16ème législature

Question N° 96
de M. Aurélien Lopez-Liguori (Rassemblement National - Hérault )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Classement en quartier de reconquête républicaine de l'Île de Thau à Sète

Question publiée au JO le : 03/01/2023
Réponse publiée au JO le : 11/01/2023 page : 90

Texte de la question

M. Aurélien Lopez-Liguori appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'insécurité quotidienne à laquelle font face les habitants du quartier de l'Île de Thau à Sète. Les chiffres sont éloquents. Sur les 11 premiers mois de 2022, on observe une augmentation flagrante des cas de trafics de drogue de 228 %, tendance bien différente dans les villes voisines de Montpellier et Béziers. Le constat est inquiétant : des réseaux criminels s'implantent de plus en plus dans ces rues, prenant le contrôle du quartier. Les habitants subissent cette situation de plein fouet. Ils n'osent plus sortir de chez eux de crainte d'être attaqués ou touchés par une balle perdue ; les incivilités, les violences et les règlements de compte rythment leur quotidien. Certains habitants évoquent même la nécessité de se faire justice eux-mêmes. Cela reflète l'impuissance voire la faillite de la puissance publique, qui se matérialise notamment par le manque d'effectifs flagrant de la police de Sète. On compte 100 gradés et agents en poste au commissariat. Selon toutes les sources policières que M. le député a interrogées, ils devraient être au minimum entre 115 et 125. À ceci, s'ajoutent des pressions sur les forces de l'ordre, qui subissent régulièrement attaques et guet-apens. Ainsi, le dimanche 16 octobre 2022, les policiers ont été assaillis par des hommes cagoulés. Visés par des tirs de mortier et en sous-effectif, les policiers ont dû attendre les renforts de la BAC d'Agde pour pouvoir s'extirper de cette situation. Le risque à terme est que le quartier se referme totalement, échappant à tout contrôle, et tombe aux mains de ces groupes criminels. C'est pourquoi M. le député a demandé à M. le ministre le classement du quartier de l'Île de Thau en quartier de reconquête républicaine (QRR). Ce classement permettrait d'obtenir des effectifs et de moyens supplémentaires pour lutter efficacement contre l'insécurité qui ravage la zone. Il lui demande s'il compte opérer ce classement en quartier de reconquête républicaine et si d'autres mesures sont prévues pour aider les habitants de l'Île de Thau, pris en otage par ces réseaux criminels.

Texte de la réponse

SÉCURITÉ DANS LE QUARTIER DE L'ÎLE DE THAU À SÈTE


Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour exposer sa question, n°  96, relative à la sécurité dans le quartier de l'Île de Thau à Sète.

M. Aurélien Lopez-Liguori. Monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, le 10 mars 2022, un homme est grièvement blessé par balle dans le quartier de l'Île de Thau, à Sète, dans ma circonscription. Le 2 juillet, un mineur est visé par plusieurs tirs. Le 13 juillet, encore des tirs : un adolescent est blessé. Le 21 août, une jeune fille est défigurée à l'ammoniaque par des dealers.

Telle est la situation intenable que vivent les habitants de l'Île de Thau. Excédés, ils attendent l'aide des pouvoirs publics, dans lesquels ils placent leur espoir que l'ordre soit ramené. Or, la seule manière de ramener l'ordre est d'en finir avec le trafic de drogue. En effet, sur l'Île de Thau, les affaires liées à ce trafic ont augmenté de 228 % en 2022. Des réseaux criminels se sont brutalement implantés dans ce quartier, qui se bunkérise et dont la population craint de sortir dans la rue de peur de prendre une balle perdue.

Pour illustrer l'ampleur des trafics, un chiffre a été avancé par les enquêteurs lors d'un procès qui s'est tenu au mois de septembre : un des points de deal générerait à lui seul jusqu'à 25 000 euros de recettes quotidiennes. La situation est catastrophique ; il est temps de donner un véritable coup d'arrêt aux trafics.

Après avoir été alerté par les habitants de l'Île de Thau réunis en collectif, j'ai adressé à M. Darmanin un courrier dans lequel j'expose ces faits et lui demande de classer cette zone en quartier de reconquête républicaine (QRR), ce qui permettrait d'obtenir les effectifs et les moyens qui manquent cruellement à la police de Sète, en sous-effectif chronique depuis plus de quinze ans.

Ma question est simple : le ministre de l'intérieur compte-t-il venir en aide aux habitants de l'Île de Thau et classer cette zone en quartier de reconquête républicaine ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Merci pour cette question relative à la ville de Sète, que je connais par ailleurs. Croyez-le, le Gouvernement est mobilisé pour relever les défis que vous avez précisément décrits.

À Sète, comme dans beaucoup de commissariats de France, les effectifs de police ont été augmentés au cours du précédent quinquennat. Ainsi, l'effectif opérationnel de cette circonscription de police, qui se composait à la fin de 2016 de 88 gradés et gardiens de la paix, compte actuellement 104 gradés et gardiens de la paix, auxquels il convient d'ajouter 16 policiers adjoints. Cet effort doit se poursuivre grâce au doublement programmé de la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique d'ici à 2027.

Dans le quartier de l'Île de Thau, les problèmes de stupéfiants et de violence qui accompagnent les trafics sont parfaitement identifiés par les services de police ; ils sont la cible prioritaire de l'action tant du commissariat que des services spécialisés de la police judiciaire.

Cette action consiste d'abord dans une occupation du terrain pour lutter contre la délinquance de voie publique, grâce notamment à des patrouilles régulières assurées chaque jour par le commissariat. Elle réside, en second lieu, dans le travail d'enquête de fond mené depuis 2020 pour lutter contre les trafics, travail qui implique tant le commissariat que les services spécialisés – direction territoriale de la police judiciaire (DTPJ) de Montpellier et antenne de l'office antistupéfiants de Marseille.

Il a déjà permis plusieurs vastes opérations d'interpellation de membres actifs des clans de trafiquants et a conduit au démantèlement de réseaux constitués depuis plusieurs années de jeunes délinquants du quartier. En 2021 et 2022, a notamment été démantelé le point de deal de la place Sainchole, qui était alors le centre névralgique du trafic local. Les seuls services de police judiciaire ont pu faire écrouer plus d'une dizaine d'individus depuis 2020. Le trafic implique dorénavant des jeunes extérieurs à la ville, voire au département, et devient donc plus violent.

Nos forces de police, croyez-le, sont mobilisées pour faire face à ce nouvel enjeu. Un travail collectif est également mené, et je m'en félicite, avec les partenaires locaux, dans le cadre d'un groupe de partenariat opérationnel piloté par le commissariat et de patrouilles mutualisées avec la police municipale – c'est ce qu'il faut faire partout.

Monsieur le député, vous pouvez compter sur la détermination et l'engagement sans faille des policiers pour garantir aux habitants de l'Île de Thau la tranquillité et la sécurité qu'ils méritent, même si c'est très difficile.

Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Aurélien Lopez-Liguori. Je vous remercie pour votre réponse. Dans le quartier de l'Île de Thau, la situation est intenable pour les habitants dont le quotidien est affecté : ils n'osent plus sortir de chez eux, ne serait-ce que pour faire leurs courses. Les policiers, en sous-effectif, ne peuvent répondre efficacement à leurs besoins – c'est un élément qui est revenu régulièrement lors de mes échanges avec les forces de l'ordre.

Actuellement, 104 agents et gradés sont en poste au commissariat. Or, selon toutes les sources policières de l'Hérault, leur nombre devrait être au moins de 115 à 125. Ces données reflètent le malaise qui règne au sein des forces de l'ordre face à un sous-effectif qui peut avoir des conséquences dramatiques.

Un drame a, du reste, failli survenir lorsqu'en octobre, des personnes encagoulées ont tendu un guet-apens aux policiers sétois, qui ont dû attendre le renfort de la brigade anticriminalité (BAC) d'Agde, à qui il a fallu trois quarts d'heure pour se dégager et sécuriser la zone. Comment assurer la sécurité de la population si nous sommes incapables de garantir celle des policiers ?

Eu égard à votre réponse, il apparaît clairement que le Gouvernement n'a pas pris la mesure de la gravité de la situation. Pour les policiers éreintés, pour les habitants en souffrance, nous attendons plus. La seule solution pour sortir de cette situation consiste à classer l'Île de Thau en quartier de reconquête républicaine. La police de Sète doit recevoir des renforts permanents, et non occasionnels.