), travaillent à la rédaction d'un modèle type de diagnostic architectural et patrimonial adapté au bâti ancien. Le ministère de la culture a également soutenu au niveau européen la révision périodique de la norme européenne EN 16883 : 2017 « Conservation du patrimoine culturel – Principes directeurs pour l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments d'intérêt patrimonial » et un groupe d'experts « Performance énergétique » a été constitué par l'Association française de normalisation depuis le mois d'avril dernier, au sein de la commission française pour la normalisation de la conservation des biens culturels, pour travailler sur le premier projet de révision de cette norme européenne. Le comité technique européen CEN/TC 346 « Conservation du patrimoine culturel » a pris la décision, au mois de mai 2023, de revoir cette norme sur la proposition française. Ce processus s'inscrit dans la révision en cours de la directive européenne « Energy Performance of Building Directive » (2018), qui porte une attention toute particulière au patrimoine culturel et à la qualité architecturale et esthétique, en liaison notamment avec le Nouveau Bauhaus européen. Le ministère de la culture s'est engagé également dans un effort de formation de tous les acteurs, incitant ses réseaux professionnels à suivre par exemple les formations proposées de longue date par des associations, telle que Maisons Paysannes de France, sur l'amélioration thermique du bâti ancien (ATHEBA) ou la formation en ligne « Concevoir une réhabilitation énergétique responsable du bâti ancien » proposée au mois de mars dernier par le CEREMA (https://www.mooc-batiment-durable.fr/), qui a été suivie par plus de 5 000 participants. Le ministère de la culture souhaite associer à la conception de ces formations (initiale et continue) toutes les parties prenantes : organismes de recherche et de conseil, comme le CEREMA, réseau professionnel des architectes des bâtiments de France et des architectes du patrimoine, bureaux d'étude et organismes spécialisés (groupe de travail « Climat et patrimoine » du conseil international des monuments et des sites - ICOMOS France), associations de sauvegarde du patrimoine (Maisons Paysannes de France, Sites et Monuments. etc.), qui travaillent de longue date à la mise en place de conseils et de méthodes à destination des propriétaires privés et des collectivités territoriales. Les écoles du ministère de la culture sont toutes engagées en ce sens, que ce soit celles qui forment les architectes comme celles qui forment les conservateurs, les restaurateurs et les autres professionnels du patrimoine (Écoles d'architecture, École de Chaillot, Institut national du patrimoine). L'offre de formation à destination des diagnostiqueurs et des auditeurs est tout aussi essentielle pour permettre une prise en compte des spécificités du bâti ancien. L'arrêté du 20 juillet 2023 définissant les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification, publié par le MTECT (https://legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047927747), est venu modifier l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification. Dans ce contexte, le ministère de la culture a été associé par le MTECT à la conception du mode d'évaluation des compétences des diagnostiqueurs, en particulier dans l'analyse du bâti ancien, dans la prise en compte de ses qualités et de ses spécificités en matière de performance énergétique et dans la typologie des travaux adaptés, en s'appuyant sur des études de cas. Les travaux proscrits par leur caractère invasif ou susceptibles de dégrader à terme le bâti ancien devront aussi être explicités dans ce contexte. La réduction des déchets, le respect des circuits courts de production, l'emploi de matériaux ayant fait leurs preuves sont des objectifs à partager. Le guide en vigueur pour la réalisation des diagnostics de performance énergétique et des audits énergétiques, édité avec la collaboration du CEREMA, est également en cours de révision par le MTECT. Le ministère de la culture est associé à cette mise à jour afin de prendre en compte les caractéristiques du bâti ancien et de rappeler l'intérêt de l'expertise de l'architecte des bâtiments de France dans les sites patrimoniaux pour les recommandations de travaux. Les deux ministères souhaitent également élaborer un portail Internet commun à destination des porteurs de projet, des élus et des diagnostiqueurs pour mettre en valeur les études techniques et les bonnes pratiques concernant la rénovation énergétique des bâtiments d'intérêt patrimonial, tout comme les offres de formation et les ressources méthodologiques existantes, tel que le guide « Adapter le bâti ancien aux enjeux climatiques », publié en 2022 par l'association AJENA avec le concours de la direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté. L'adaptation des formations et la meilleure diffusion des ressources et de la méthodologie sont bien au cœur du plan d'action pour la transition écologique de la culture (2023) du ministère de la culture. Enfin, les dispositifs d'aides doivent être également actualisés afin de faire évoluer la liste des travaux éligibles, dans le sens d'une prise en compte des interventions respectueuses du bâti ancien.