16ème législature

Question N° 98
de M. Hervé de Lépinau (Rassemblement National - Vaucluse )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Insécurité à Carpentras

Question publiée au JO le : 03/01/2023
Réponse publiée au JO le : 11/01/2023 page : 92

Texte de la question

M. Hervé de Lépinau alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la dégradation sécuritaire que connaît le département de Vaucluse et plus particulièrement la ville de Carpentras. Deux quartiers bien connus de la ville de Carpentras inquiètent gravement ses trente mille habitants depuis bon nombre d'années. Cependant, M. le député se fait ici le relais d'une préoccupation qui a atteint son paroxysme sur la dernière année. En effet, le quartier des Amandiers et celui du Pous du Plan connaissent ces derniers temps une hausse exponentielle des actes délictuels et criminels liés au trafic de stupéfiants en tout genre, que cela soit illustré par des affrontements entre bandes rivales, tirs de mortiers à l'endroit des forces de l'ordre ou encore la substitution aux agents de police dans le contrôle de la circulation des riverains. Une situation qui n'est malheureusement plus tenable. En ce sens, au mois de juin 2022, M. le ministre avait fait parvenir le renfort d'une compagnie républicaine de sécurité d'une centaine d'agents, pour une durée de dix jours, à la suite de fusillades particulièrement préoccupantes dans les quartiers précédemment mentionnés. Trente jours plus tard, Carpentras était témoin non sans émoi de l'incendie de l'Espace Auzon, sa salle polyvalente culturelle. Ce tragique acte criminel, s'il lui a permis de bénéficier de nouveau du renfort, pour une dizaine de jours, d'une petite quarantaine de CRS, n'est venu que compléter la liste des méfaits que connaît la ville et n'a aucunement été le prétexte pour affecter durablement des moyens de défense de l'ordre public pour la commune. Par ailleurs, il serait pertinent que les forces de l'ordre puissent avoir plus facilement recours à l'usage de drones de surveillance dans le cadre des procédures d'interpellation en flagrant délit des trafiquants de drogue. Si Carpentras, a l'instar de ses habitants, connaît déjà une situation de précarité économique alarmante, il serait impensable que l'insécurité occasionne un exode des services publics dans certaines zones de la ville comme a pu le connaître la commune de Cavaillon depuis l'automne 2022. Il lui demande donc s'il va allouer des moyens pérennes de lutte contre l'insécurité à la ville de Carpentras et prendre réellement en considération la souffrance de ses habitants.

Texte de la réponse

SÉCURITÉ À CARPENTRAS


Mme la présidente. La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour exposer sa question, n°  98, relative à la sécurité à Carpentras.

M. Hervé de Lépinau. Deux quartiers bien connus de la ville de Carpentras inquiètent gravement ses 30 000 habitants. Je me fais ici le relais d'une préoccupation qui a atteint son paroxysme en 2022.

En effet les quartiers des Amandiers et du Pous du Plan connaissent une hausse exponentielle des actes délictuels et criminels liés au trafic de stupéfiants en tout genre – résine de cannabis, herbe, mais aussi héroïne, cocaïne et produits de synthèse aux effets délétères. Cela se traduit par des affrontements entre bandes rivales, des tirs de mortiers à l'endroit des forces de l'ordre ou encore la mise en place par les voyous de points de contrôle des riverains et des véhicules qui traversent ces quartiers, avec parfois des fouilles violentes si le conducteur s'y oppose.

Cette situation d'insécurité n'est plus tenable pour la population. Nous vivons dans l'angoisse des balles perdues qui blesseront ou tueront un enfant, une mère de famille ou encore un paisible retraité. Au mois de juin dernier, vous nous aviez fait parvenir le renfort d'une compagnie républicaine de sécurité (CRS) pour une durée de dix jours, à la suite de fusillades survenues dans ces quartiers. Ce dispositif a permis de faire retomber la tension mais, une fois les CRS retirés, les hostilités ont repris en intensité. Trente jours plus tard, notre ville subissait les incendies criminels de sa salle polyvalente et de l'appartement d'une personne liée au trafic de stupéfiants, attaqué au cocktail Molotov. Ces actes criminels ont motivé un nouvel envoi de renforts, une quarantaine de CRS, mais, là encore, seulement pour une dizaine de jours.

Vous l'avez compris, le contexte d'insécurité chronique justifie la présence dissuasive à Carpentras de forces complémentaires installées dans la durée pour mettre fin aux trafics et aux risques létaux qu'ils font peser sur la population.

Cette politique d'occupation durable du terrain par les forces de l'ordre a donné des résultats probants dans la ville voisine de Cavaillon ; les Carpentrassiens demandent donc, légitimement, de bénéficier des mêmes moyens.

Par ailleurs il serait pertinent que nos services d'enquête puissent avoir recours, de manière simplifiée, à l'usage de drones de surveillance, dans le cadre des procédures de flagrant délit, afin de faciliter l'interpellation des trafiquants de drogue mais aussi celle des consommateurs, car la dissuasion doit également porter sur la consommation : comme l'aurait sûrement dit monsieur de La Palice, il ne peut y avoir de consommation, donc de trafic, sans consommateur.

Par cette question, je demande donc au ministre de l'intérieur d'engager des mesures pérennes de lutte contre l'insécurité à Carpentras et de prendre en considération l'exaspération de ses habitants.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Malheureusement, la délinquance que vous décrivez est tout à fait réelle et effectivement centrée autour des quartiers des Amandiers et du Pous du Plan. On est là confrontés à des réseaux de narcobanditisme très violents et aux rivalités endémiques pour le contrôle des points de deal. Précisons simplement que l'incendie dramatique de l'espace Auzon, auquel vous avez fait allusion, est sans rapport avec la situation dans ces quartiers ; ses trois auteurs présumés ont d'ailleurs été interpellés et mis en examen.

Face au trafic de stupéfiants qui gangrène ces quartiers, nos forces de police sont mobilisées et réactives ; les moyens ont été renforcés. Alors que cette circonscription de police comptait fin 2016 cinquante-six gradés et gardiens, cet effectif se monte désormais à soixante-dix-sept, à quoi s'ajoutent cinquante-cinq personnels des unités départementales, mobilisables en renfort, à la demande.

Ces policiers occupent le terrain. Nuit et jour des contrôles routiers sont régulièrement effectués en périphérie de ces quartiers. La direction départementale de la sécurité publique apporte un renfort hebdomadaire pour des opérations de plus grande envergure. Par ailleurs, une vaste opération commune a été menée en octobre avec des renforts de police zonaux et avec l'appui de la gendarmerie ; d'autres opérations de ce type seront organisées. Je tiens d'ailleurs à souligner, pour m'en féliciter, que ce travail de terrain bénéficie de l'appui sans faille de la police municipale de Carpentras.

Les luttes des clans du printemps dernier ont conduit, vous l'avez dit, à une riposte déterminée, avec, notamment, un déploiement de CRS de juin à juillet et la mobilisation du service de police judiciaire d'Avignon. Dans cette guerre des gangs, un seul fait de violences avec armes a, depuis, été recensé.

Un travail de fond est mené contre les trafics dans ces deux quartiers, tant par le commissariat que par les unités spécialisées du service de police judiciaire d'Avignon et de la direction territoriale de la police judiciaire de Montpellier. Le commissariat travaille en étroite collaboration avec la compagnie de gendarmerie de Carpentras. Ce travail judiciaire, qui bénéficie d'un soutien fort du parquet, a permis, depuis septembre dernier, au groupe des flagrants délits du commissariat d'écrouer une dizaine de guetteurs et trafiquants. Par ailleurs, les saisies se sont multipliées en 2022 : soixante-treize kilogrammes de résine de cannabis, quarante-sept kilogrammes de cannabis, onze kilogrammes de cocaïne, plus de 80 000 euros et vingt-cinq armes ont été saisis.

Au-delà de ce travail partenarial assuré par le commissariat, celui-ci se réunit chaque mois pour traiter de questions locales très concrètes, par exemple les occupations de hall d'immeuble, les encombrants ou encore les squats. Je tiens à souligner que la police nationale s'investit elle aussi fortement dans la prévention et le contact avec la population, au travers, notamment, des « cafés rencontres » organisés dans les établissements scolaires de ces quartiers en 2022, des journées d'activités proposées aux jeunes par des policiers bénévoles, ou encore des rencontres du commissaire de Carpentras avec les habitants des quartiers.

L'État est au rendez-vous et il agit – c'est fondamental – avec le soutien de tous les acteurs locaux, pour rétablir la tranquillité et la sécurité qu'attendent légitimement les habitants de Carpentras, notamment ceux des cités des Amandiers et du Pous du Plan. C'est difficile, mais la bagarre continue.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé de Lépinau.

M. Hervé de Lépinau. J'ai tourné avec des équipages de la BAC – brigade anticriminalité – et de police secours. Ce que nous demandons, c'est la présence complémentaire pérenne – je dis bien pérenne – de forces de la CRS, pour dissuader principalement les consommateurs, car retenez la formule : sans consommateurs, il n'y a pas de trafic.